« Mes modos m’ont dit en plein stream : “Trixy, on se parle après le live, c’est urgent”. »
, 112 000 abonnés au compteur, streame sur Twitch depuis 3 ans.
Membre de Radio Street, une des radios libres les plus populaires de la plateforme, elle est à l’origine d’un thread qui a beaucoup tourné le 10 décembre sur Twitter et qui a été repartagé par des animatrices très suivies comme Kayane.
Sur BunnyHopTV, on vient mater de la meuf
Trixy raconte à madmoiZelle :
« Ça faisait déjà un petit moment que je voyais des étrangers dans mon tchat. On a toujours des Anglais qui nous regardent, ou des gens qui se perdent, mais c’était de plus en plus courant.
Je n’ai pas tiqué tout de suite parce que Twitch est en pleine expansion. Mais j’ai commencé à voir des mecs qui étaient de gros forceurs, qui parlaient de cul, s’adressaient aux filles de mon tchat. Avant-hier, un gars a écrit : “Je suis en train de me branler sur toi”. »
C’est un viewer qui a fini par prévenir Trixy et ses modos de l’existence de BunnyHopTV, une plateforme agrégeant des flux de streameuses dans le monde entier. Sa baseline :
« Le meilleur endroit pour regarder des lives de filles qui jouent aux jeux vidéo, papotent, font de l’ASMR, et plus. »
Présenté comme un catalogue de streameuses en live à la demande, la page d’accueil annonce la couleur : ici, on vient stalker de la meuf.
Le fonctionnement de BunnyHopTV est simple : le site récupère et intègre les flux de milliers de lives de femmes à travers le monde, puis les classe par catégories (Just Chatting, Cyberpunk) mais aussi par langues (française, anglaise, japonaise, chinoise, etc.).
La personne à l’origine de BunnyHopTV n’a pas eu besoin de demander une quelconque autorisation, ni à Twitch, ni aux streameuses, puisque l’API des flux Twitch est ouverte — pour permettre à des sites d’intégrer des lives aux articles par exemple.
C’est ainsi que des centaines de streameuses françaises ont découvert qu’elles étaient répertoriées sur la plateforme depuis des semaines, sans leur accord. Trixy confie à madmoiZelle :
« J’ai reçu beaucoup de messages de filles qui m’ont confirmé qu’elles avaient aussi des étrangers dans leur tchat depuis quelques temps et qui se sont trouvées sur BunnyHop.
J’étais partagée à l’idée de le signaler à Twitch sans en parler sur Twitter, et puis je me suis dit qu’il y avait des nanas qui étaient là-dessus et qu’elles voulaient peut-être le savoir. »
À raison, puisque ses tweets ont provoqué une vague de signalements aux streameuses. Alertés, de nombreux viewers ont mentionné sur Twitter les personnes concernées pour les prévenir que leurs contenus se trouvaient sur une plateforme douteuse.
Les initiatives de ce type ne sont malheureusement pas marginales. Trixy raconte comment elle a vécu cette découverte :
« J’étais choquée, mais pas étonnée. J’en ai vu tellement des vertes et des pas mûres… J’étais choquée parce qu’on utilise mon image à des fins douteuses et ça m’a dégoûtée. Mais au final, voilà, on est sur Internet. »
Qui se cache derrière BunnyHopTV ?
Pas étonnée, mais pas d’accord. Les streameuses répertoriées n’ont jamais été informées du relais de leurs lives sur ce catalogue et nombre d’entre elles ne veulent pas de ce type de « publicité ».
Oui, car faire de la publicité pour les streameuses, c’est ce que revendique BunnyHopTV, en toute détente.
Une « publicité » qui leur apporte avant tout des étrangers assez seuls pour venir se palucher devant des femmes en live, et assez malsains pour le leur dire ! On a connu meilleure intention.
Mais à qui la doit-on ? Un internaute a tenté de le savoir en recherchant les informations d’hébergement du site. Sans succès, puisque son serveur est hébergé au Panama de manière anonyme.
