La claque, c’est interdit. Se prendre une claque, c’est violent, ça fait mal, ça blesse physiquement et moralement.
Pourtant, j’entends les journalistes et autres cinéphiles utiliser l’expression : « J’ai pris une claque » à tort et à travers pour exprimer leur contentement ultime au sortir d’un film.
Ce qui a mon avis banalise lourdement l’expression.
Je préfère pour ma part la conserver bien au chaud pour les moments rares, les instants d’exception qui sortent tellement de l’ordinaire qu’ils en sont presque douloureux à observer et à subir.
Comme une vraie claque.
Border, de quoi ça parle ?
Border, du réalisateur iranien Ali Abassi, ça ne ressemble à rien d’autre. Il s’agit d’un produit unique qui se suffit à lui-même, et qui a d’ailleurs remporté le prix Un certain regard cette année à Cannes.
C’est l’histoire de Tina, une femme au physique hors du commun dont l’on odorat est tellement développé qu’il l’aide à détecter la présence d’alcool ou de drogues dans les sacs des passagers qui passent la douane où elle travaille.
Mais son don ne s’arrête pas là. Elle peut aussi sentir la culpabilité, la peur, l’excitation chez les gens qu’elle rencontre.
Un jour, un type passe la douane. Il est différent des hommes qui l’entourent. Il ne ressemble pas aux autres… mais il ressemble à Tina.
Au-delà des similarités physiques, ce qui intrigue notre héroïne c’est avant tout ce qu’il dégage. Elle (res)sent quelque chose. Peut-être transporte-t-il des denrées interdites ? Ou pire…
Tina demande à son collègue d’entamer une fouille corporelle. Celui-ci découvre alors que l’homme en question a une particularité.
Je ne peux bien sûr rien te révéler, chère lectrice, tu devras patienter jusqu’au 9 janvier pour découvrir de quoi il s’agit !
Tina, une héroïne sur le point de découvrir qui elle est vraiment
En parallèle de tout ça, Tina vit dans une petite maison à la lisière d’une forêt, avec un homme obnubilé par les chiens.
Ils mènent tous deux une vie sans amour, emprisonnés dans une existence qui les abîme chaque jour un peu plus.
Tina n’a jamais éprouvé de désir, et elle repousse les mains de son compagnon quand celui-ci essaye de lui prodiguer des caresses intimes.
Mais un jour, le désir va monter et la dévorer toute entière. Elle va connaître l’amour et apprendre qu’elle n’est pas comme tous les autres humains.
Partagée entre l’amour et le devoir, entre la vérité et les secrets, Tina va pénétrer un tourbillon dangereux mais exaltant qui la fera presque rugir.
Je ne peux pas raconter le reste sans spoiler mais tout dans Border est surprenant de A à Z ! Rien que sa bande-annonce est désarmante.
Border soulève les bonnes questions
Certains éléments de Border auraient pu prendre une tournure risible, car l’histoire est complètement abracadabrantesque. Mais cette fiction ne vire jamais dans la comédie.
Au contraire, le tout tend dès le départ vers le fantastique pour l’embrasser complètement au fil de l’intrigue.
Et c’est précisément ce que j’ai adoré.
Le film est jusqu’au-boutiste et ne trahit jamais son concept de base, qui consiste à repousser les limites de l’altérité.
Comment définir l’humain ? Où s’arrête l’humain et où commence la bête ? L’homme est-il un monstre ou le monstre un homme ?
Autant de questions que soulève le film avec intelligence, en prenant grand soin de créer des émotions contradictoires.
J’ai compris cette bizarrerie poétique comme un traité sur l’altérité, qui m’a poussée à réfléchir sur les frontières qui séparent l’homme de l’animal.
Pendant 1h41, la nature et les animaux sont d’ailleurs très présents, rappelant en permanence au spectateur qu’humains et bêtes ne sont pas si éloignés…
Que l’Homme demeure un animal.
Border, en guerre contre la xénophobie
Les personnages ont été maltraités toute leur vie pour leur simple différence. Leur physique leur a valu d’être martyrisés, moqués.
Border est donc moins un conte sur la bestialité de l’humain qu’un traité contre la xénophobie. Et aborder ce problème social par le prisme du fantastique, c’était une idée brillante.
Je te le disais au début de cet article : au cinéma, j’ai pris UNE CLAQUE.
Car Border est un film important qui souligne que même dans nos sociétés modernes, être différent demeure dangereux…
Il me faut te prévenir chère lectrice : Border ne ressemble à rien d’autre et repousse les limites de l’humanité telle que tu la connais.
Certaines scènes sont donc un peu malaisantes pour ne pas dire « dégoûtantes » (si l’on en croit la jeune femme assise derrière moi en projection presse, qui commentait chaque séquence).
Mais ce sont ces instants rebutants et crus qui font l’originalité comme la force de Border.
De l’art d’aimer des films étranges
Souviens-toi de ceci : il n’est pas nécessaire d’aimer un film, dans le sens « passer un bon moment devant », pour le trouver extraordinaire.
Un bon film d’après moi est celui qui vient te sortir de ta zone de confort, qui t’hameçonne et ne te laisse plus tranquille.
C’est celui qui fait marcher ton cerveau, te donne envie de filer un coup de poing à un mur, de vomir, de pleurer, de militer. C’est celui qui te rappelle que tu es un humain pluriel, capable de ressentir des émotions paradoxales.
Je ne sais pas encore si j’ai aimé Border, mais je sais déjà que c’est un film extraordinaire.
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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