Au début j’ai cru que c’était juste une passade, une faiblesse, une petite chute – rien de grave, comme cet été passé à danser sur Ozone – mais au bout de trois ans il est temps que je me confesse : je suis fan de Booba.
Au départ j’écoutais une chanson de temps en temps, pour rigoler un peu, pour crier « J’me lave le pénis à l’eau bénite » en me roulant par terre de rire, c’était innocent. Mais depuis la sortie de son album Lunatic, en 2010, je suis accro, je connais les paroles de toutes ses chansons par coeur, il squatte ma playlist fétiche – sous la douche, dans le métro, au bureau, B2O ne me quitte plus.
Mais le plus drôle (ou con, je sais pas encore) dans l’histoire, c’est quand je prends un peu de recul pour constater les dégâts.
Si je me contentais de l’écouter passivement encore, ça pourrait passer, mais non, Booba provoque chez moi des réactions je n’assume pas forcément.
Le caïd qui sommeille en moi
Il suffit de passer cinq minutes avec moi pour comprendre que je suis du genre clown ascendant racaille. C’est comme ça, j’y peux rien, ça fait partie de moi. Je parle en verlan, je joue à la chaude, je menace de péter des gueules toutes les trois heures, je dis « trankchille », « tahu » (= t’as vu), « azy », « calme ta race », « enkchulé » environ cent fois par jour – et je le vis plutôt bien. Je roule des mécaniques, parce que j’ai toujours rêvé d’être un bad boy, je toise tout ce que je croise et j’aimerais faire 2 mètres de haut pour 2 mètres de large, casquette sur l’té-co, les pecs huilés comme un beignet. Sauf qu’en vrai je fais douze kilos pour 1m70, je suis pas impressionnante pour un sou et j’ai peur de mon ombre.
Mais quand j’écoute Booba, j’oublie mon côté mauviette. D’un coup je vois mon reflet doubler de volume, j’me sens plus pisser, je suis prête à dégainer mon gun (= mes doigts en forme de pistolet) et je retrousse mes babines en agitant la tête. J’ai pas de flow, je chante faux, mais B2O me fait oublier mes infirmités pour me guider jusqu’au sommet.
J’prends l’beat en levrette, trop de flow. J’suis pour de vrai, sont pour de faux. (Caesar Palace)
Avec lui j’ai envie de monter sur le podium, brandir mon majeur et annoncer à mes haters que je les envoie en orbite du bout de ma plume.
Négro quand tu m’attaques je L-O-L smiley face. Mets tes warnings, lance un S.O.S. Convoi exceptionnel, écarte les F-E-S. Je rappe depuis le ciel, et les étoiles entre elles, ne parlent que de moi disent que j’suis frais comme à l’ancienne. (Saddam Hauts de Seine)
J’admire sa capacité à reconnaitre ses propres talents, sa confiance en lui inébranlable et le peu de considération qu’il accorde à ses détracteurs (bien qu’il s’adresse à eux dans 98% de ses chansons, juste histoire de leur rappeler de « Kikoo vous êtes bien tous des merdes et moi j’vous défonce en trois phrases, HA !« ).
Je joue en pro, pas en réserve. Cousin t’as le flow d’une chèvre ou d’un pain aux raisins. (Top Niveau)
Le pire, c’est quand j’écoute Booba en marchant dans la rue. Ma démarche, mon regard et mon attitude changent du tout au tout. Je suis prête à marcher sur la gueule du premier relou qui viendra me casser les reins, poings serrés je me sens invincible, propulsée au sommet par les punchlines du Duc. Alors vu de l’extérieur ça donne juste une petite meuf qui martèle le bitume, un regard noir fixé sur l’horizon – mais dans ma tête ça rend super bien.
Salu mooii cey jacK viien mretrouV sr mn skyblog
J’ai mal à mon féminisme
Là où ça commence à me poser de sérieux problèmes en revanche, c’est quand il se met à parler de meufs. Étant profondément féministe, ça me picote toujours un peu la gueule quand je l’entends cracher sur les femmes, leur corps, et l’amour qu’il leur porte. Le romantisme, le respect des femmes, c’est pas trop sa tasse de thé. Booba a autre chose à foutre que de s’encombrer d’une femelle casse-couilles (parce que c’est bien connu, les meufs ça fait rien qu’à râler, chouiner, réclamer tout le temps, ça te laisse pas tranquille deux minutes et en plus ça veut toujours faire des enfants et se marier).
Adepte de la philosophie « Toutes des salopes, sauf ma mère », Booba ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit de s’adresser aux femmes qui ont le malheur de croiser sa route.
Ferme un peu ta gueule, va m’faire un steak frites. Tu m’as fait mal au crâne j’suis à deux doigts d’te court-circuit’. (Killer)
Ce qui ne l’empêche pas d’apprécier les belles choses – un boule bien rebondi, une langue qui s’attarde sur un cornetto, ou un tatouage du meilleur goût sur le pubis, par exemple.
Puis-je t’offrir un ice-cream pour que tu lèches, lèches ? D’puis d’talheure j’regarde ton boule j’trouve que t’es fraiche, fraiche. (Abracadabra)
Premier samedi du mois en décrypté sur la 4, gros décolleté, 92i tatoué sur la chatte. (Jimmy Deux Fois)
Ouais, ça pique.
Et comme la plupart des féministes, j’ai un super-pouvoir qui se transforme parfois en handicap. En plus de voir du sexisme partout (pas par paranoïa, mais parce qu’il y en a vraiment partout, c’est pas des blagues), je suis incapable de l’ignorer dès que je m’y retrouve confrontée. Quand j’ai commencé à écouter Booba, j’étais dans ma phase « pff, j’aime pas les filles t’façon elles me saoulent toutes » donc ça allait encore. Mais plus mon côté féministe grandit, plus ça devient compliqué pour moi d’écouter ses chansons sans culpabiliser. J’ai l’impression de trahir ma cause, mes convictions et mes principes.
Quand je chante à tue-tête sous ma douche et que je hurle « Si ça fait mal, que tu cries, que tu jouis c’est qu’j’suis dans ta chatte » (Jour de Paye), je ne peux m’empêcher de rougir de honte. Maaaais, ça passe vite, parce que je me dis qu’en attendant, au quotidien, je ne trahis rien – j’ai bien le droit de m’accorder quelques moments de répit pour laisser libre cours à mes vices cachés. J’ai choisi d’assumer.
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
Kaaris mon BB