Depuis quelques années, beaucoup de maisons de luxe se sont débarrassé de leur logo historique, souvent avec sérif (il s’agit des légers empattements ajoutés à chaque extrémité des caractères en typographie), pour en afficher une version plus sobre, minimale, et sans sérif. Cela a été le cas pour Saint Laurent, Balmain, Berluti, ou encore Burberry. Cette dernière, dirigée artistiquement de 2018 à 2022 par Riccardo Tisci (lui-même emblématique directeur artistique de Givenchy de 2005 à 2017) s’offre pourtant un relooking qui laisse présager un retour aux sources (bourgeoises), sous l’impulsion créative de son nouveau DA, Daniel Lee, et peut-être un changement pour toute l’industrie.
Qui est Daniel Lee, le nouveau directeur artistique de Burberry ?
Daniel Lee, né le 22 janvier 1986 à Bradford, en Angleterre, sort diplômé de la prestigieuse école de mode londonienne Central Saint Martins College of Art and Design en 2010. Après des stages pour Maison Margiela et Balenciaga (époque Nicolas Ghesquière), il entre en 2012 chez Celine (circa Phoebe Philo). Ce parcours en dit long sur l’esthétique minimaliste et cérébrale qu’il a ensuite su insuffler avec brio pour Bottega Veneta, discrète maison de luxe (appartenant au groupe Kering) surtout connue pour ses cuirs tressés. Depuis sa nomination à la tête de la direction artistique en juin 2018, Daniel Lee y a fait supprimer le compte Instagram de l’entreprise, a grandement contribué à imposer le vert franc dit Kelly partout dans la mode (à tel point qu’on le surnomme « vert Bottega ») et a redonné le goût des sacs tressés notamment grâce à son it-bag, le Cassette (son autre bestseller, le Pouch, serait même le plus vendu de l’histoire de la marque d’après le New York Times). En 2020, grâce à lui, Bottega Veneta renoue avec la croissance en affichant 1,2 milliard de chiffres d’affaires, soit une hausse de 4,8 %. Le tout, sans jamais céder aux sirènes de la logomania.
Seulement, en novembre 2021, Daniel Lee quitte son poste de directeur artistique de Bottega Veneta. Officiellement, à cause de différends internes avec le reste de l’équipe créative, rapporte GQ. Officieusement, la rumeur veut qu’il ait tenu des propos racistes au bureau. Mais comme le souligne une personne anonyme de ce qu’on surnomme le high fashion twitter, c’est-à-dire les gens qui aiment échanger à propos de l’industrie de la mode sur le réseau social à l’oiseau bleu : si John Galliano a pu continuer sa carrière mode après son scandale antisémite (il s’épanouit depuis 2014 comme DA de Maison Margiela), Daniel Lee peut survivre aux allégations de racisme.
On ne saura jamais le fin de mot de cette histoire terminée, mais qu’importe puisque Daniel Lee a rebondi, après un an d’hiatus, en étant nommé directeur artistique de Burberry en septembre 2022, suite à l’annonce du départ de Riccardo Tisci (on ne sait pas encore où ce dernier ira).
Burberry renoue avec son ancien logo et sa devise « Prorsum »
Alors que Daniel Lee s’apprête à présenter sa première collection pour Burberry le 20 février 2023 dans le cadre de la London fashion week, de premiers teasers laissent présager d’un changement radical. Ou plutôt d’un retour aux sources. Le jeune Anglais au style minimaliste a en effet fait vider le compte Instagram de la marque pour y poster le 6 février 2023 de premiers visuels annonciateurs de la nouvelle ère de la maison fondée par Thomas Burberry en 1856.
On peut donc remarquer une réinterprétation d’un ancien logo de la griffe, celui du chevalier équestre (Equestrian Knight Design) bleu foncé, conçu vers 1901, et le retour de la devise « Prorsum » (terme latin pour dire : en avant, directement). C’était le nom de la collection défilé, plus exclusive, de la maison, sous Christopher Bailey (emblématique directeur artistique de Burberry de 2000 à 2017). La police de caractère s’avère différente aussi : exit le sans sérif imposé sous Riccardo Tisci, retour à une typo à léger empattement tirée des archives des années 1990.
Pour mieux signifier ce changement d’identité de marque, plusieurs personnalités britanniques ont été photographiées devant des emblèmes du Royaume-Uni : les artistes musicaux Shygirl, Skepta, John Glacier ; l’actrice Vanessa Redgrave ou encore le footballeur Raheem Sterling. Et que seraient le Royaume-Uni et la mode sans une bonne dose de népotisme : compte également dans la campagne le fils de Liam Gallagher, Lennon. De quoi incarner le lien entre tradition et modernité, vous l’aviez…
L’esthétique old money : retour aux classiques, aux codes BCBG, et au culte de l’héritage
Après une ère relativement maximaliste et streetwear sous Riccardo Tisci, on peut donc s’attendre à un ré-embourgeoisement de Burberry, à des réinterprétations de l’héritage maison, sauce minimalisme cérébral de Daniel Lee. À noter que la marque Saint Laurent, qui avait été amputée du « Yves » et passée en sans sérif dans une police semblable à l’Helvetica sous l’ère Hedi Slimane propose depuis le 13 janvier 2023 une nouvelle version de son branding qui reprend la typographie du fameux logo de Cassandre (celui qui entrelace les initiales YSL à la verticale). Signe clair d’un changement dans l’air : un retour aux sérifs, aux logos d’archives, donc au culte de l’héritage, et surtout au vestiaire BCBG, après des années de règne du streewear dans l’industrie de la mode ?
Le carton commercial actuel de Celine sous Hedi Slimane qui contribue fortement à rendre tendance mocassins, ballerines, petites vestes en tweed et sacs à main à logo Triomphe, bien discret et bourgeois, le laisse présager. Bref, le style old money a de beaux jours devant lui, y compris à nouveau chez Burberry.
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