Avant de m’agglutiner tous les matins contre mes semblables dans un souterrain, avant de fouler le pavé couvert de fluides divers, avant d’habiter à Paris, j’ai vécu plus de vingt ans à la campagne.
Outre le chant des oiseaux et la végétation luxuriante, le mode de vie d’un petit bled de deux cent habitants est quand même très différent de celui d’une métropole. Un villageois sur trente porte du Zara, le bus scolaire met cinquante minutes à faire trente kilomètres et les jeunes squattent le lavoir plutôt que le Trocadéro.
Le problème, c’est le dimanche. Oui, la campagne c’est beau, c’est sain, c’est vert. Mais une fois que tu as fait le tour de tous les chemins alentour, visité chaque église et eu la gueule de bois dans chaque salle des fêtes, tu finis par t’ennuyer sec.
C’est sans doute pour ça que les anciens ont inventé le vide-grenier. Coutume du bon villageois, hymne aux soupentes en tout genre, étalage de reliques, la brocante est l’endroit idéal où traîner quelques heures. Si tu aimes fouiner et que tu n’es pas allergiques aux acariens, je te conseille de me suivre, l’aventure vaut son pesant de cacahuètes.
Puces, fripes, braderie, brocante même combat (ou pas)
Beaucoup pensent qu’à partir du moment où des gens exposent des vieux trucs sur une planche reposant sur deux tréteaux, il s’agit d’une brocante. Ils ont tort. Alors que les vides-greniers sont des animations populaires où les particuliers vendent leurs affaires, les brocantes sont souvent réservées aux professionnels.
Quand tous les villages près de chez moi se félicitent d’organiser de belles brocantes, il s’agit donc d’un splendide abus de langage. Mais je ne leur en veux pas, l’effort est plus que louable et il ne faudrait surtout pas cracher dessus !
Ce que je trouve drôle, c’est qu’ici, à Paris, les puces (comme il fait bon de les appeler) sont plutôt réservées à une élite sociale et intellectuelle. Se faire photographier à la foire de Boulogne Billancourt vaut tous les brunchs postés sur Instagram. Arpenter un vide-grenier histoire d’user la gomme de ses Keds, c’est le comble de la classe. Chez moi c’est tout le contraire.
Nope.
Les vides-greniers sont tout sauf l’endroit le plus chic de la planète. Si, ici, j’ai l’impression d’assister à un post-Coachella (avec un manteau en bonus), dans ma campagne on est franchement plus près d’un remake de Camping que du défilé de mode.
C’est aussi et surtout pour ça que les brocantes populaires me plaisent autant. Elles sont arpentées par tout un tas de personnalités plus originales les unes que les autres. Il y a le papy qui traîne ses charentaises et s’arrête à chaque stand pour contempler les plaques de cheminées en fontes. Il y a les gamins en quête de cartes Yu-Gi-Oh ou de plus grands enfants brandissant une NES en parfait état vendue trois euros cinquante. Il y a les adolescents qui traînent, un Mister Freeze nonchalamment coincé entre les lèvres, les baba cool disposés à refaire toute leur garde-robe et les quinquagénaires zigzaguant jusqu’à la buvette.
La brocante, véritable observatoire de l’humanité, on en parle pas assez.
Vide-grenier VS réseaux sociaux
Les vides-greniers sont le parfait endroit où entraîner tes aptitudes à la sociabilisation. Si on dit parfois que le monde est petit, imagine-toi l’état d’une petite communauté de communes ! Pourtant, le destin des campagnards n’est plus le même qu’au temps où on dormait dans les étables. Après le lycée, il est courant de faire ses études là où la voiture n’est pas obligatoire pour acheter du papier toilette. Beaucoup de chemins se séparent sur les bancs de la fac.
C’est là que la brocante entre en jeu.
Crois-moi, ce simple regroupement de familles bien décidées à se débarrasser des vieilleries de leurs granges est bien plus efficace que n’importe quel compte Facebook ou Instagram pour bitcher renouer avec de vieilles connaissances.
