— Article initialement publié le 30 décembre 2013
L’an dernier, nous avions conclu l’article psycho de fin d’année en disant que si nous ne devions tenir qu’une seule résolution, ce devrait être celle d’être bienveillant et de prendre soin de soi… Puisque, a priori, nous sommes coincés avec nous-mêmes, nos corps et nos têtes, pour le reste de nos vies, autant faire gaffe à soi, non ?
Cette année, nous allons finir sur la même note : comment prendre soin de soi ? Peut-on s’exercer à être plus heureux ?
La psychologie positive : des outils pour être plus heureux
Rassurez-vous, nous n’allons pas tomber dans la pensée positive, dans l’injonction au bonheur – personne ne va vous ordonner d’adopter la « positive attitude » éternelle. En fait, une branche de la psychologie, nommée la psychologie positive, est consacrée à l’étude de ce qui nous rend heureux – et même si le concept est parfois critiqué et rapproché à la « pensée positive » et autres principes en vogue dans les ouvrage de développement personnel, nous sommes bien dans une discipline construite par des recherches scientifiques publiées dans des revues à comité de lecture (c’est-à-dire obéissant aux pratiques validées par la communauté scientifique).
La psychologie positive souhaite permettre à chacun-e d’entre nous de développer des outils pour aller vers un mieux-être, pour adopter des modes de pensée et d’action qui nous aideront à augmenter notre sentiment de bonheur.
La psychologie positive a été popularisée par le psychologue Martin Seligman. Alors président de l’APA (l’American Psychological Association, une organisation regroupant une flopée de professionnel-le-s de la psychologie), Seligman réalise qu’il a passé sa carrière à étudier les personnes atteintes de troubles, à analyser comment rendre les gens malheureux moins malheureux… et décide de se pencher sur une nouvelle question : comment rendre les gens plus heureux ?
Cette interrogation avait d’ailleurs été soulevée dans les années 60 par le psychologue « humaniste » Carl Rogers : la psychologie doit bien sûr étudier les faiblesses et les troubles des êtres humains, mais doit également se préoccuper des forces, des atouts, des talents. La santé mentale n’est pas simplement l’absence de troubles, c’est aussi le « bien-être » — et la psychologie doit rechercher ce qui contribue au bien-être des individus !
Okay, allons-y : quels facteurs peuvent bien contribuer à notre bien-être ?
Prendre conscience des choses pour prendre soin de soi
Vous avez peut-être entendu parler de « la pleine conscience », notamment utilisée par les docteurs Zermati et Apfeldorfer
dans le cadre de leur accompagnement alimentaire. Le principe est simple, et à la fois extrêmement complexe : il s’agit d’être conscient, attentif au moment présent, sans jugement. Parfois, des pensées, des images, des sons, des sensations apparaîtront dans ce moment de « pleine conscience » ; l’objectif sera d’accueillir toutes ces choses avec bienveillance, puis de ramener son attention vers l’exercice.
En fin de compte, selon plusieurs recherches de psychologie positive, avoir conscience des choses permettrait d’augmenter le bonheur subjectif.
Emmons et Mc Cullough (2003) ont par exemple demandé à des volontaire de noter dans un journal, au moins une fois par semaine, les évènements les plus positifs qu’ils avaient vécus et la manière dont ils avaient contribué à ces évènements. Après seulement six semaines, la satisfaction de vie des participant-e-s s’est déjà améliorée !
The Happiness Project, un carnet dédié aux petits bonheurs du quotidien
De son côté, Martin Seligman a mis au point une expérience similaire sur plus de 400 participant-e-s. À un premier groupe, le psychologue a demandé d’écrire chaque soir pendant une semaine trois choses qui allaient bien pour eux et de noter les causes de ces choses. À un second groupe, Seligman demandait de remplir un questionnaire identifiant les forces de caractères des volontaires et donnait aux participant-e-s des commentaires individualisés sur leurs principales forces. Le chercheur leur demandait ensuite d’utiliser l’une de ces forces (par exemple le courage, l’humanité, la modération,…) chaque jour pendant une semaine.
À un groupe « contrôle », Seligman demande simplement d’écrire chaque soir, pendant une semaine, des souvenirs d’enfance. Les résultats sont sans appel : dans les deux premiers groupes, le bonheur subjectif des participant-e-s a augmenté… Autrement dit, celles et ceux qui ont noté par écrit ce qui allait bien pour eux, ou qui ont identifié et utilisé l’une de leurs forces, se sentent plus heureux qu’avant, alors que chez les autres, le niveau de bonheur déclaré n’a pas évolué.
