Quand on parle de fast-fashion, certaines marques sautent directement à l’esprit. Parmi elles, les pratiques du groupe britannique Boohoo (propriétaire de la marque du même nom, mais aussi de Nasty Gal et PrettyLittleThing, entre autres) ont régulièrement été pointées du doigt.
Le groupe Boohoo, régulièrement épinglé pour ses pratiques proche de l’esclavagisme
Leurs vêtements ont beau être fabriqués en Europe (et même au Royaume-Uni, comme en atteste leurs étiquettes), cela n’est fait pas pour autant un gage de qualité, d’éco-responsabilité et d’éthique.
En 2018, le Financial Times s’inquiétait ainsi des terribles conditions de travail dans les ateliers de confection de Leicester (ville au Nord de Londres) qui fournissent le groupe. Le média britannique notait déjà que certains travailleurs étaient payés à peine 3,50 £ (environ 3,90€) de l’heure, alors que le salaire minimum local s’avère fixé à 8,72£ (soit 9,70€).
En 2019, c’est carrément le Parlement britannique qui pointe dans une étude l’inaction du groupe Boohoo face aux pratiques non durables et abusives de ses fournisseurs.
En 2020, c’est cette fois un documentaire réalisé par Edouard Perrin et Gilles Bovon diffusé par Arte, Fast fashion – Les dessous de la mode à bas prix, qui filme les ateliers britanniques de misère fournissant Boohoo.
Les documentaristes français tentent d’y demander des comptes au PDG de l’époque, Umar Kamani (de la famille fondatrice du groupe Boohoo). Celui-ci les envoie violemment bouler face caméra.
Alors que les révélations à l’encontre du groupe aux pratiques quasi-esclavagistes s’accumulent, ce dernier perd plusieurs investisseurs d’une valeur de 2 milliards de livres, et dévisse en bourse d’une hauteur de 3 milliards de livres en juillet 2020.
Ce qui amène Boohoo à vouloir redorer son blason — et rien de tel pour cela que beaucoup de promesses qui fleurent bon le greenwashing…
Opération « redorer le blason de Boohoo » à coup de greenwashing et déresponsabilisation
Depuis, le groupe tente de se racheter une image en multipliant les promesses éthiques.
L’entreprise communique aujourd’hui sur sa volonté d’agrandir son entrepôt, de construire de nouveaux systèmes informatiques pour répondre à la demande croissante des marchés internationaux (signe que leurs ventes se portent bien, même si les scandales se multiplient…), et donc de créer 5000 emplois sur les cinq prochaines années, rapporte notamment le WWD le 13 août 2021.
Et pour mieux défendre son nouveau manifeste à propos d’efforts visant à devenir plus durable et éthique, l’actuel PDG, John Lyttle (car rien de tel que de changer de tête dirigeante pour donner l’impression d’un changement radical, n’est-ce pas) a pris la parole dans un podcast économique, Wake Up to Money de Sean Farrington, diffusé le 11 août 2021 par la BBC.
Selon John Lyttle de Bohoo, faire de la fast fashion ne revient pas à faire de la mode jetable. Ce n’est pas de sa faute, il ne fait que répondre au désir de l’époque qui exige que tout aille vite :
« L’immédiateté est la plus grande tendance de ces 18 derniers mois et cela devient de plus en plus important. »
Alors que vient de paraître le premier volet du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), organisme scientifique des Nations Unies chargé d’évaluer le changement climatique, John Lyttle avance :
« 20% de chacune de nos marques devraient être durables, ou recyclables d’ici cet automne. »
Rappelons que « durables » (« sustainable » en anglais), « écoresponsable » ou encore « éthique » sont autant de termes flous que les marques adorent agiter pour donner l’impression d’un engagement en faveur de la planète, mais qu’ils ne renvoient à aucun critère concret ou cahier des charges précis et universel.
Même la recyclabilité, souvent brandie comme un argument pour déculpabiliser le grand public à l’idée d’acheter des vêtements, reste une solution de dernier recours, car elle est elle-même consommatrice d’énergie.
Que Boohoo rappelle qu’il existe pire n’est pas rassurant, mais bien inquiétant
Ce qui est vrai, c’est que le groupe fait des efforts pour redorer son blason. Il a récemment lancé un audit indépendant qui l’a amené à cesser de travailler avec une centaine d’ateliers de confection ne répondant pas aux normes… des droits humains. Ce qui veut déjà en dire beaucoup.
Clou de sa défense bancale digne de n’importe quel fuck boy pris la main dans le sac, le PDG de Boohoo estime qu’il existe désormais pire que son groupe :
« Nous ne sommes pas les moins chers en termes de tarifs de vente de vêtements. »
Et c’est vrai que d’autres marques tirent désormais les prix de l’industrie de la mode encore plus bas comme SHEIN, Wish, ou AliExpress — mais leurs vêtements ne sont pas fabriqués en Occident et mettent de ce fait beaucoup plus de temps à être livrés, ce qui explique en partie leurs prix défiant toute concurrence. Quant à leurs conditions de production, elles restent très opaques, mais de tels tarifs ne présagent rien de bien éthiques et durables…
Bref, autant de promesses creuses et d’arguments plus inquiétants que rassurants qui amènent à réfléchir à 36 fois avant de céder aux sirènes des marques d’ultra fast-fashion du groupe Boohoo.
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