Qu’est-ce qu’on mange, qu’est-ce qu’on boit sur un tournage X ? Que se raconte-t-on à la machine à café ? Y a-t-il seulement une machine à café ? À quoi ressemble l’ambiance entre les différentes personnes impliquées ?
Pour enrichir votre visionnage de l’excellent Pleasure, actuellement en salles, qui lève le voile sur les coulisses du porno, on a échangé avec Anna Polina — célébrissime performeuse pour adultes. Elle nous révèle la réalité des tournages pour adultes !
Notez qu’Anna Polina a l’expérience de tournages professionnels, avec du budget, une entreprise fiable derrière et des conditions de travail correctes pour les performeurs et performeuses. Au cours de notre entretien, elle souligne à plusieurs reprises que ce qu’elle raconte ne s’applique pas forcément au milieu plus amateur, moins encadré — elle ne parle ici que de son propre vécu.
« Tellement de fous rires ! » : Anna Polina raconte l’ambiance des tournages porno
Difficile de se mettre dans la peau d’une actrice qui pose les pieds sur son tout premier tournage porno. Entre excitation et appréhension, on imagine bien le petit stress précédent le « Action ! »… mais il est plus délicat de se représenter l’ambiance sur le plateau. Anna Polina se souvient avec un sourire de ses premiers pas dans le milieu :
« Ce qui m’a me plus surprise c’est la bienveillance vis-à-vis de la nudité, de la sexualité. Les normes sont différentes : le corps n’est plus quelque chose de gênant, qui doit être caché ou normé, c’est un outil de plaisir.
Déjà avant ça, la nudité ne me gênait pas, mais il faut se souvenir je n’ai pas grandi avec les réseaux sociaux : quand j’étais plus jeune, dans la presse féminine, on ne voyait parler que de solutions “miracle” pour perdre du poids, de poils… un tas de choses que j’avais intégrées de façon plus ou moins consciente. Je trouvais ça normal les régimes, les normes.
Aujourd’hui il y a une grande différence grâce à plein de choses — dont les réseaux sociaux : on a accès à un plus large panel de physique, de goûts… Mais pour moi, le premier espace où pouvais être belle sans être ultra normée, ce fut le porno.
Je me souviens aussi que ça m’a fait du bien de voir un espace où la sexualité était quelque chose de sain ! Quelque chose qui me correspond : j’avais déjà lu Virginie Despentes, j’étais convaincue qu’il n’y avait rien de mal à faire du cul et à être filmée.
À cette époque le milieu du X avait très mauvaise réputation — il était vu comme glauque, anormal. Mon ressenti, c’est celui d’un endroit joyeux, apaisant. »
Niveau ambiance, sachez que les papotages sur les tournages X n’ont parfois rien à envier à vos propres discussions entre collègues au sujet de votre dernier week-end ou de vos travaux du moment. Sauf que vous êtes probablement un peu plus vêtue qu’Anna Polina et ses consœurs ou confrères.
« On discute entre nous avec les collègues, on se raconte nos histoires, nos vies de famille, nos lectures et séries du moment, nos histoires d’amour… Comme tout le monde, on fait des pauses café, des pauses clopes.
Et parfois on n’attend pas la pause café : ça peut arriver qu’on tourne une scène hard avec un acteur, et que pendant un break il sorte son téléphone pour me dire “Regarde, c’est la maison qu’on a achetée avec ma femme, je t’en avais parlé” !
Je trouve quand même qu’on se confie très vite, peut-être plus vite que dans d’autres milieux. On est nus, j’imagine que ça crée une forme d’intimité plus rapide, plus évidente. »
C’est sûr qu’être tous et toutes en tenue d’Adam ou Ève peut aider à faire tomber les barrières de la timidité et de la retenue. N’hésitez pas à en parler à votre boss pour votre prochain team building ! (Non, ne faites pas ça) (quoique, un bon sauna entre collègues…) (non, oubliez, j’ai rien dit.)
Et au cas où vous en doutiez : on rit, sur certains plateaux de porno. On rit beaucoup, même — au point qu’Anna Polina n’arrive pas à isoler un souvenir parmi tous ceux qui ont émaillé sa carrière.
« Mon meilleur fou rire ? Impossible, j’en ai eu tellement ! On a des fous rires à cause de petits ratés (coude dans l’œil et autres joyeusetés), sans surprise, mais aussi parce qu’on se raconte un tas de conneries à l’oreille… parfois entre deux gémissements, pendant qu’on baise ! »
De quoi désacraliser le porno : la prochaine fois que vous serez en train de vous astiquer (ou pire, de vous comparer à ce que vous voyez à l’écran — rappelons que tout ça est scénarisé et ne vise pas à représenter une sexualité réaliste !), dites-vous qu’entre deux coups de reins, l’actrice a peut-être murmuré à son partenaire « Tu connais la blague du pingouin qui respire par le cul ? », ça dédramatisera tout ça.
Et honnêtement, c’est la meilleure blague donc ça vaut le coup de re-tourner la scène, selon un panel composé d’une personne accessoirement rédactrice de cet article. (« Un jour il s’assoit et il meurt », si jamais vous n’aviez pas la chute.)
Boissons énergisantes et lasagnes sur les tournages des films porno
A-t-on seulement envie de manger sur un tournage de film X ? Avec les bruits de peaux moites qui claquent, les odeurs corporelles et la nudité ? Eh bien oui, bien sûr : quand on bosse plusieurs heures, on a la dalle ! Et Anna Polina n’a pas à se plaindre du catering sur les divers plateaux qu’elle a fréquentés.
