Peut-être que vous connaissez déjà Bo Burnham. Moi, je le connaissais avant de savoir son nom, parce que j’avais vu plein de gifs de lui sur Tumblr, et aussi parce qu’il joue un odieux chanteur de country dans Parks and Recreation.
Quel con. Je l’aime.
Mais je n’ai vraiment découvert Bo Burnham qu’en voyant tout mon Internet crier son nom, et le titre de son one-man show disponible sur Netflix : Make Happy. C’est son troisième spectacle solo ; le précédent, What, est disponible en intégralité (mais sans sous-titres) sur sa chaîne YouTube. Quant au premier, Words Words Words, il a été diffusé en 2010 sur Comedy Central.
Il est temps de vous le dire comme c’est. J’aime Bo Burnham d’un amour pur. Et voici pourquoi.
Bo Burnham, entre stand-up et musique pop
Bo Burnham a percé sur YouTube à l’époque où je passais mon bac et où les gens aimaient encore regarder LOST. Ce grand ado dégingandé avec une vague tête à claques s’est fait connaître par ses morceaux de musique, souvent de rap, irrévérencieux et flirtant savamment entre génie et malaise.
Après des passages à la télévision et plusieurs albums, Bo Burnham a gardé la musique au cœur de son art, donc ses one-man shows ont des airs de concerts et on se prend à taper du pied, à hocher la tête en rythme… ses sons attirent l’oreille et ne jureraient pas entre deux tubes de l’été.
Composer, écrire, chanter, rapper, jouer du piano ou encore de la guitare, Bo Burnham sait décidément tout faire. Mais il sait surtout me faire rire… et réfléchir.
Bo Burnham, fragile mec blanc hétéro
Make Happy, c’est une heure qui oscille entre blagues limite agaçantes tellement elles sont zozo, chansons qui rentrent dans la tête, ironie mordante et introspection quasi-psychanalytique.
Le thème de ce one-man show : être heureux. Comment être heureux quand on souffre de sa position ô combien délicate d’homme blanc hétéro ? Comment être heureux quand on affronte des problèmes aussi insurmontables qu’un burrito trop rempli chez Chipotle ? Comment être heureux quand on rêve d’avoir une copine ultra-bonne, pas chiante, accro au sexe (mais seulement au nôtre) et 100% fictionnelle ?
Bo Burnham maîtrise l’ironie à merveille, et il n’y a jamais de doute sur le fait qu’il se moque de lui-même. Il achève carrément sa complainte Straight white male
sur des excuses directes et une ode au second degré, sait-on jamais si d’aucun•es voulaient lui intenter un procès d’intention…
Bo Burnham, are you happy ?
Oui, Bo Burnham a la belle vie. À 25 ans, il est riche, son talent est reconnu, il fait salle comble, et ne souffre d’aucune discrimination.
Mais Bo Burnham n’est pas heureux. C’est comme ça. Il se démène sur scène, fait rire tout le monde avec son humour caustique, fait pleuvoir des paillettes, mais ça ne fait pas de lui un homme heureux.
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Et c’est dans un inoubliable final qu’il se met à nu. Make Happy se clôt sur une mélopée hallucinée, entre absurdité et noirceur, entre appel à l’aide et cri primaire. Inspiré par une litanie de Kanye West qu’il a vu sur scène pendant sa tournée Yeezus, Bo Burnham se lance dans sept minutes haletantes.
« Une part de moi vous aime, une part de moi vous hait, une part de moi a besoin de vous, une part de moi a peur de vous, je pense pas pouvoir gérer ça ; regarde-les me fixer comme s’ils s’étaient dit « Allons voir ce gosse maigrichon à la santé mentale déclinante, et rions de le voir essayer de nous offrir ce qu’il ne peut s’offrir à lui-même » ; je pense pas pouvoir gérer ça »
Délicat, arrogant, délicieusement insupportable Bo Burnham
Bo Burnham est un bon petit con comme je les aime ; le personnage dont il endosse la peau sur scène est arrogant, provocateur, parfois irrespectueux, gentiment énervant. Et ça ne l’empêche pas d’assumer ses peurs, ses failles, ses doutes.
C’est un sujet qui a été largement abordé, notamment au moment de la mort de Robin Williams : les gens qui font du rire leur métier, et qui rencontrent le succès, peuvent comme tout le monde être en dépression. Bo Burnham peut enchaîner une vanne sur les chanteurs de country puis évoquer sa peur que son père ne respecte jamais son art, et les deux font mouche.
- Why the Funniest People Are Sometimes the Saddest (en anglais)
J’ai énormément d’affection et de respect pour les gens qui parviennent à se dévoiler publiquement, mettant à nu leurs fragilités, surtout dans un cadre aussi intimidant qu’un one-man show à New York. Bo Burnham m’a saisie aux tripes en parlant aussi honnêtement des aspects les plus sombres de sa psyché.
Il reste rare de voir des hommes partager à grande échelle leurs émotions, alors que ce n’est qu’en parlant ouvertement de sujets délicats comme la dépression qu’on pourra aider ceux et celles qui en souffrent !
Alors rendez-vous service, prenez une heure de votre temps, penchez-vous sur Make Happy (disponible sur Netflix, avec des sous-titres), allez suivre Bo Burnham sur Twitter, sur YouTube, sur Facebook, lire sa session questions/réponses sur Reddit… je vous promets du rire. Mais pas seulement.
Même sur son site officiel, il se préoccupe de votre bien-être, c’est tout de même merveilleux.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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