Jeudi 16 mai, un colloque a eu lieu à la préfecture de police de Paris pour réfléchir entre professionnel-le-s autour du sujet Boire, trop boire, déboires. Des élu-e-s, des responsables de boîte de nuit et des représentant-e-s des forces de l’ordre se sont alors réunis pour parler de la féminisation de l’alcool. Un constat : les filles boivent plus tôt dans leur vie et plus souvent.
Et alors attention, là on tient du gros. On découvre que la différence entre l’alcoolisation des garçons et celles des filles se restreint de manière significative depuis 2005. Mais la partie du colloque qui est mise en avant dans la dépêche (alors que l’AFP évoque également l’agressivité entraînée par la surconsommation de spiritueux en tout genre qui a également été discutée), c’est – tiens bien ton slip – le fait qu’elles sont davantage victimes de violences sexuelles quand elles picolent. C’est le titre de la dépêche et des articles qui s’en inspirent et c’est ce qui semble ressortir de cette réunion. Car les policiers, médecins et experts ont mis en garde et l’AFP évoque le fait que « l’hyper-alcoolisation des jeunes touche de plus en plus les filles, qui en s’alcoolisant de façon accrue sont nombreuses à être victimes d’agressions sexuelles ».
Dans ma tête, le shitstorm : c’est à nouveau un pur exemple pour illustrer l’idée de la culture du viol. C’est absolument symptomatique d’un gros problème, d’une société dans laquelle on laisse aux femmes violées un lourd poids de responsabilité dans ce qu’elles ont subi. Et ce faisant, on déculpabilise les hommes qui violent parce qu’on laisse après tout entendre que les femmes auraient pu éviter ce qu’elles subissent en restant sobre et en évitant de connaître un black-out pendant lequel un homme plus ou moins saoul aurait pu profiter de leur vulnérabilité.
On fait alors comprendre que les femmes devraient moins boire, alors qu’il serait éminemment plus logique de faire comprendre aux hommes dans quelle situation on parle de viol et non plus de relation sexuelle
, à savoir entre autres quand la personne est dans l’incapacité de dire non (si elle dort, si elle est inconsciente) ou encore quand elle a dit oui mais qu’elle a fini par changer d’avis.
Sérieusement, si on commence pas par faire piger ces règles de base (on peut dire non à n’importe quel moment dans le rapport, quelle que soit la façon dont on s’est comporté-e avec la personne avant, qu’on l’ait allumée ou pas, qu’on lui ait dit qu’on voulait ou pas), on n’aurait pas besoin de dire aux filles d’être prudentes.
Ce n’est pas aux filles de modérer leur consommation d’alcool pour éviter d’être violée, c’est aux potentiels violeurs de mieux comprendre dans quelle situation on parle de viol ou pas, c’est à eux de contrôler ce qu’ils pensent être des pulsions et qui ne sont finalement que des illustrations de leur sentiment, parfois inconscient, que tout leur est dû. Thierry Huguet, chef de la brigade des stupéfiants à la PJ de Paris, a par exemple expliqué qu’une surconsommation d’alcool avait le même effet que la drogue du violeur. Mais ce n’est pas ce qu’il faut se contenter de relever : il faut aller jusqu’au bout des choses et trouver une bonne façon d’expliquer aux garçons, à tous, que ce n’est pas pour autant l’occasion de profiter du corps d’une fille qui n’est pas en état de dire non.
Le colloque a tout de même pointé le doigt sur le fait que les filles étaient de plus en plus nombreuses à boire avec outrance et que leur pseudo-vulnérabilité face aux agressions n’était pas le seul problème, et a surtout cherché à expliquer cette surconsommation d’alcool. Le souci, c’est le traitement qui en est fait et la façon dont le problème est abordé. Quel que soit ce qui ait été dit dans le colloque, le retranscrire sans prendre de pincettes prouve une certaine difficulté à savoir faire avancer les mentalités alors qu’outre-Atlantique, au Canada par exemple, nous avons pu voir que des campagnes s’adressaient aux potentiels violeurs plutôt qu’aux victimes.
Imaginons si on culpabilisait toujours les potentielles victimes au lieu de se concentrer sur le coeur du problème : la culpabilité des agresseurs. On pourrait alors imaginer des titres comme :
- Si les jupes étaient moins courtes, le harcèlement de rue n’existerait pas
- Si les noirs étaient blancs, ils souffriraient moins de racisme
- Si les femmes ne vivaient pas en couple, elles seraient moins souvent victimes de violences conjugales
- Si les enfants étaient adultes, ils ne seraient pas la cible des pédophiles
- Si les pauvres étaient riches, ils n’auraient pas besoin des allocations pour vivre
- Si les chômeurs avaient un travail, ils ne se plaindraient pas du chômage
Aberrant, non ?
Il reste encore du boulot pour faire comprendre que le problème n’est pas la vulnérabilité des filles quand elles boivent, c’est qu’il y a tout un travail éducatif à faire pour prévenir le viol.
Et pourtant, nous sommes en 2013, en France, et on continue à laisser les filles croire que c’est en grande partie de leur faute si elles subissent des violences sexuelles. C’est moche.
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Les Commentaires
Et encore à l'époque je refoulais tout ça, non le viol ça n'arrive qu'aux autres...
Et maintenant je réalise que des abus sexuels il y en a!
Concernant mon viol, personne ne sait à part mon copain pour 2 raisons simples: je ne pouvais pas lui cacher car certaines choses me bloquent et me font peur. Et ensuite parce qu'un an avant mon viol mon prof particulier de maths avait eu les mains baladeuses, je l'ai viré de chez mes parents mais quand j'en ai parlé à mes parents, mon père m'a accusée de l'avoir cherché. Mon propre père. Donc je n'ai rien dis.