Reconnaître et exprimer sa gratitude
Savoir être reconnaissant, et exprimer sa reconnaissance serait également un facteur important du bien-être psychologique.
Dans l’étude menée par Emmons et Mc Cullough, la majeure partie des volontaires affirment que remercier quelqu’un les rend « extrêmement heureux », et cette reconnaissance rendrait encore plus heureux lorsqu’elle est exprimée. Lorsqu’on demande à des volontaires d’écrire une lettre exprimant de la gratitude et de l’apporter à la personne qu’ils remercient, les participant-e-s se sentent plus heureux que ceux qui ont écrit la lettre mais n’ont pas pu exprimer leur gratitude à la personne concernée ! Un mois après, l’effet bénéfique se fait encore ressentir…
En d’autres termes, exprimer sa reconnaissance donnerait bien un coup de boost à notre niveau de bien-être ! Il peut s’exprimer par plusieurs facteurs : lorsque l’on est facilement reconnaissant, on se souvient aussi plus facilement des souvenirs positifs de la vie, on a conscience de l’importance du soutien d’autrui et on se comporte de façon solidaire (ce qui nous permet de ne pas être socialement isolé), etc. Pour être reconnaissant, il faut avoir eu l’opportunité de remarquer – pour développer sa capacité à être reconnaissant, il est donc bien utile de développer son attention et de s’exercer à la conscience.
Pour nous exercer à la gratitude, Lyubomirsky a mis au point le « journal de la gratitude » : si nous notons régulièrement par écrit les trucs positifs qui nous arrivent, et que nous expliquons pourquoi ils sont positifs, l’exercice permettrait d’augmenter notre bien-être !
Cultiver le goût des autres et donner du sens aux choses
Même si nombre d’entre nous pensons que l’enfer, c’est bien les autres et que rien ne vaut une bonne soirée canapé en solitaire, pour Mihaly Csikszentmihalyi, nous serions plus heureux en compagnie d’autres êtres humains. En fait, être engagé dans des relations (amoureuses, amicales, familiales, professionnelles…) permettrait de donner du sens à nos vies.
Nous donnerions du sens à nos existences à travers trois dimensions principales : la dimension affective et relationnelles (les conjoint-e-s, les copains, la famille), la dimension cognitive (nos pensées, convictions, valeurs, nos positions philosophiques ou appréciations des arts) et la dimension comportementale (engagement dans une activité professionnelle, bénévole…).
Et le sens à nos vies, ça permettrait d’être plus heureux, et sur le long terme !
Tous ces trucs et astuces vers le mieux-être ne sont pas mis au point pour nous transformer en ravis-de-la-crèche au sourire automatique, mais pour nous aider à améliorer notre qualité de vie, à aller vers plus de bien-être, à augmenter le bonheur que l’on ressent.
Évidemment, en 2014, des choses déplaisantes et difficiles vont peut-être arriver – ça fait partie de la vie. Il pourra y avoir des déceptions, des trahisons, des promesses brisées, des échecs… Le truc important, c’est ce que l’on fera de tout ça, c’est notre capacité à être résilients, à percevoir ce qu’il y a de bon et de positif.
Ce que nous avons à l’intérieur de nous peut nous permettre de vivre autrement, de faire quelque chose de ce qui nous arrive. Nous sommes plus fort-e-s, plus compétent-e-s que ce que l’on a tendance à penser – et peu importe ce qu’il nous arrive, nous pouvons choisir notre réponse, et nos échecs ne nous définissent pas.
Nous pouvons être conscient-e-s de ce qu’il arrive, nous pouvons être reconnaissant-e-s envers les personnes qui nous ont aidé-e-s, nous pouvons nous engager pour les autres, pour des causes, pour des activités… En 2014, alors, ce que l’on peut souhaiter, c’est de prendre soin de soi en cultivant son bien-être et en s’apprêtant à faire face à ce que la vie va nous balancer, bon ou mauvais (RISE, dirait Beyoncé) !
Pour aller plus loin…
- Une conférence TED de Martin Seligman
- Un site plein de tests et questionnaires sur votre bien-être, vos forces et votre bonheur
- Cerveau & Psycho – Qu’est-ce que la psychologie positive ?
- Cerveau & Psycho – Donner un sens à sa vie
- Cerveau & Psycho – Gratitude et bien-être
- Cerveau & Psycho – Le pardon, ingrédient du bonheur
- Cerveau & Psycho – Comment construire un bonheur durable
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