Publié initialement le 5 mai 2013
Black Mirror est une série britannique diffusée depuis 2011, doublement nominée aux BAFTA, et vainqueur d’un Emmy Award et d’un Golden Rose Award. Déboulant comme un missile dans le paysage télévisuel, le show nous présente plusieurs dystopies liées aux avancées technologiques.
Black Mirror, six épisodes pour autant de futurs
Black Mirror nous plonge dans un futur plus ou moins proche – et par « plus ou moins », j’entends « dans dix minutes » comme « dans cent ans », et tout ce qui va entre les deux. Seulement six épisodes sont sortis, comme Sherlock, comme Utopia, à croire que la télé anglaise privilégie vraiment la qualité sur la quantité. Le bon côté ? Chaque épisode est 100% indépendant des autres, Black Mirror étant une réflexion globale sur le monde actuel et les futurs éventuels. Il est totalement possible de regarder un épisode sans jamais avoir vu (et sans jamais voir) les autres.
Black Mirror s’interroge, plus précisément, sur notre rapport à la technologie. Ce n’est pas une révélation, Internet a bouleversé nos vies. Le moindre scoop, la moindre information, blague, personnalité se retrouve facebookée, retweetée, googlée, Tumblrisée, moquée parfois. Nous sommes tou-te-s connecté-e-s, mais parfois, on observe des dérives – la téléréalité, les enfants qui ne sont plus vraiment des enfants, comme Baby Scumbag, ou les récentes « fausses alertes au suspect » concernant l’attentat durant le marathon de Boston sont là pour nous le prouver.
Quelques angles abordés dans Black Mirror
Le pilote de Black Mirror, intitulé National Anthem, se passe dans un futur à portée de main, un futur si proche qu’il en devient presque le présent. La princesse de la famille royale anglaise est kidnappée par un-e inconnu-e qui promet de la tuer… sauf si le Premier Ministre accepte, le jour même, d’avoir des relations sexuelles avec une truie en direct à la télévision. Le/la coupable fait passer son message ainsi que l’enlèvement de la jeune femme via une vidéo YouTube : même si le gouvernement tente de l’effacer, rien n’y fait, le contenu devient viral.
On assiste ici à une réflexion sur la médiatisation de la vie politique, sur l’urgence induite par les réseaux sociaux
– une jeune femme travaillant dans une chaîne d’infos crie à son responsable, qui ne veut pas diffuser la vidéo : « Ma timeline consiste à 100% de tweets me demandant pourquoi on n’en parle pas », sur l’ambiguïté entre « tout cela est bien affreux » et « je vais regarder quand même, au cas où »… Et si c’était nous ?
Le troisième épisode de la saison 1, intitulé The Entire History Of You, se déroule dans un futur un poil plus lointain – quelques décennies, tout au plus – dans lequel les humains fortunés se font implanter une puce leur permettant d’enregistrer absolument tous leurs souvenirs et de les regarder à loisir, soit en surimpression sur leur vision, soit sur un écran. Pratique pour se souvenir de cette arrière-petite-cousine dont vous avez oublié le prénom, non
? Pratique aussi pour étudier encore et encore les drôles de regards que votre femme jette à un de ses amis… Impossible ici de ne pas faire un parallèle avec les lunettes connectées Google Glass, qui permettront très bientôt d’être en liaison constante avec Internet sans avoir à dégainer le moindre smartphone, et qui pourront capturer du contenu en un clignement d’oeil.
Enfin, le deuxième épisode de la seconde saison, le plus frappant à mon sens, White Bear. Une femme se réveille, amnésique, dans une petite ville anglaise typique où 90% des habitants la filment avec leurs smartphones pendant que 10% la pourchassent, vêtus de costumes et de masques cauchemardesques, dans le but évident de la tuer. Pourquoi donc ? Et au fait, qui est-elle ? A-t-elle vraiment tenté de se suicider, comme les marques sur ses poignets le laissent penser ? Et pourquoi, POURQUOI tout le monde la filme avec joie sans rien faire pour l’aider alors qu’un fou la poursuit, armé d’un fusil ?
Black Mirror, un pessimisme à relativiser
Black Mirror est pessimiste, c’est un fait. Mais la série ne pose pas la technologie comme coupable des mauvaises actions, simplement comme un filtre, un révélateur de l’espèce humaine – un « miroir noir », donc… Certains épisodes ne conviendront pas aux âmes sensibles, d’autres risquent de vous arracher quelques larmes, mais aucun ne vous laissera indifférent-e-s, c’est garanti.
Comme les oeuvres de George Orwell ou d’autres célèbres dystopies plus modernes, comme Fahrenheit 451 ou Hunger Games, Black Mirror alerte sur les dérives possibles de certaines technologies et attitudes en général. Loin de la condamnation, la série révèle en sous-texte une critique acerbe de l’humanité occidentale, riche et confortable, mais sans jamais rentrer dans le jugement ni dans la démesure. Car finalement, dans chaque épisode, on trouve une vraie résonance avec notre époque actuelle, qui encourage à y réfléchir à deux fois.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Je sais pas s'ils vont ellipser le passage critique (si vous voyez ce que je veux dire), mais je peux pas regarder ça en tout cas.