Film de Fernando Meirelles, Blindness est l’adaptation du roman L’Aveuglement de l’écrivain et journaliste portugais José de Sousa Saramago (prix Nobel de littérature).
« Le pays est frappé par une épidémie de cécité qui se propage à une vitesse fulgurante. Les premiers contaminés sont mis en quarantaine dans un hôpital désaffecté où ils sont rapidement livrés à eux-mêmes, privés de tout repère. Ils devront faire face au besoin primitif de chacun : la volonté de survivre à n’importe quel prix.
Seule une femme n’a pas été touchée par la « blancheur lumineuse ». Elle va les guider pour échapper aux instincts les plus vils et leur faire reprendre espoir en la condition humaine.«
Blindness fait partie de ces films que je suis allée voir sans aucun renseignements sauf un : le réalisateur a, dans son CV, The Constant Gardner et La Cité de Dieu. Il a suffit de cela pour me tenter.
Surprise donc, inquiétude aussi face aux panneaux avertissant les « publics sensibles » à l’entrée des salles.
A lire le synopsis, on pourrait presque s’attendre à un film qui se rapproche des Zombies et compagnie : épidémie, virus inconnu, quarantaine, danger pour la population… Il y a une contamination, certes, mais pour de la bête verte qui bouffe du cerveau, on repassera.
Blindness se rapproche plutôt des Fils de l’Homme (d’ailleurs, on notera également la présence de Julianne Moore) : bien plus qu’un film fantastique qui se baserait sur une situation fictive, Blindness utilise les malaises de notre société pour placer son intrigue. Une société où l’on met les humains en quarantaine, où l’on est capable de les traiter comme des animaux, et où l’on n’hésite pas à tuer celui qui n’obéit pas aux ordres.
Blindness se rapproche également des Fils de l’Homme par le choix d’un lieu et d’une époque non identifiés, mais suffisamment proches de nous pour que chacun puisse y voir son propre monde. Ce contexte, si réel et actuel, fait que l’on en vient à accepter assez naturellement l’épidémie qui sévit sans plus d’explications. On oublie vite le manque d’information sur la maladie en elle-même pour se plonger dans l’histoire et dans la survie des personnes atteintes.
Petit à petit, on assiste donc à la contamination d’un peuple, qui, peu à peu, devient aveugle. Plutôt que de donner un aperçu « global » qui tendrait vers le film catastrophe, le réalisateur, choisi de s’attarder sur un groupe de personnages : la cécité gagne peu à peu la population et les premières victimes sont mises en quarantaine dans un hopital hors d’âge et insalubre… Peu à peu, de nouveau groupes les rejoignent, jusqu’à ce que, submergés par l’épidémie, les pensionnaires cessent d’arriver et l’hopital soit totalement coupé du reste du monde.
Une bonne partie du film se déroule alors dans ce huis clos où une société miniature se crée à nouveau. Plus animale, plus dure. Les hommes sont livrés à eux mêmes, et, privés de vue, finissent par se laisser aller à leurs plus bas instincts. Julianne Moore, seule voyante dans cet environnement, tente d’aider son groupe à survivre dans cet univers et à ne pas sombrer dans la folie ou la bestialité.
Le film est dur, effectivement. Mais pas à la manière d’une série B sanglante ou d’un film violent.
Le film est éprouvant, psychologiquement car, même s’il n’est pas totalement désespéré, c’est tout de même l’histoire d’une lente descente aux enfers qui nous est montrée : une nature humaine qui se révèle, une société violente… Chacun est abandonné dans un univers où tout se dégrade au fur et à mesure, livré à lui même par une société qui a préféré protéger ses dirigeants et cacher, parquer ses malades… On sent qu’on est à la limite de l’extermination : une extermination que ne dit pas son nom et préfère enfermer les malades en attendant qu’ils s’entretuent.
La dureté du film est aussi sa force : nous faire plonger avec lui dans un univers à moitié ancré dans le réel, où l’on perd peu à peu tout repère et où l’on voit chacun retrouver ses instincts de survie, d’animal. Le propos n’est certes pas nouveau, mais il ‘en demeure pas moins efficace.
Dans tout ce chaos, une voix off fait parfois son apparition. C’est la voix d’un des pensionnaires de l’hopital (Dany Glover), qui vient parfois décrire les situations tel un conteur.
Cette voix n’est pas omniprésente mais vient ponctuer le film, elle apporte au spectateur la distance nécessaire pour vivre le film et son intrigue, tout en appréciant le contexte sur lequel il est basé. Par de petites réflexions, elle nous invite à réfléchir sur la condition de ces personnages, sur leurs changements… Car l’aveuglement physique apporte bel et bien quelque chose à chaque personnage et permet, à un niveau plus « global », de mettre en lumière une tyrannie, une violence, qui, jusqu’ici était sous-jacente. On est sans cesse partagé entre l’effroi, la réflexion, mais aussi la colère, l’attendrissement…
Au final, Meirelles nous livre un film plein d’humanité, une humanité sombre, mais également pleine d’espoir. Blindness est un un film en trois temps, un peu comme trois saisons : la descente, l’enfer, puis le renouveau. A chacun d’imaginer son quatrième temps…
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