Avec son compte Twitter créé en octobre 2020 et comptabilisant seulement 6 abonnés le 10 décembre, et son agrégation de chaînes qui semble être faite manuellement par le développeur de la plateforme, sans appel à crowdsourcer des chaînes sur la plateforme ou sur les réseaux sociaux, il est possible que l’initiative soit celle d’une personne solitaire.
Et planqué derrière l’anonymat, l’initiateur de BunnyHopTV est sans doute conscient que son site est borderline.
Il ne semble pas y avoir de logique dans le choix des chaînes répertoriées ni dans les langues disponibles : certaines streameuses cumulent seulement 4 viewers, d’autres sont dans le top 100 des pays, etc.
Juridiquement, la plateforme ne risque pas grand-chose. Elle n’est pas ouvertement marketée comme un agrégateur de contenus à visée sexuelle ou pornographique, et reprend l’API ouverte de Twitch (qui peut décider de la bloquer) : le développeur n’a pas pris beaucoup de risques.
Comme souvent pour ce type de sites tendancieux, ce dernier a sans doute engrangé des revenus avec les audiences générées sur BunnyHopTV, au détriment des créatrices affichées.
La réaction de Twitch à BunnyHopTV
Rapidement prise à partie, la plateforme Twitch qui diffuse les streams n’a pas attendu pour répondre personnellement à Trixy et publiquement sur Twitter.
La streameuse raconte à madmoiZelle que les équipes ont été très réactives :
« Je suis partenaire Twitch, donc je suis en contact direct avec les équipes. On m’a tout de suite dit que c’était inadmissible et que c’était remonté en interne. Mon contact m’a vraiment dit qu’il était heureux de pouvoir m’aider dans ma démarche. »
Contacté par madmoiZelle, Twitch a confirmé condamner fermement ce genre de plateformes :
« La sécurité de notre communauté est notre priorité absolue et nous avons un règlement strict qui détaille non seulement les comportements autorisés sur Twitch mais aussi ce qui est attendu des sites qui intègrent nos contenus. Ce site représente une violation flagrante de multiples axes de nos règles et a été bloqué. Cette façon d’abuser de notre contenu et de nos créatrices nous dérange profondément. »
Et en effet, dans la matinée du 10 décembre, le site BunnyHopTV n’affichait plus aucun stream.
Si la réactivité de Twitch et la mobilisation de la communauté ont permis de rapidement régler ce problème, les streameurs et streameuses ne sont cependant pas à l’abri de voir leurs contenus hébergés sur des plateformes dont ils ignorent l’existence et sans que leur consentement ne soit demandé.
Le signalement en direct de ces abus à Twitch est une solution efficace mais ne règle pas les nombreuses problématiques que cet épisode soulève : pourquoi les créatrices n’ont-elles pas la possibilité de gérer leur image comme elles l’entendent sur Internet ? Pourquoi certaines personnes, comme l’internaute ci-dessous, continuent-elles à excuser l’existence de telles plateformes par la profondeur de décolleté d’une minorité de streameuses ? Les femmes n’ont-elles pas le droit de faire et de porter ce qu’elles veulent sans devoir s’attendre à voir leur contenu volé ?
C’est malheureusement le lot des créateurs et créatrices de contenus sur Internet : une fois publique, leur image ne leur appartient plus. Et en prendre conscience avant de se lancer dans une carrière sur Twitch peut être utile pour anticiper les situations désagréables.
Cette histoire, bien que choquante, reste un micro-incident qui s’est vite résolu ; elle ne doit pas éclipser toutes les formidables opportunités qu’offrent plusieurs plateformes pour porter des paroles diverses dans l’espace public.
De plus en plus de femmes développent des activités sur Twitch et viennent prouver aux rageux qu’elles ne sont pas que des décolletés. Elles méritent tout notre soutien, et le vôtre aussi !
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