Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects féministes. Dans notre nouvelle rubrique Règlement de comptes, des femmes viennent éplucher leur budget, nous parler de leur organisation financière en couple et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Valérie qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Pseudo : Bobette
- Âge : 34 ans
- Revenu mensuel : 4.966€ net à deux
- Famille : Son conjoint, le fils de son conjoint avec qui ils passent leurs vacances, trois chats et six poules
- Lieu de vie : Une maison à la campagne, qu’ils ont rénovée ensemble
Les revenus de Bobette et de son conjoint
Bobette et son conjoint sont ensemble depuis 10 ans. Leurs deux revenus sont assez disparates : Bobette gagne 1.400€ par mois, ainsi qu’une prime annuelle du même montant soit 1.516€ mensuels lissés à l’année.
Son conjoint, quant à lui, a un salaire mensuel de 2.300€ net par mois. Mais étant militaire, il est déployé à l’étranger en moyenne quatre mois par an, pendant lesquels il touche deux fois et demie son salaire, soit 5.750€. Lissé sur un an, cela représente donc 3.450€ mensuels.
Si le couple a aujourd’hui un pouvoir d’achat très confortable, les choses n’ont pas toujours été ainsi, comme le raconte Bobette :
« Quand nous nous sommes rencontrés il y a dix ans, nous étions loin de ce chouette pouvoir d’achat, pour lequel je suis reconnaissante. Personnellement, je gagnais à peine le SMIC. À cette époque, je ne gérais rien du tout, me contentant de ne pas dépasser ma limite de découvert. Je n’avais aucune économies, j’avais déjà du mal à boucler mes fins de mois !
Lui gagnait plus que moi, vivait en caserne (et n’avait donc pas de loyer à payer), et se plaignait souvent d’être dans le rouge. Il n’avait pas d’épargne, alors qu’il bossait depuis de nombreuses années… Ça me rendait un peu folle ! »
L’organisation financière du couple
Pour arriver à une organisation équitable, Bobette raconte qu’elle et son conjoint sont passés par de longues négociations. En effet, quand ils se sont installés ensemble, leur différence de revenus créait un déséquilibre notable dans les finances du ménage :
« Quand nous avons décidé de prendre un appart ensemble, un peu plus grand, un peu plus loin de la ville, il a fallu (re)penser le modèle économique de notre couple. Initialement, nous avions pour idée de partager toutes les factures en deux parts égales, et de tout faire à 50/50.
Mais en suivant ce modèle, mon pouvoir d’achat baissait beaucoup trop pour mon petit salaire ! En effet, le loyer était plus cher que mon appart solo, j’avais des frais d’essence plus importants pour aller au travail… En tout et pour tout, il devait me rester 10€ pour les sorties ou les fringues. Ce n’était pas très juste. D’autant plus que cela impliquait que ce serait à lui de payer les sorties, les restaurants, les week-ends… Implicitement, cela me rendait dépendante de lui. »
« Si on faisait 50/50 sur tout, on ne pourrait pas du tout avoir la même vie »
Pour rééquilibrer leurs finances, après un temps de réflexion, Bobette et son partenaire ont fini par choisir une organisation différente : aujourd’hui, ils mettent toutes leurs ressources en commun !
« Notre projet de vie était commun, ça tombait sous le sens de partager nos ressources, d’économiser ensemble pour des gros projets. Si on faisait 50/50 sur tout, on ne pourrait pas du tout avoir la même vie, le même logement, les mêmes vacances… »
Elle confie que si la théorie semble simple, la pratique a été plus compliquée pour le couple : même si ce n’était absolument pas le cas, Bobette avait peur que son conjoint ait l’impression de « l’entretenir ». Il y a eu quelques tensions… Mais après quelques années, leur système est bien rodé : l’argent n’est plus du tout un sujet de dispute ! Elle raconte :
« Nous avons tous les deux vu les bénéfices de ce système. Beaucoup d’épargne, plein de projets couteux, pas de tension ni de stress. Ni entre nous ni en cas de galère. »
Mais pour garder une certaine indépendance l’un envers l’autre, le couple a gardé des comptes séparés. Concrètement, cette mutualisation des ressources se passe ainsi :
« Nous avons chacun un compte personnel avec un livret épargne séparé, un compte commun, et un compte épargne commun. Cela nous fait payer des frais bancaires en double, mais c’est le prix de la sérénité !
Chaque début de mois, nous payons tous nos frais fixes, notre épargne commune et notre épargne prévisionnelle. L’argent qui reste est réparti en deux parts égales, sur nos comptes personnels. Libre à chacun de claquer ou d’épargner ! C’est là, je trouve, le principe même de notre égalité de couple. »
Les dépenses de Bobette et de son conjoint
Par mois, le plus gros poste de dépense de Bobette et de son partenaire est sans surprise le remboursement du crédit de leur maison, à hauteur de 879€ par mois.
Ils remboursent chacun rigoureusement la moitié de cette somme, pour pouvoir justifier de la même part de propriété de leur logement et se protéger en cas de séparation.
L’ensemble des assurances pour leur maison, leurs voitures, leurs assurances-vie et leurs mutuelles leur revient à 217€ par mois. À cela s’ajoutent 150€ de pension alimentaire pour le fils du partenaire de Bobette, qui vit avec sa mère, et des frais de 50€ mensuels pour les billets de train quand celui-ci vient passer des vacances avec eux ou leur rendre visite.