Combien de fois m’est-il arrivé de tomber sur une ex-voisine de classe, un ex-prof de maths, une ex-partenaire d’accrobranche… ou un ex tout court ?
Oui, ça fait mal.
En général, tu n’as qu’à éviter le regard de l’indésirable, mais parfois cette parade ne suffit pas à briser le malaise. Te voilà partie pour narrer les dernières années de ta vie à cette personne que tu n’avais jamais bien distinguée sous son acné juvénile.
Sois forte, car si les brocantes sont le moyen de (re)faire de belles rencontres plus ou moins hasardeuses, elles sont surtout un endroit où « affaires » ne riment ni avec « enfer » ni « cancer », mais bien avec « interstellaire ».
La brocante, petit guide anthropologique
Le principe du vide-grenier est de se débarrasser de ce qui encombre la maison. Du coup, les objets sont bradés et les tarifs négociables. C’est cool si tu as besoin de mobilier pour ton studio et que tu n’as rien contre le pin massif, mais pas seulement.
Les brocantes sont un endroit merveilleux où tout est mis en place pour te permettre de shopper sans t’arrêter. En général, les stands sont disposés de part et d’autre de la rue, si bien que tu ne sais plus où donner de la tête. Ton regard se pose frénétiquement sur un vieux Furby ébouriffé, un vinyle de Polnareff et un tire-bouchon se terminant par une patte de chevreuil (garantie 100% véritable).
C’est fou.
Si certains objets se retrouvent à attendre que quelqu’un ait l’amabilité de leur offrir une seconde vie, ce n’est pas pour rien. 90% des trucs vendus sur les stands sont moches, dépourvus de tout sens pratique et/ou esthétique, et ont une faculté indéniable à attirer la poussière. Et pourtant…
Quand tu assistes à une brocante, c’est un peu comme si on te donnait l’autorisation d’aller fouiller dans la cave des voisins en te promettant qu’aucun mauvais esprit n’essaiera de s’emparer de ton âme. Imagine un peu le kif !
C’est un bout de leur intimité que les familles disposent sur des draps moches. Ce sont des cadeaux de mariage nuls, des échantillons de La Redoute, l’héritage de l’arrière grand-mère, des bidules qui passent de génération en génération sans que quelqu’un ait le courage de s’en débarrasser.
Alors oui, c’est plein de bons sentiments, mais ça ne t’empêchera pas d’avoir parfois du mal à cacher un petit rire authentique. Par exemple, tu ne pourras sans doute pas éviter le célèbre tableau en point de croix, que tu croyais unique depuis que ton arrière-grand-père l’a cloué au-dessus de sa cheminée. Eh non.
Ah, il est aussi à vendre sur Leboncoin, merde.
Tu peux également trouver des trucs originaux pour moins cher qu’un Kinder Bueno. Jette un coup d’oeil aux meubles ! Si cette petite chaise en bois te paraît fade et vieillotte, avec un peu de peinture et de tissu elle peut avoir l’air vraiment cool devant ton bureau.
Certains vendeurs sont tellement aveuglés par l’envie de se débarrasser de leur fatras qu’ils n’hésitent pas à demander des prix dérisoires ! C’est ainsi que j’ai acheté une authentique machine à écrire en parfait état, ayant fait la guerre, pour moins de 20€ (vendue plus de 200€ chez un professionnel). Mon porte-monnaie crie victoire et une grange se sent plus légère de quelques kilos.
Tenir son stand : l’étape supérieure
Peut-être que tu es déjà séduite par l’ambiance et l’odeur un peu rance des vide-greniers. Alors pourquoi ne pas passer un niveau en apportant toi aussi ton lot de poussière à l’édifice ?
Pour ça, tu n’as qu’à disposer tes objets à vendre sur une table bricolée, prier un coup et attendre.
Attendre.
Attendre et ne jamais quitter ta place, même si la nature te le demande très fort.
Jamais.
Courage, ça rapporte.
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