Au fil des années, les terrains de chasse pour célibataires se sont multipliés. Les applications de rencontre spécifiquement dédiées à la recherche de l’être aimé, les réseaux sociaux qui provoquent la rencontre avec l’altérité, l’internet qui balaye les frontières géographiques et rend possible le contact avec des personnes du monde entier… Le célibat n’est plus vraiment un combat pour ceux qui cherchent l’amour : quiconque désire avoir un partenaire sous le bras ou dans ses draps n’a qu’à sortir son petit doigt et le glisser sur le petit écran en face de soi.
Oui, mais là est le paradoxe : abondance et facilité ne riment pas forcément avec qualité… Et au fil d’innombrables expériences amoureuses ratées, certaines personnes n’en sortent que plus lassées et désenchantées de leur quête qu’à l’époque où le choix était plus limité (c’est ce phénomène même qu’on appelle “Dating fatigue”). Quelques femmes hétérosexuelles concernées décident alors de prendre le contrepied et se lancent dans le mouvement “Boysober”, que l’on pourrait littéralement traduire de l’anglais par “sobre des garçons” – ou “sobre des hommes”, si vous préférez. On vous explique.
Être “boysober”, c’est être en “désintoxication relationnelle”
Pour les femmes hétérosexuelles, le but du mouvement Boysober est donc “de s’abstenir de toutes les choses liées au dating comme un acte de self-care – sexe inclus”*, explique à nos confrères de Today.com1 une spécialiste en relations amoureuses l’ayant elle-même testée.
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L’idée, c’est de ne plus fréquenter d’hommes dans une optique amoureuse et/ou sexuelle pendant une certaine durée : il peut s’agir d’un mois, d’une année ; du moment que cette durée est jugée suffisante pour la personne concernée. Grosso modo, celle qui choisit de devenir boysober fait une “cure sans hommes”, une « cure sobriété relationnelle”, une désintoxication des relations amoureuses et/ou charnelles, une pause complète dans sa vie sentimentale.
Et si vous avez quelqu’un dans le cœur et dans la tête, qui occupe inopinément vos pensées et/ou sur qui vous fantasmez, sachez que vous n’êtes pas vraiment boysober, d’après la créatrice de ce mouvement. Qu’il s’agisse de situationship, de coup d’un soir, de plan cul, ou de relation amoureuse, la cure Boysober préconise de n’entretenir aucun semblant de relation amoureuse avec un homme même lointain. Si cela peut paraître extrême aux yeux de certains, le but de la cure n’est pas d’opposer ou de diviser.
Une cure qui n’est pas dans l’extrême
À l’instar du Dry January, où l’on arrête de boire tout breuvage alcoolisé pendant un mois, dans la cure Boysober, on stoppe temporairement de rêvasser, de flirter, d’embrasser, de câliner, de coucher ; bref, de consacrer du temps à la découverte du corps et de l’âme d’un autrui qui pourrait partager notre lit et/ou notre vie. La période de sobriété relationnelle n’est pas censée durer ad vitam æternam : il s’agit simplement de lever le pied pour ensuite repartir du bon pied.
Et si l’humoriste a choisi de s’engager dans la démarche pour un mois, tout dépend vraiment de soi : certaines choisissent des périodes plus courtes, comme un semestre, un mois etc.
De surcroît, la cure sans hommes n’est pas centrée sur le rapport entretenu avec le sexe opposé : elle n’est ni une manière de détester la gent masculine, ni une tentative masquée de se faire valider et valoriser par le sexe opposé à travers cette image arriérée de “pureté” et de “chasteté”. En réalité, cette désintox est centrée sur notre personne et veut nous ré-apprendre à aimer autrui sans se désaimer soi-même ; bref, nous ré-apprendre à nous aimer in fine.
La “sobriété relationnelle” libère du temps qu’on investit dans sa personne
Ne pas être active sur le marché de la rencontre amoureuse libère beaucoup de temps à celle qui s’en est temporairement retirée… Et c’est là tout l’intérêt d’être boysober : cela permet de ré-allouer, à sa propre personne, ce temps qu’on a jadis consacré à autrui. Plutôt que de l’investir sur un potentiel partenaire amoureux, on l’investit dans son partenaire pour la vie (= soi-même). Plutôt que d’apprendre à connaître quelqu’un, on apprend à se connaître dans toutes les sphères, et pas seulement dans la sphère amoureuse. Durant cette cure sans hommes, les femmes apprennent ainsi à découvrir ce qu’elles veulent et ce qu’elles ne veulent plus, identifient leurs schémas relationnels malsains, guérissent de leurs blessures et/ou traumatismes passés ; plutôt que d’enchaîner sans prendre le temps de se questionner. Elles s’introspectent.
Au-delà de cette quête de savoir interne, les femmes engagées dans ce processus de sobriété relationnelle cherchent également à s’instruire avec des sources externes à leur personne : livres, podcasts, etc. Dans des vidéos TikTok consacrées à la documentation de sa propre expérience Boysober, Hope Woodard explique qu’elle en profite pour lire des ouvrages féministes, à l’instar de ceux de Bell Hooks. Bien évidemment, il pourrait aussi s’agir de livres sur la psychologie, sur le développement personnel…
Le questionnement engendré par la cure Boysober permet aux femmes concernées d’être plus ancrées dans leurs convictions, de ne plus se laisser influencer par les normes de la société ou la volonté d’autrui si elles ne les partagent pas, de ne pas se sentir inconsciemment forcées de faire ce qu’elles ne veulent pas, d’appréhender plus sainement leurs relations amoureuses futures et donc de se protéger au mieux des relations toxiques.
Être boysober pour “se réapproprier son corps”
Dans les colonnes du New York Times, l’humoriste raconte avoir souvent couché par le passé sans savoir si elle était vraiment consentante. Si le nombre de partenaires sexuels n’est clairement pas un problème en soi – chacun étant libre de coucher avec autant de personnes que souhaité – Hope Woodard s’est rendue compte bien plus tard que pour sa part, sa sexualité « libérée » a longtemps été liée à une méconnaissance de soi plus qu’à une volonté délibérée de prendre son pied :
“Je n’ai jamais vraiment eu la permission de dire non (…) Je suis un peu en colère contre moi-même et en colère contre tout le sexe que j’ai eu car j’ai l’impression de ne pas avoir choisi.”
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Être boysober lui a non seulement permis de prendre du recul à ce sujet, de se rendre compte de ce pourquoi elle l’avait fait, mais aussi de se réapproprier son corps : “J’ai la sensation d’avoir la propriété sur mon corps”, a-t-elle expliqué aux journalistes du quotidien américain.
Il ne s’agit pas de chasteté pour gagner la validation du sexe opposé
Mais attention à ne pas assimiler cette abstinence temporaire à une volonté de projeter une image de “chasteté” valorisée par nos sociétés patriarcales. Le but de cette cure sans hommes n’est pas de gagner la validation masculine ou de ses pairs, mais de concentrer son énergie à progresser, s’améliorer et se parfaire soi-même pour soi-même.
Inclusive, cette cure relationnelle peut bien évidemment s’appliquer à tous les genres et à toutes les orientations sexuelles. Alors, est-ce que ça vous dirait d’essayer ?
Sources :
1. DUBOIS, Dana, “I’m going boysober for a month. Here’s what that means and why I’m doing it”, Today.com, 22 mars 2024
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