Initialement publié le 25 avril 2013
La mode c’est comme les serviettes hygiéniques les quatre saisons : c’est changeant. Un matin tu iras au boulot en socques rembourrées ça sera cool, puis le lendemain William Carnimolla te suppliera de te coiffer avec une boîte de sardines. Tu viendras seulement d’assimiler comment poser ta BB Crème qu’il sera temps de passer au ZZ Sérum. Les tendances passent, reviennent, pour repartir et se re-pointer dans le placard de ta petite cousine.
La tendance du bonnet Carhartt
À vrai dire, en 2013 rien ne m’a vraiment choqué, et je ne suis pas si honteuse d’avouer que je suis souvent le mouvement général. J’ai des colliers tellement gros qu’ils m’étranglent (en pierres aussi plastifiées qu’un bout de surimi), une veste de militaire en carton (à part la Fac de Lettres, le commando c’était pas vraiment mon truc) et des slippers à clous avec de vrais faux airs de Giuseppe Zanotti (qui aurait délocalisé ses ateliers dans une autre galaxie). Il y a bien une chose devant laquelle mon esprit convulse : le bonnet Carhartt, ce truc qui orne le crâne d’une bonne dose des passants ayant encore le droit à la carte de réduc’ de la SNCF.
Ça fonctionne aussi sur les stars internationales, la preuve.
L’objet du crime semble sans défense, petite pièce de tissu sans valeur dans un océan de taffetas et de broderies chinoises. Et même si ce sournois ne s’est pas aussi vite incrusté qu’une bonne paire de
spartiates, il tend a conquérir nos terres bien plus rapidement que Starbucks. Crois-moi, cet accessoire n’est pas comme les autres : il apportera le mal dans nos foyers. Laisse-moi t’expliquer pourquoi en trois points.
1 – Le bonnet Carhartt dore son propre blason
Le bonnet Carhartt fait partie de la grande famille des marques coolos, et qui le valent bien. Comparer un couvre-chef de son rang et une vulgaire cagoule relèverait de la différence entre un café au Fouquet’s et une menthe à l’eau au PMU de Ligny-en-Barrois.
En fait, je pense qu’il cache quelques coutures, alors ne le blâme pas. Au fond, le bonnet Carhartt souffre du syndrome de la Kickers : une étiquette vous manque, et tout est dépeuplé. Les créateurs d’American Apparel, marque aux collants bien trop flashy aux pubs bien trop suggestives ont bien essayé de tenter une contre-attaque : un bonnet. Le même. Tout pareil. Mais rien ne fait, le « C » qui ressemble à un bonnet de Noël tourné à 90° vers la gauche semble inévitablement irremplaçable. Elle est là, sa faille : sans son nom, personne ne l’aime.
Je te propose d’étayer immédiatement cette théorie :
Cas pratique numéro 1 : un look sans bonnet Carhartt
La réaction de la majorité des personnes observées se traduit alors comme ça* :
Cas pratique numéro 2 : un look avec bonnet Carhartt
Dans la configuration présente, la majorité des personnes observées réagissent comme ceci :
La science parle d’elle-même. Toute contestation serait fortuite.
Pour parler bien, parlons fric. J’aurais aimé blâmer ce couvre-chef sur son prix. J’ai prié si fort pour que l’argus brûle ma rétine comme un épisode du Jour où tout a basculé – et j’aurais pu dire « en plus tu vas te ruiner malheureux-se « . Mais non. Environ 20€, c’est le prix du scélérat – je n’en attendrais pas moins d’un bonnet de marque aux vertus tiédisantes d’oreilles. Si on pousse la logique, il reste même bon marché, comparé aux Obey, à 35€. Un partout.
2 – Le bonnet Carhartt est bi-polaire
Oui, le bonnet Carhartt souffre également de bipolarité. En gros, il peut passer d’aussi cool que le dressing de Beyoncé qui viendrait comme par magie se loger dans ton placard à balais, à aussi improbable que le nouveau tatouage de Justin sur le torse d’un lamantin qui aurait de faux airs de Frigide Barjot et se baladerait en slip à sequins dans le 5ème arrondissement de Paris.
