Avant-propos : il est préférable d’avoir vu le clip de Born This Way, le dernier Lady GaGa avant d’entamer la lecture de ce papier.
Au fond, la chanteuse n’a sûrement pas voulu que ses clips deviennent des jeux de piste de 7min20, où chaque plan devait correspondre à une référence issue de l’art contemporain, de la pop music ou de la mode. Personne ne s’acharne à comprendre où Karl Lagerfeld et Quentin Tarantino puisent leurs influences, alors même que leur travail suinte aussi l’assimilation d’autres oeuvres historiques. Personne ne se le demande parce que seul le résultat compte. Ce qui devrait également être le cas pour Lady GaGa.
Ce qui importe donc, ce n’est pas de savoir « qui Lady GaGa a copié » mais pourquoi elle l’a fait. Que cherche-t-elle à nous dire ? Quel est son projet, son objectif en tant qu’artiste ? Etant donné qu’elle s’adresse au grand public, les discours métaphoriques de Lady GaGa sont en général plus ou moins subtils. Ils ont pour qualité de flatter notre intelligence, en utilisant images, allégories et autres comparaisons faciles à décomposer
. La déclaration solennelle sur fond de musique dramatique, en introduction du clip, en est un parfait exemple.
Ceci est le manifeste de Mother Monster. Au sein de GATA, un Gouvernement Appartenant au Territoire Alien, la naissance de dimensions magnifiques et magiques a eu lieu. Mais il ne s’agissait pas d’une naissance limitée. Elle était illimitée. Tandis que les ventres maternels étaient numérotés et que la mitose du futur commençait, il apparut que cet instant tristement célèbre n’était pas temporel. Il est éternel. Et c’est ainsi que débuta l’arrivée d’une nouvelle race. Une race au sein même de la race humaine. Une race qui ne porte aucun préjugé, aucun jugement, seulement une liberté sans limite. Mais ce même jour où la Mère Eternelle flottait au coeur des univers parallèles, une autre naissance, plus terrifiante, eut lieu : la naissance du mal. Et tandis qu’elle se divisait en deux, pivotant dans l’agonie sous la pression de ces deux incroyables forces, le balancier entreprit sa danse. Cela peut vous sembler facile, d’être attiré instantanément et résolument vers le bien… mais alors elle se demanda : « comment puis-je protéger une chose aussi parfaite sans l’aide du mal ? »
Puis BOUM ! Lady GaGa arrive en slop pour entamer sa chorégraphie.
Là où MTV peut remercier Lady GaGa, c’est que la nouvelle icône pop a remis les vidéos clips au goût du jour, quand la plupart des jeunes s’en désintéressaient gentiment. Sans vouloir faire de généralité, un clip a aujourd’hui moins d’impact que dans les années 80. Quelques exemples arrivent à tirer leur épingle du jeu, mais Lady GaGa est l’une des seules qui sache encore provoquer une véritable attente autour de ses clips.
Ils doivent du coup être à la fois assez bizarres pour que l’on s’en souvienne (ici, l’accouchement d’oeufs gluants + les prothèses saillantes sous la peau + la tête de mort sous une énorme chevelure synthétique rose) et pourtant intelligibles…
Par exemple, Lady GaGa accouche de monstres qui ont son visage, soit deux lectures possibles = 1/ Lady GaGa s’est elle-même créée 2/ la race supérieure qui est un exemple de bonté s’appellent les monstres, comme ses fans ; ses fans se doivent donc de ne pas juger leur prochain. Cette dernière lecture conforte les paroles mêmes de Born This Way, hymne à la tolérance.
Moins évident peut-être, le passage expliquant que le bien ne peut survivre sans le mal : des cloches d’église résonnent au loin, Lady GaGa extirpe de son vagin une kalachnikov, poésie quand tu nous tiens. On peut y voir une interprétation des dérives de la religion : parce qu’ils cherchent à préserver « le Bien », les extrémistes ont recours au « Mal ». Lady GaGa serait-elle prête à constituer sa propre armée (= les autres danseurs bien alignés) pour défendre la tolérance ?
Au premier degré, Lady GaGa appuie la thèse de la complexité de l’être humain, qui ne peut être parfait. Mais bon, qui se préoccupe du premier degré ? Le second degré est tellement plus rigolo à décortiquer.
Les références ne sont pas complètement dénuées de sens : elles sont là pour nous rappeler que chacun se construit (« se créé » ou « se présente au monde ») à partir d’une multitudes de choses, et que le produit fini n’en est pas moins unique. Le mythe de l’extravagance, de la singularité, et du paradoxe doit être célébré. D’où peut-être l’hommage à l’artiste qui symbolisait le plus la bizarrerie, Michael Jackson.
Andy Warhol, pape de la pop culture, aurait sûrement adoré.
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Les Commentaires
Ce n'est pas Lady gaga, ce sont ses producteurs. J'avoue qu'elle a l'air sensas' mais franchement je doute que tout sorte de sa tête.