Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe par certains aspects ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur rapport à l’argent et de leur organisation financière en couple ou en solo. Aujourd’hui, c’est Bravo qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Bravo
- Âge : 31 ans
- Métier : économiste dans un groupe public
- Salaire net après prélèvement à la source : 2 300 €
- Vit avec : son conjoint
- Lieu de vie : Un appartement dont son conjoint est propriétaire à Paris
Les revenus de Bravo
Bravo travaille en tant qu’économiste en CDI dans une entreprise publique. À cause du régime social particulier de son employeur, elle est encore considérée comme stagiaire mais obtiendra le statut officiel de salariée en CDI en fin d’année. À ce poste, elle gagne 2 300 € par mois. Un salaire qu’elle reconnaît être confortable, mais qu’elle a du mal à gérer :
« Même si mon salaire est légèrement en deçà de ce que je toucherais, à mon niveau d’études (bac +8) et pour le même métier dans une entreprise privée, je suis bien payée. Franchement bien payée, non ? Selon la médiane et même la moyenne françaises, je suis à l’aise financièrement. Mais au regard de mon mode de vie, ça passe ric-rac, je dirais. »
En effet, la trentenaire l’annonce dès l’introduction, elle s’estime obsédée par l’argent… D’une manière qu’elle considère très négative :
« Je suis très (très) dépensière, à découvert régulièrement et incapable de faire vraiment face à de grosses dépenses prévues et encore moins les imprévues.
Alors, voilà, c’est un peu mon mea culpa de nana privilégiée. Et je veux bien tendre le bâton de l’article pour me faire battre dans les commentaires du forum qui, je trouve, sont toujours foisonnants de bons conseils ! »
Pour elle, l’argent est une source d’angoisses terribles :
« Je suis impulsive, du coup je ne fais pas gaffe à ce que je dépense, et quand j’arrive à faire gaffe 10 jours d’affilée, je me récompense en dépensant. »
Elle est aussi propriétaire d’un appartement qu’elle loue 770 € mensuels. En tout, elle gère donc un budget de 3 070 € par mois.
L’organisation de Bravo et de son partenaire
Bravo vit avec son conjoint et pour gérer leurs dépenses communes, ils disposent d’un compte commun qui sert à leur quotidien.
« Le compte commun nous sert à faire les courses, payer les sorties à deux et des achats d’aménagement pour l’appartement. »
Les dépenses de Bravo
Bravo et son conjoint sont chacun propriétaire d’un appartement.
« On est tous les deux propriétaires. Lui, de l’appartement où l’on habite, moi, d’un appartement que j’ai acheté en 2020 avec une terrasse, dans une ville de banlieue parisienne. J’avais prévu de l’acheter pour y vivre, mais je n’avais pas compris les signaux que mon mec me lançait à l’époque (il aurait pu être plus explicite, ça fait cher le signal). Finalement, j’ai emménagé chez lui un an après. »
Pour cet appartement qu’elle a acheté 160 000 €, elle rembourse un crédit de 550 € par mois auquel s’ajoutent différents types de charges et d’imposition :
« Je loue cet appartement et perçois un loyer de 770 € mensuels.
Je rembourse mon crédit de 550 €, l’impôt foncier est de 63 € par mois, et j’inclus dans le loyer la box internet et l’électricité de ma locataire (qui me coûtent environ 50 € par mois). Je paie aussi un impôt sur mes revenus fonciers de 110 € par mois lissés sur l’année. Enfin, les charges de copropriété s’élèvent à 150 € par mois, et je paie une assurance mensuelle à 10 €. »
Une fois perçu le loyer de ce bien, l’appartement dont elle est propriétaire lui coûte approximativement 165 € par mois. En parallèle, elle vit désormais chez son compagnon dans un appartement parisien :
« On a un bel appartement qu’on a fait refaire au dernier étage d’un immeuble un peu vieux, avec une vue Tour Eiffel et zéro vis-à-vis. C’est l’appartement idéal si on considère que 7 étages sans ascenseur n’est pas un problème. »
Si elle ne paie pas de loyer à son compagnon, elle place chaque mois 800 € sur leur compte commun : une moitié pour sa part des charges partagées, et l’autre, à titre de loyer et de participation aux charges pour son compagnon. Cette somme finance leurs courses et leurs dépenses communes.
