« Boys club cherche étudiant sportif hétérosexuel ». À force de les voir partout, les boys club ont fini par se fondre dans la masse. Pourtant, ces groupes non-mixtes et fiers de l’être continuent d’influencer la société et de perpétrer des valeurs misogynes, homophobes et xénophobes. Si vous craigniez que cette coutume disparaisse avec Harvey Weinstein, Donald Trump et consorts, rassurez-vous : dans les écoles de commerce françaises les plus réputées, les garçons continuent d’asseoir leur domination sous couvert de convivialité et de fraternité.
Les boys club, ces antichambres du pouvoir masculin
Si les hommes n’ont pas attendu l’ère industrielle pour régner entre eux, le terme de « Boys club » est né à la fin du XIXe siècle, et désignait les confréries d’anciens élèves de grandes écoles privés anglaises. Ces espaces non-mixtes permettaient de se détendre et de réseauter entre gentlemen de grande valeur. Excluant ainsi tous les citoyens qui ne partageaient ni leur genre, ni leurs origines, ces hommes scellaient en privé l’avenir de leur pays.
Si ce concept de Lord à haut-de-forme semble dépassé, il n’en est rien. Aujourd’hui encore, les boys clubs sont partout, mais cachent souvent leurs intentions premières – régner entre hommes – derrière une convivialité et une non-mixité circonstancielle de façade. Fraternités, bars, clubs sportifs, dans ces espaces occupés par les hommes, l’alcool coule à flots, le sexisme et le pouvoir aussi. Les lois du clan se substituent à celles de la société, et on peut enfin s’y détendre sans se plier à des règles qui exigent que l’on respecte tous les individus, femmes et minorités comprises.
Les clubs sportifs : les nouveaux boys clubs des grandes écoles
Si vous êtes une femme, que vous faites partie de la communauté LGBTQI+, nous avons une mauvaise nouvelle pour vous : la tradition des boys club a encore de beaux jours devant elle et est toujours perpétrée par les étudiants des plus grandes écoles (et, accessoirement, décideurs de demain).
Les écoles de commerce les plus réputées de France sont très fières de leurs athlètes. À condition que ce soient des hommes. Comme le déplore un article du Monde paru la semaine dernière, les clubs sportifs de ces écoles sont de véritables bastions du sexisme et de l’entre-soi masculin.
À l’image des ultra-populaires équipes de football et de rugby masculins d’HEC, ces clubs sont régis par leurs propres lois et leurs propres traditions. Peu importe que ces coutumes soient rétrogrades, discriminantes et répréhensibles. Si sur le terrain, on a d’yeux que pour ces équipes testostéronées (alors que des équipes féminines existent aussi), ce qui se passe après les matchs se passe de commentaires. Dans les fêtes étudiantes organisées par ces équipes, la culture du viol et du machisme y règne en maître. Les femmes sont reléguées au statut de proie que l’on fait boire dans le but assumé d’abuser d’elles.
Pour étayer ses accusations, Le Monde cite le journaliste Iban Raïs. Le journaliste détaille le phénomène dans son ouvrage La fabrique des élites déraille :
Parmi ces traditions, on trouve des violences sexuelles, des discriminations sexistes, LGBTphobes ou racistes (…) Les clubs de sport des trois plus grandes écoles sont des boys’ clubs, faits par des mecs, pour des mecs, qui reproduisent toutes les inégalités qu’on retrouve sur le campus, en pire, avec un niveau de culture du viol jamais atteint et institutionnalisé.
La fabrique des élites déraille
Iris Maréchal, diplômée d’HEC présidente de l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes, illustre ces propos avec un exemple glaçant :
On m’a rapporté des propos sexistes, homophobes et xénophobes tenus par ces membres. lls organisaient également la soirée “Au bonheur des zoulettes” visant à offrir de l’alcool gratuit aux filles jusqu’à 23 heures et à inviter les garçons à les rejoindre en fin de soirée, alors qu’elles étaient dans un état d’ébriété avancé.
Le Monde, 15 décembre 2022
La lutte timide des établissements contre la domination masculine
Les hautes écoles de commerce réfutent comme elles peuvent ces accusations. Si ces pratiques d’un autre âge ont été tolérées pendant des années, les directions y auraient finalement mis fin.
Des mesures ont également été mises en place pour garantir la sécurité de tous. Signature d’un contrat de bonne conduite, élèves sentinelles ou référents chargés d’assurer le bon déroulement des soirées étudiantes, les écoles réaffirment leur engagement et garantissent une politique de tolérance zéro. Malgré ces actions et la promesse d’une évolution rapide des mentalités, les étudiants regrettent toujours l’impunité de certains et le peu de mesures prises de la part des établissements en cas d’agression. La crise COVID aurait pourtant eu un impact positif en permettant d’opérer une coupure nette avec certaines traditions, aujourd’hui remplacées par des campagnes de sensibilisation et des chartes strictes. Les associations étudiantes qui militent pour la diversité regrettent que les clubs de sports peinent à se mettre au pas :
Même si la situation s’est améliorée, l’un des plus gros obstacles à l’égalité sur le campus reste les clubs de sport. Pour nous, c’est la plus grosse problématique.
Le Monde, 15 décembre 2022
Les écoles réfutent désormais tous comportements sexistes et prônent l’égalité, mais actuellement, le pouvoir appartient toujours aux hommes. Les rares femmes et minorités qui y accèdent restent des tokens, qui permettent à ces garçons de ne plus se voir reprocher l’exclusion de ceux qui ne font pas partie du club.
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Visuel de Une : Unsplash / Dom Fou
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