– Article initialement publié le 26 juillet 2012
S’il t’arrive parfois de te demander d’où sort ce pull rose fluo à pompons qui faisait vomir toutes tes potesses il y a un an, et que chacun d’elle a acheté en triple exemplaire cette année pour pallier aux ennuis de lavage, j’ai la réponse : c’est la faute des bureaux de style. Avant la mode et ses feux d’artifice de WTF, il y a des gens qui bossent pour prendre le contrôle de ton cervelet fashion.
Bienvenue dans les méandres de la mode, jeune marin.
Un bureau de style, quésako ?
Point La Rouquine : appelé aussi « bureau de tendance » ou « agence de style », un bureau de style est une société qui anticipe, détecte et analyses les tendances de mode. Autrement dit, ce sont des genres de voyants qui se basent sur le présent pour trouver la couleur, la forme ou la texture qui te ferait baver par les oreilles dans le futur. Ils veulent savoir si tu préfères le moelleux d’un Donuts ou le piquant de l’ortie dans tes chaussettes, pour filer de l’inspiration aux créateurs.
Avant les bureaux de style, la tendance était dictée par les magazines, les couturiers ou Louis XIV, l’homme qui aimait les chaussures à talons rouges autant que Christian Louboutin. Les bureaux de style sont nés dans les années 1950, grâce à des gonzs comme Nelly Rodi et Fred Carlin, qui se sont dit qu’ils pouvaient concevoir la mode en se basant sur leur intuition et le décryptage des mouvements sociaux et culturels.
Depuis, les bureaux qui font le swag de la planète s’appellent Nelly Rodi, Peclers, Promostyl ou encore Carlin International. Leurs clients sont les marques de fringues, prêt-à-porter et Haute couture. Il existe aussi des bureaux de tendance pour l’immobilier, les cosmétiques, l’art de la table, le design automobile…
Les bureaux de style, ces tendanceurs à la pêche aux idées
Dans les bureaux de style, ça défile pas mal : on y rencontre des stylistes, des coloristes (qui travaillent… la couleur), des photographes, des développeurs multimédia, des sociologues, des responsables marketing… Tous sont réunis par trois mots : vigilance, analyse, et créativité.
Ces tendanceurs suivent l’actualité, voyagent beaucoup, traînent dans la rue, les musées et les cafés, bref un peu partout, pour stalker l’air du temps. Tu pourrais bien croiser Nelly Rodi en boîte de nuit tranquilos. Sauf que pendant que tu sirotes ton mojito en prenant un air inspiré pour avoir l’air fraîche, Nelly est en train de passer toute la discothèque aux rayons-X pour en trouver la substantifique moelle.
Et pas question de rentrer les mains vides de la promenade. Souviens-toi lorsque tu ramenais des pommes de pin de tes balades dans la gadoue en forêt. Pour les tendanceurs, c’est la même chose, ils vont rapporter de leurs virées des objets, des tissus, des photos, des textes, des odeurs, c’est-à-dire tout ce qui pourrait les inspirer un peu plus qu’une chanson d’Ophélie Winter.
Maimé Arnodin, la précurseuse
Maimé avec sa pote Denise Fayolle.
Son nom est presque totalement inconnu du grand public actuel, sa photo quasi introuvable sur Gogole, et pourtant, Maimé Arnodin est un peu LA meuf qui a donné le premier kick à la naissance des bureaux de style. D’abord directrice de la publication pour le magazine le Jardin des Modes, elle y crée une rubrique prêt-à-porter dans le titre, avant de monter une structure de conseil aux entreprises de fringues.
Elle lancé en 1961 le concept qui va rendre les bureaux de styles aussi famous que David Guetta (ou presque) : le cahier de tendances. Celui-ci regroupe des idées de couleurs, d’harmonies et de matières pour les gens qui fabriquent les collections mode. Le principe va être repris et est encore utilisé aujourd’hui, comme quoi le Nain Ternet n’a pas tout tué sur son passage.
Le cahier de tendance, mon précieuuuuux
Le cahier de tendance est un peu le top 50 des années à venir : il est constitué de planches illustrées qui s’étalent sur des pages et des pages aussi bien que du Nutella sur une tartine. C’est la matérialisation du boulot des chasseurs. Au total, une vingtaine de cahiers est éditée deux fois par an, trois à cinq ans avant que la mode nous tombe sur le pif.
Dans un cahier de tendance, tu vas donc trouver des gammes de couleurs, des photos d’ambiance, des motifs, des échantillons, des croquis, des textes, le tout décrypté pour les marques, qui vont se baser dessus pour imaginer leurs collections. Le premier cahier de tendances de Maimé Arnodin s’appelait l’Alphabet des couleurs et regroupait des nuanciers faits de sa papatte. Depuis 1963, les bureaux de style vont piocher dans un nuancier déjà prêt : la gamme Pantone, qui référence (presque) toutes les couleurs existantes.
Du Maimé Arnodin vintage, ma bonne dame.
C’est compliqué dans la tête de Nelly Rodi.
Du Peclers pour 2013-2014, ça sent le scoop.
Si tu penses que c’est bien choupi-trognon, mais que ça ne vaut pas un album de Martine, détrompe-toi. Ces cahiers de gourou du style, présentés sur les salons professionnels, sont vendus pas moins de 2000 euros pièce aux maisons de couture (ça en fait, des menus Big Mac) et de prêt-à-porter. C’est aussi pour ça que tu as parfois l’impression d’une attaque de clones quand tu fais les magasins.
Enfin, il existe 4 types de tendances :
- à court terme : celles-là se font la malle au bout de 6 à 8 mois
- à moyen terme : elles portent le mignon sobriquet de « tendance d’écume », et elles durent 2 ou 3 ans
- à long terme : ce sont les tendances de profondeur, qui peuvent vivre de 5 à 10 ans, voire plus (les increvables, ou presque, en somme)
- les « flash » : c’est un nom donné par les grosses enseignes textile (les fameux suédois et espagnols chez qui tu fais les soldes) aux collections genre lapin Duracell qui restent 3 semaines en magasin pour stimuler ton pouvoir d’achat.
En résumé, les bureaux de style, c’est ce qui se sert d’aujourd’hui pour créer la mode de demain !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Quels Master faut-il avoir pour entrer dans un bureau de style ?