« Cet argent nous sert à faire les courses alimentaires, payer nos sorties communes, parfois aider à payer des dépenses en vacances, et chaque mois, nous aide à payer un achat d’une centaine d’euros pour la maison (parfois du nécessaire à bricolage, parfois un objet de déco ou des plantes par exemple). On est aussi prélevés sur ce compte de 36 € par mois pour une carte UGC duo qui a été souscrite quand on était plein de bonnes résolutions (et on l’a utilisée deux fois cette année, un immense gâchis). »
En plus de leur abonnement UGC, cette somme comprend donc chaque mois 80 € pour des paniers de fruits et légumes, une centaine d’euros d’achats pour la maison, leurs sorties communes et leurs courses qu’ils font la plupart du temps chez Monoprix.
« Pour les courses, je privilégie la praticité parce que je me fais des nœuds au cerveau en matière de déplacements (je suis à vélo ou à pied et même si je fais 10 000 pas par jours, je suis flemmarde). »
Elle paie l’accès à internet de leur logement commun à hauteur de 40 € par mois, qui incluent leur box et divers services de streaming (Netflix, Amazon Prime…), et ses frais bancaires s’élèvent à 15 €.
« Je ne comprends rien aux impôts »
Ces derniers temps, Bravo consacre 600 € par mois, hors prélèvement à la source, à ses impôts. Aux 173 € détaillés plus haut qui concernent son appartement et ses revenus locatifs s’ajoutent 100 € mensuels jusqu’en décembre 2022 : ses impôts n’ayant été calculés qu’à partir du deuxième semestre de cette année, elle paie en six mois ce qu’elle paiera sur douze mois chaque année à partir de 2023.
À cela s’ajoutent 33 € par mois de taxe d’habitation mensualisée (« C’est un rattrapage, parce qu’ils m’avaient oubliée l’année dernière » explique-t-elle) et 300 € mensuels de rattrapage d’impôts sur le revenu pendant quatre mois. Un calcul confus, qu’elle ne maitrise pas vraiment :
« En vrai, j’y pipe que dalle. »
L’abonnement à un service de vélos électriques en libre-service qui permet ses déplacements lui coûte 10 € mensuels.
Pour se nourrir sur son lieu de travail, la trentenaire est amenée à déjeuner régulièrement à l’extérieur : la cantine de son bureau ne proposant pas d’options végétariennes très ragoutantes, elle dépense 70 € par mois en restaurants ou sandwiches.
Par ailleurs, Bravo rembourse chaque mois 150 € à son compagnon à qui elle doit 2 200 € pour des dépenses qu’elle n’a pas réussi à absorber.
« À chaque fois, c’est une HONTE absolue de demander de l’aide, et en même temps, n’arrivant pas à me constituer un matelas de secours, je ne vois pas comment faire autrement…
Tous les mois, elle compte 50 € pour aller chez l’esthéticienne se faire épiler, auquel s’ajoute un abonnement de 16 € à l’institut Body Minute qu’elle « n’arrive pas à résilier tant le process est CHIANT.«
Les loisirs de Bravo
En moyenne, Bravo compte 150 € par mois de dépenses pour ses vêtements, qu’elle achète principalement en seconde main : « Parfois c’est plus quand je m’achète une bonne paire de pompes, parfois moins parce que je fais juste un craquage de 40 € en friperie. «
Pour ses loisirs, elle estime dépenser 300 € mensuels qui comprennent plusieurs abonnements :
« J’ai 25 € d’abonnement Gymlib qui me permet d’accéder à un tas d’activités et dont je pourrais difficilement me passer, 15 € pour Apple Music, 6 € pour le Monde Diplo, et 2 € pour Wikipédia par mois… Mais ça, c’est juste pour me donner bonne conscience !