Ça partait pourtant d’une bonne intention. Un bonnet c’est cool, ça tient chaud et ça permet de cacher tes racines grasses en cas de pénuries de shampoing (NON JE NE FERAIS PAS LA BLAGUE). D’ailleurs, je suis la première à encourager cette pratique du port de la coiffe en toute saison – surtout au beau milieu d’un festival sous 24°C (ça permet te protéger ta chère toison en cas de projection de boue). Donc, là où le principe de porter un bonnet est très cool, la pratique quand il s’agit de ce modèle, l’est beaucoup moins.
Je ne sais pas si le concepteur du patron avait bu ou qu’il a justement créé le prototype au beau milieu d’un festival au Pays-Bas, mais quelque chose cloche grave. Peut-être que Carhartt ne recrute que des personnes aux crânes coniques. En tout cas si ça ne tenait qu’à moi, j’enverrais les Men In Black y jeter un coup d’oeil fissa. Oui parce que je n’arrive pas à m’expliquer ce surplus de laine qui n’enveloppe pas la cime de celui ou celle qui le porte.
Ci-dessus Josiane, Cynthia et Jean-Marie Carhartt.
La position conforme de ce type de bonnet joue avec les lois de la pesanteur. Alors que tu l’auras bien vissé sur ton crâne, les passants auront toujours l’impression qu’il est simplement posé, prêt a choir sur le pavé à tout moment. Mais au fond, ce n’est pas l’essence même du style (à prononcer à la Cordula) d’avoir l’impression d’être un/une warrior, tout en tentant d’évoluer dans le registre du périlleux ?
Ce petit bout de tissus qui se rebiffe, formant une forme plate au-dessus offre (je dois m’incliner) quelques possibilités qui semblent attrayantes :
- Tu peux y ranger des choses personnelles (un mouchoir ou un taille-crayon par exemple).
- Moins de contact avec le tissus = moins de cheveux électriques (on n’y pense pas assez).
- Voilà.
Bref, peut être que ce bonnet est moche. Ou simplement que je deviens vieille – ça doit être ça.
3 – Le bonnet Carhartt est prévisible
Le gros problème (et s’il n’y en avait qu’un, ça serait sûrement celui-ci) c’est qu’il est passé de « ponctuel » à « insignifiant ». Les gens ne s’étonnent même plus de voir quelques mortels se balader avec une tête de pelle à tarte.
Pourtant au départ, le bonnet Carhartt sonnait un peu comme un appel à la proximité. Ce surplus de laine aurait dû inciter les non-Carharttés à tirer dessus – à l’image des CM2 qui tiraient sur la poignée dépliante de ton cartable à roulettes à l’école primaire. Un appel à la proximité. Au rapprochement tactile. C’est alors qu’une énorme partie de « j’t’ai pris ta tête » aurait pu débuter. Ça aurait été ludique, quoi.
Mais non. Tout le monde s’en fiche. Trop c’est trop : peut-être que les gens ont eu peur de se luxer l’épaule, un truc comme ça. C’est pas drôle. C’est plus drôle. Si abuser d’un truc c’est le tuer je pense que ce pauvre bonnet est à l’agonie.
Peut-être que le beau temps, inévitable radiateur du cuir chevelu, enverra direct le bonnet Carhartt au rang des accessoires en voie de disparition. La France a un patrimoine culturel fort. Elle s’en remettra.
Le bonnet Carhartt, il te sort aussi par les trous de nez ? Ou au contraire, tu le portes comme un doudou sur ton crâne ? (Pas d’inquiétude, la liquidation n’est pas mon fort.)
*Si tu es quand même tombé amoureux-se tu peux te fournir en bonnet cucurbitacé ici !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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