« En gros, on a des fruits, des snacks et des boissons, plus une personne au moins qui gère la “vraie nourriture” sur les longs tournages — tout dépend du temps qu’on a bien sûr. Le menu peut largement varier, on a souvent des choses simples mais nourrissantes : des lasagnes (très bonnes au demeurant), des salades complètes…
Et ensuite il y a de petites spécificités par pays. En Europe de l’Est, ils sont très sandwich ! »
C’est le moment de vous demander ce que vous aimeriez manger entre deux scènes de cul. Personnellement je pense que je m’orienterais vers un panini, parce que faire du sexe après de bonnes lasagnes… S’il n’y a pas de séquence sieste au scénario, ça risque d’être compliqué !
Et avec tout ça, qu’est-ce qu’on boit ? Eh bien vous saurez que comme bien des streameurs, rappeurs et championnes d’e-sport, les acteurs et actrices X apprécient une certaine boisson énergisante à la taurine.
« Sur les tournages, c’est Red Bull, Red Bull, Red Bull ! Ça a bien plus de succès que d’autres excitants comme le café. »
« En Europe, on ne simule pas l’éjaculation »
Les films porno, ce n’est pas la réalité. Ne serait-ce que parce qu’il faut adapter les actes sexuels et les positions à un format filmé — si tant d’actrices finissent pliées comme des bretzels, c’est aussi parce que ça laisse la place à la caméra de se faufiler pour les gros plans par exemple. Sans parler du montage, qui permet bien des ellipses !
Mais quid des trucages dans le porno ? Anna Polina admet que si le plaisir peut être factice ou a minima exagéré, les éjaculations diverses auxquelles elle a assisté n’étaient pas fake.
« Du côté de l’éjaculation dite “féminine”, je n’en ai jamais vu de simulée, en douze ans de carrière. C’était toujours réel, ça peut juste prendre du temps : parfois on filme longtemps avant que ça n’arrive, et on coupe éventuellement au montage. Par contre, il y a des astuces pour favoriser le phénomène, par exemple boire beaucoup d’eau avant la scène.
Pour l’éjaculation “masculine”, en Europe on ne les simule pas — c’est une vraie éjaculation, du vrai sperme, mais souvent on coupe pendant un moment avant l’orgasme proprement dit, car ça peut prendre du temps.
Et après, ça dépend de l’acteur. Certains préfèrent se “monter” [le terme du milieu désignant le fait de faire venir l’éjaculation, ndlr] en solo dans leur coin, d’autres peuvent être aidés par l’actrice si elle le souhaite et que le courant passe bien.
En règle générale, l’ambiance reste bienveillante, on ne met pas la pression au performeur, on lui laisse le temps de venir. »
Petits conseils pratiques pour sodomie réussie
Lorsqu’on lui demande des « astuces » de professionnels et professionnelles du X, ou qu’on évoque les débats pratico-pratiques qui agitent probablement cette communauté, Anna Polina pense directement aux pratiques anales, demandant souvent plus de préparation et de matériel que les pénétrations orales ou vaginales.
« L’essentiel — et pas que pour la pénétration anale d’ailleurs — c’est d’avoir un bon lubrifiant.
Là-dessus, dans le milieu, les avis divergent et les pratiques aussi : aux États-Unis, ils sont très huile de coco par exemple [attention : non compatible avec les préservatifs en latex, ndlr]. Moi j’ai tendance à préférer les produits à base de silicone qui ne sèchent pas, sinon c’est très vite chiant voire désagréable. »
Parce qu’on n’est pas des pinces, voici en exclusivité pour Madmoizelle les astuces garanties « sodomie réussie » d’Anna Poline — si ça vous intéresse bien sûr, aucune obligation de passer par la porte de derrière !
« Je ne peux que vous encourager à vous renseigner sur les composants et à analyser les étiquettes des lubrifiants pour trouver celui qui correspondra à vos besoins et pratiques !
En règle générale, pour une sodomie agréable, il est conseillé de manger léger — des choses simples et consistantes, comme des pâtes ou du riz — et de ne pas boire d’alcool pendant 24 heures avant.
Et si vous avez envie de vous nettoyer (délicatement !) l’intérieur avant la sodomie, quelques conseils : n’y allez pas comme une barbare avec la poire à lavement, allez-y doucement, écoutez votre corps. Il y a trop de gens qui font ça brutalement, ce n’est pas une bonne idée. »
Nous, acteurs et actrices X, « on apporte du plaisir » aux gens
Anna Polina dresse un portrait réaliste de ses tournages porno, qui sont finalement le lieu de travail de bien des gens — lesquels, affirme-t-elle, gagnent en indépendance et en fierté au fil des années.
Il n’y a pas de honte à être travailleuse du sexe, l’actrice l’affirme :
« Une fois qu’on est dedans, en vrai, le porno n’est pas marginalisé. C’est notre quotidien, c’est normal.
Et côté actrices, on n’a jamais été aussi indépendantes. Pour moi, il y a une forme et d’orgueil et d’humilité à faire un métier comme celui-là : on a accès directement à nos abonnés, à nos fans, on sait qu’on apporte du plaisir. »
Pour aller plus loin et affiner votre regard sur le porno, sans complaisance à outrance ni cris d’orfraie effrayés, foncez en salles voir Pleasure : c’est le portrait le plus intéressant du milieu qu’on ait vu au cinéma depuis longtemps !
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