Elle compte aussi 50 € de livres, sort très souvent boire des verres, et achète des cadeaux à ses proches.
Le rapport à l’argent de Bravo
Chaque début de mois, Bravo place 400 € de côté pour faire face à des grosses dépenses : des charges de copropriété, des billets d’avion pour des vacances ou des travaux. Mais dans les faits, elle finit toujours par piocher dans cette somme pour combler son découvert avant la fin du mois :
« Au total, je dispose de 440 € pour me faire plaisir mais en réalité, je suis régulièrement à découvert et je dois utiliser ce que j’ai mis de côté pour le combler.
J’essaie depuis des années de faire et tenir un budget mais je vis clairement au-dessus de mes moyens. En fait, je sais que je suis SUPER privilégiée, pourtant je me noie dans les frais et je tiens à mon rythme de vie : beaucoup de loisirs, de bons repas etc.
Je suis aussi tout simplement très mauvaise gestionnaire, très dépensière, très impulsive et j’ai été chaque mois de ma vie à découvert.
Elle aimerait réduire son budget de repas de midi, mais aussi le coût de son appartement :
« Tous les deux jours, à force de recevoir des appels de fonds, je me dis que je vais le vendre. Là, on me demande 10 000€ de travaux et ça m’angoisse complètement, je n’arrive pas à y faire face… Mais vendre, ce serait perdre mon apport car le prix du m² n’a pas beaucoup changé en deux ans.
De manière générale, l’argent est une source d’angoisse pour Bravo, mais aussi de mal-être :
« Cette mauvaise gestion m’empêche d’envisager mes deux projets de vie de manière sereine : nous sommes en train d’essayer de faire un bébé, et j’angoisse à l’idée de ne pas pouvoir l’assumer financièrement. Par ailleurs, j’envisage une reconversion professionnelle qui me mettrait un temps au chômage, et vers un métier dont le salaire médian s’élève à 1 500€ net par mois.
Pour la mauvaise gestionnaire que je suis, ces projets pris séparément sont une source d’anxiété… Anxiété qui renforce mon impulsivité financière. Pris conjointement, ça en devient décourageant et rageant tout court d‘avoir une situation aussi enviable et de ne pas arriver à m’épanouir.
Elle espère que partager son budget dans Règlement de comptes pourra l’aider à atteindre une relation plus apaisée à l’argent :
« J’espère que cela pourra aider les lectrices qui pourraient se reconnaître dans ma situation, et que d’autres pourront partager leur expérience de bonne gestionnaire pour m’aider à me mettre une bonne fois pour toutes ma situation sous les yeux : je sais que je pourrais vivre bien mieux, et je ne le fais pas par caprice. C’est très paradoxal, surtout que ça reste une source d’angoisse et de mauvaise image de moi-même.
Merci à Bravo d’avoir répondu à nos questions !
Crédit photo : Karolina Gabrowska / Pexels
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Les Commentaires
Je pense qu'un bilan en couple de leurs charges communes serait pas inutile. Même si l'énergie coûte cher, ça doit pas être 400€ non plus. En calculant rapidement j'ai trouvé que Bravo économise 258€ avec le système choisi plutôt que si elle habitait chez elle. Son copain 400€ (la part qu'il paie pas sur le compte commun). Même si la différence semble faible, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle vit aujourd’hui chez son copain parce-qu'elle partait déjà avec un désavantage financier (sinon elle aurait aussi acheté un appart avec plusieurs chambres et vue sur la tour Eiffel). En plus elle a aujourd'hui une situation financière compliquée et a un besoin d'épargne (du fait d'être "hébergée à titre gratuit" que son copain n'a pas. Donc ça me semble pas si juste que ça.
Enfin elle devrait déjà sortir la tête de l'eau lorsqu'elle aura déjà finit de rembourser les impôts de cette année, virer les abonnements inutiles et passer en LMNP. Donc 2023 devrait être moins dure financièrement.