Ce cérébro-lésé de Schwarzie a dit un jour que Boy George devrait s’appeler Girl George. Moi je propose qu’on le rebaptise tout de suite : POP George.
Clarifions directement les choses: « Boy George » est un pseudonyme. Cette créature extravagante si représentative de nos chères années 1980 est née sous le nom de George Alan O’Dowd, dans la banlieue de Londres, un 14 juin 1961, jour de la Saint Rufin (« À la Saint Rufin, cerises à plein jardin »).
Comme Amanda Lear, il passe momentanément par la case punk. C’est sans doute au cours de cette période qu’il jurera fidélité à l’anticonformisme, mais l’idéologie « no future » ne durera qu’un temps – le temps de découvrir son Karma Chaméléon : George est fait pour devenir Boy, pour devenir pop et pour me mettre de bonne humeur et en paix avec mes frères humains (ce qui n’est pas vraiment le cas quand j’écoute les Sex Pistols).
Ses premiers pas sur scène, il les fait avec le groupe Bow Wow Wow (non, pas Pow Wow) en 1981. Mais les covers d’Henri Salvador, ça ne durera pas (oups, pardon, c’est moi qui confonds, là) : tel un petit papillon, George Alan sort de sa chrysalide et devient le BOY GEORGE que nous connaissons tous, celui de CULTURE CLUB. Il s’entoure sur scène d’un bassiste qui s’appelle Mickey (Craig), d’un guitariste dénommé Suède mais qui sera vite remplacé par un certain Roy Hay, et enfin du batteur Jon Moss. On leur doit les tubes Do you really want to hurt me ? et Karma Chameleon. Boy fait preuve d’une maîtrise sans pareille de son image, comme peuvent en témoigner les vidéo-clips de ces deux succès planétaires (ça devait être trop comique, n’empêche, d’écouter Boy à Katmandou ou à Vladivostok). On est en plein dans les années MTV, et ces petites perles de la pop culture ne pouvaient échapper plus longuement à l’analyse critique du Docteur Love, experte ès sémiotique du trash. Voici donc une petite parenthèse à caractère scientifique.
Do you really want to hurt me ? (Kissing to Be Clever, 1982) : analyse du vidéoclip
B.J. est dans un tribunal et demande au juge et à messieurs les jurés de lui laisser du temps pour réaliser le crime dont il s’est rendu coupable. Tout le monde se balance en rythme et fait « Ouuuuh ouuuuuh » en chœur ; une partie du jury s’est déguisée en Père Fouettard. Boy dit pour sa défense qu’il a dansé dans tes yeux (les tiens, oui) et demande très justement « Comment puis-je être réel ? » : excellente question. Pour nous mettre sur la bonne piste, un orchestre sorti de nulle part apparaît : nous voici au Gargoyle Club de SOHO en 1936 et Boy en profite pour se trémousser en pyjama. D’un air aguicheur et en continuant à se dandiner de l’arrière-train, il demande à un tas de gens profitant jusque-là paisiblement de leur soirée : « Do you really want to hurt me ? Do you really want to make me cry ? »
; la réponse, pour nous, adorateurs du POP, est évidente : NON, BOY GEORGE ! Nous ne te voulons aucun mal ! Nous ne voulons pas te faire pleurer ! Plutôt : fais-nous pleurer de rire ! Encore. S’il te plaît.
Les videurs ne sont pas du même avis et le fichent dehors, manu militari. Le juge n’a pas vraiment l’air convaincu, lui non plus (bizarre).?
Alors Boy met ses lunettes de soleil rondes en hommage à John Lennon mort deux ans plus tôt et nous voilà à la piscine du Dolphin Square en 1957. Boy, toujours en pyjama, sort de l’eau et, au son d’un orchestre un peu plus détendu du slip (genre : Club Med dans les Pouilles), il reprend sa parade ridicule devant les nageurs au repos, en disant des trucs qui sonnent comme une chanson de Depeche Mode (« Words are few I have spoken, I could waste a thousand years… »). Ça a le mérite de faire de l’effet sur les gonzesses : l’une d’entre elles tombe dans l’eau depuis le plongeoir où elle somnolait en écoutant la radio et une autre interrompt brutalement sa lecture de Vogue (il y en a aussi une autre relativement imperturbable qui se contente de l’interroger brièvement d’un regard qu’on devine perplexe derrière ses lunettes de soleil, tout en continuant à vernir ses ongles – à la piscine, oui – pourquoi pas ? Il parait que ça sèche plus vite si on les trempe dans l’eau). Sur ce, deux gentlemen au maillot de bain taille haute se décident à intervenir mais sont pris simultanément d’une crampe qui les paralyse et laisse à Boy le temps de s’évaporer.
Retour au tribunal. Le juge a l’air de dire : « Virez-moi cet énergumène et foutez-le moi au trou ! » ; les pères fouettards ont l’air contrarié. Dans sa cellule, Boy reçoit la visite de trois choristes qui ondulent de la croupe sans mot dire et lui ouvrent les portes de la liberté. De quoi remettre du baume au cœur de Boy qui recommence à danser et rejoint un petit groupe de musiciens dans le couloir. Il fait de l’œil de manière insistante au batteur et finalement détache son regard chargé de sex appeal du jeune homme indifférent pour le lever, dans un élan de mysticisme, vers les cieux (ou vers le haut des escaliers, c’est selon).
Success !
Pour l’interprétation psychanalytique, c’est 75 euros. Pour une relecture du Sacré dans les vidéoclips de Boy George, c’est 75 euro + un Happy Meal.
Il est comme ça, Boy George : plein de fantaisie, de joie de vivre et de bonne humeur. Jusqu’à ce que – patatrac – il tombe dans l’enfer de la drogue. Pourquoi ? Pourquoi ? Je ne cesse de me le demander. Avait-il vraiment besoin de paradis artificiels, lui ? Nick Cave, je peux comprendre, mais Boy, selon moi, n’avait pas besoin de ça. Il se suffisait à lui-même. Enfin bon, soit. On a tous fait des bêtises. Moi, par exemple, j’avais un Skyblog.
Après Karma Chameleon qui date de 1983, on peut dire que Boy George a déjà donné le meilleur de lui- même. Bien sûr, sa carrière musicale continue, on dit même qu’en 1995 il a sorti un album excellent : Cheapness And Beauty. Entre-temps, rappelons quand même qu’il est allé en Inde, qu’il a assisté à une cérémonie bouddhiste et que dès son retour il s’est lancé dans l’aventure Jesus Loves You (y a un truc qui vous échappe ?).
À côté de la musique et des vidéoclips, Boy a toujours consacré une bonne partie de son temps à l’accomplissement de faits, de gestes et d’actions sans queue ni tête comme jouer son propre rôle dans un épisode d’Agence tous risques, par exemple. La dernière en date a consisté à séquestrer et malmener un escort-boy dans une chambre d’hôtel. La pop culture ne justifie pas tout et nous nous dissocions moralement de cette aventure qui lui a quand même valu quelques mois de prison en 2009 et l’interdiction de participer à une super émission de télé-réalité en compagnie d’Ivana Trump et de Stephen Baldwin. Non, mais, oh ! Boy !
Comme, entre icônes pop, on est tous cousins, Boy George a remixé une chanson d’Amanda Lear en 2010, Someone else’s eyes. Pour la chronique, Boy George est aussi un DJ, un des meilleurs au monde, à ce qu’il paraît (enfin, moi, j’aurai toujours une préférence pour Lady Maina, la plus pop et la plus Docteur des Didjéttes).
Et toi, Boy George, tu l’aimes ? Ou do you really want to hurt him ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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