Vivant tous les deux à plus de 25km de leur lieu de travail, leurs frais d’essence sont assez élevés et atteignent 230€ par mois. Toutefois, ils bénéficient de réductions d’impôts en les déclarant en frais réels.
Une épargne prévisionnelle pour les factures et les frais fixes
En détaillant son portefeuille, Bobette nous explique par ailleurs la manière dont elle organise son épargne prévisionnelle : pour la plupart de leurs factures et pour les dépenses ponctuelles, ils placent tous les mois une somme fixe sur un compte épargne, et paient la totalité de leur dû une fois par an. Bobette le décrit ainsi :
« Ça, c’est l’argent qu’on met de côté pour payer en une seule fois des frais fixes. Ça permet de gagner de l’épargne plutôt que de donner cet argent tous les mois. »
Parmi ces frais fixes, ils comptent la taxe d’habitation, la taxe foncière, ainsi que leurs factures courantes : l’électricité, le bois de chauffage, et l’eau, respectivement 49€, 35€ et 12€ mensuels. Vous aussi, vous avez sourcillé devant la faible facture d’eau du couple ? Bobette la décrypte ainsi :
« Cela peut paraitre peu, mais nous sommes adeptes du nettoyage au gant de toilette tous les matins avec une douche ou un bain une à deux fois par semaine. Lorsque des bains sont pris, nous en utilisons l’eau pour arroser le potager. Nous ne tirons pas la chasse d’eau à chaque fois non plus… Au-delà des économies, c’est écologiquement important pour nous de faire attention. »
Les courses alimentaires, l’occasion de faire du stock
Enfin, les courses alimentaires coûtent au couple environ 400€ par mois, dans lesquels est incluse la nourriture pour leurs trois chats et leurs six poules. Entre leur environnement rural et leurs convictions, Bobette et son conjoint ne dépensent pas cette somme entière au supermarché, mais plutôt auprès de petits commerçants :
« On mange bio, la plupart du temps. On achète notre nourriture auprès des fermes environnantes, chez le boucher, à la biocoop et en tout dernier lieu, au supermarché le plus proche. »
Les valeurs écolos du couple font partie intégrante de leur mode de consommation, surtout depuis qu’ils vivent à la campagne. Ils consomment donc au plus proche de chez eux, privilégient la cueillette eux-mêmes quand c’est possible, font eux-mêmes leurs tisanes ou leurs conserves…
Par ailleurs, leur jardin leur permet de cultiver une partie de leur alimentation ! Été comme hiver, ils consomment donc les produits de leur potager.
En plus de cela, à chaque passage aux courses, Bobette explique qu’elle et son conjoint constituent des stocks non périssables.
« Tant que tout va bien (nous avons tous les deux un boulot, par exemple), on peut se permettre d’acheter des trucs en plus. On a donc une “épicerie” chez nous avec des produits de base en grande quantité (légumineuse, farine, pâte, riz, bocaux de légumes, sel, savon, dentifrice…). À chaque plein de course, depuis environ 5 ans, on en prend à chaque fois un peu plus pour stocker des produits consommables.
C’est une sorte d’épargne réelle pour manger. On a bien des assurances incendie ou maladie… Nous, on a aussi une assurance nourriture ! On part du principe que ce qui est à la banque peut, un jour, ne plus rien valoir. Cela arrive à des tas de pays. Mais la nourriture aura toujours la même valeur : celle de nous garder en vie. Mes grands-parents ont connu la faim pendant la guerre, ils ont dû me transmettre des choses sur cette gestion ! »
Le rapport à l’argent de Bobette et son conjoint
En plus de ça, le couple épargne pour des projets divers : des voyages, la rénovation de la maison, ou pour racheter une voiture si besoin… Ils se font aussi plaisir avec leurs comptes séparés, pour leurs loisirs respectifs ou pour offrir des cadeaux à leurs proches. Après ces dépenses, le couple épargne un peu plus de 1.000€ par mois.
Au sein du couple, c’est principalement Bobette qui gère l’argent. Elle explique qu’étant issus de la classe moyenne, ni elle ni son compagnon n’avaient vraiment été éduqués à cette gestion financière. C’est donc sur le tard qu’elle s’est mise aux tableurs Excel et aux Google Sheets, avec lesquels elle suit leur budget.
Elle explique avoir ressenti le besoin de prendre cette partie de leurs vies en charge, contrairement à son partenaire :
« La personne avec qui je partage ma vie est plutôt cigale, l’argent lui brûle les doigts. J’ai naturellement pris le lead de la gestion budgétaire : je déteste perdre de l’argent, et c’était devenu vital pour moi qu’on puisse avoir un peu d’épargne de sécurité. Lui n’avait pas ce besoin, moi si… Donc je n’ai pas trop eu le choix.
Je crois qu’à force de gérer cette partie, je suis devenue control-freak. Vouloir anticiper chaque dépense, c’est une grosse charge mentale. »
Merci à Bobette d’avoir accepté de répondre à nos questions !
Si jamais vous souhaitez commenter cet article, rappelez-vous qu’une vraie personne est susceptible de vous lire, merci donc de faire preuve de bienveillance et d’éviter les jugements.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires