Il faut un peu de masochisme pour regarder Black Mirror. Il faut être un peu tordu•e pour lancer un nouvel épisode en sachant pertinemment qu’il nous retournera les tripes et le cerveau, qu’il nous laissera hébété•e sur le canapé, vaguement effrayé•e par notre smartphone et résolument dégoûté•e de l’espèce humaine.
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Mais quand on a appris le retour de Black Mirror en 2014, je l’avoue, j’ai sauté de joie : rares sont les séries de cette qualité, rares sont les productions qui me font autant réfléchir sur le présent, le futur et l’humanité. C’est en me dandinant quelque peu que je me suis installée sur un gros fauteuil, mon chat sur les genoux et un coussin anti-stress dans les bras, pour découvrir White Christmas, épisode « de Noël » diffusé le 16 décembre.
https://youtu.be/TDFcTmdQqIc
Cet article ne contient aucun spoiler sur White Christmas, ni sur le reste des épisodes de Black Mirror. Que vous devriez vraiment regarder.
I wish it could be Christmas every day
White Christmas commence presque comme un joli conte de Noël : deux collègues sont dans une cabane en bois. Ils travaillent ensemble depuis des années, mais n’ont jamais pris le temps de parler. Pour le réveillon, l’un d’eux, Matt, joué par Jon Hamm, décide de faire causer son taciturne camarade Joe, lui prépare poulet rôti et pommes de terre au four, lui sert un verre de vin et commence à lui raconter sa vie pour le mettre en confiance.
Sauf qu’on est dans Black Mirror, et que les contes ne sont pas toujours faits pour les enfants…
À nouveau situé dans un futur assez proche pour être familier et assez lointain pour être foutrement étrange, White Christmas
distille l’horreur issue de la technologie avec doigté et subtilité, allant graduellement du « quelque peu super bizarre » à « totalement cruel » pour finir sur la terreur et le malaise à l’état pur. Quasiment toutes les inventions devenues monnaie courante dans cette dystopie trouvent un écho dans notre société actuelle et ne sont pas si compliquées à imaginer, avec leur utilité, leurs avantages… et leurs dérives.
On retrouve des clins d’œil aux épisodes précédents, ainsi que des technologies qui rappellent d’autres choses précédemment évoquées, légèrement modifiées, comme une version 2.0 de quelque chose qui avait déjà prouvé sa dangerosité. Certains outils déjà présents dans les trois premières saisons de Black Mirror sont ici amplifiés, intégrés à vie dès la naissance ou pourvus de fonctionnalités inédites… et douteuses.
Jon Hamm, entre salaud parfait et Monsieur Tout-le-monde
White Christmas repose principalement sur les épaules de Jon Hamm, dont le personnage, Matt, lie les trois intrigues : la première le concerne personnellement, la deuxième introduit l’actrice Oona Chaplin (Talisa, compagne de Robb Stark, dans Game of Thrones) dans le rôle de Greta et la troisième se concentre sur son collègue Joe, incarné par Rafe Spall (Mariage à l’anglaise). De souvenir en souvenir, d’histoire vraie en mensonge, c’est par sa voix et sa mémoire qu’on découvre ce futur… qui ne donne pas vraiment envie.
Loin d’un Don Draper en chute libre, il est ici tout en nuances, dans un rôle quelque part entre le Monsieur Tout-le-monde, ni héros ni salaud, et le fabuleux enfoiré auquel on hésite à faire confiance. Comme ce monde qui pourrait, un jour, être le nôtre (à condition qu’on développe deux-trois technologies) (ou pas) (enfin on a 90 minutes qui prouvent que CE N’EST PAS UNE BONNE IDÉE), Matt est un personnage ambigu, auquel on voudrait se fier… tout en décelant chez lui un côté résolument sombre, et quelque peu effrayant.
Je m’arrête là pour ne pas trop vous en révéler, car ce White Christmas est un petit bijou de télévision, une plongée dans un univers de plus en plus noir, comme une boule à neige fraîchement remuée qui laisserait se dessiner, à travers les flocons de plastique, une bicoque menaçante aux vitres brisées en lieu et place du rassurant cottage illuminé auquel on s’attendrait…
Et un joyeux Noël à vous, dans le traumatisme et le malaise bien sûr !
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