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Culture

Le binge watching de séries et nous

Le binge watching, cette nouvelle habitude de consommation, consiste à s’installer pour plusieurs heures avec une saison entière de série à dévorer plus vite qu’un paquet de Shocko-Bons. Mais d’où vient cette « addiction » ?

— Article initialement publié le 10 juin 2014

La semaine dernière, Netflix a dégainé la nouvelle saison d’Orange is the new Black et je dois bien vous avouer un truc : j’ai une nette tendance à « binge watcher », à enchaîner les épisodes les uns après les autres.

La perspective d’engloutir une dizaine d’épisodes en un temps record me à la fois fait frétiller d’avance et frémir d’angoisse : que vais-je sacrifier dans mon emploi du temps pour laisser de l’espace au binge watching ? Que vais-je devenir une fois que ce sera fini ? Est-ce que cette tendance est bien normale ?

En fait, le binge watching serait une pratique largement partagée : nous serions nombreux à « consommer » plusieurs épisodes d’une série (ou de séries différentes) sur un temps donné… À consommer « jusqu’à plus soif », comme si nous voulions en être ivres. Pourquoi ?

Nous regardons parce que… nous sommes des êtres empathiques

Commençons par le commencement : si nous pardonnons tout à Dexter, si nous kiffons Cersei (elle n’a pas eu une vie facile, faut dire), si nous sommes amoureux-ses de Selina Meyer (et de Gary), si nous sommes concernés par les problèmes des ados d’Awkward, ce serait à cause de cette foutue empathie.

Nous avons la capacité de reconnaître les sentiments des autres, et cette capacité nous permet d’adopter les perspectives psychologiques et les points de vue des autres, même si ces autres sont des personnages de fictions. Autrement dit, nous pouvons être absorbé-e-s par les histoires de ces personnages parce que nous nous y « connectons » émotionnellement.

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Un charmant jeune homme hyperventilant devant le cliffhanger de Sherlock saison 3

Il existe un tas d’autres hypothèses expliquant notre penchant pour les films et séries télé : ils nous permettraient de ressentir des émotions, auraient une fonction cathartique, seraient des parenthèses bienvenues dans nos quotidiens… En bref, nous avons une flopée de raisons pour apprécier les œuvres cinématographiques ou télévisuelles.

Mais qu’est-ce qui explique le « binge watching » ?

Nous avons donc des raisons d’aimer les séries – mais pourquoi enchaîner les épisodes ? Pour comprendre son propre succès et les mécanismes du binge watching, Netflix a enquêté et envoyé un anthropologue, Grant McCracken, à la rencontre d’adeptes de cette pratique.

Selon l’enquête menée par McCracken, 76% des gens expliquent que le « binging » leur permet de se plonger dans d’autres histoires et constitue un « refuge » dans leurs vies bien remplies. La plupart des personnes interrogées soulignent également que le « binge watching » leur permet de plus apprécier la série que lorsqu’ils regardent les épisodes de façon espacée.

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Une réaction normale et mesurée.

Pour l’anthropologue, tout compte fait, les séries nous apportent ce que l’on souhaite : des histoires longues qui nous permettent de nous immerger complètement dans un monde fictionnel différent de nos quotidiens.

De son côté, le psychologue Uri Hasson a une autre interprétation : notre capacité à avaler les épisodes serait liée à la bonne orchestration du produit télévisuel. Devant une série bien orchestrée, notre attention est happée par l’épisode.

Pour parvenir à cette suggestion, le chercheur a observé, par une technique d’imagerie cérébrale, les réponses des cerveaux de participants devant plusieurs vidéos. Hasson s’est alors aperçu que devant certaines vidéos, les cerveaux des participant-e-s réagissaient de la même manière.

Pour le chercheur, ces vidéos avaient une capacité de « contrôle »  sur notre attention (c’est-à-dire avaient la capacité à mener notre attention sur telle ou telle chose, permettaient de nous faire ressentir des émotions à tel ou tel moment). Plus la vidéo « contrôle », plus l’audience serait concentrée… Et plus nous aurions besoin de continuer à regarder ?

Mais lorsqu’on a tout, tout de suite, est-ce toujours aussi bon ?

J’ai envie de vous crier « OUI », mais il semblerait que la réponse soit un peu plus nuancée.

Pour le chercheur Greg Dillon, le « binge watching » nous rendrait moins réceptifs-ves aux émotions et aux idées développées dans un épisode : selon lui, les épisodes de séries contiennent tellement de hauts et de bas que lorsque nous en terminons un, nous sommes épuisés… et donc moins à même de recevoir les émotions de l’épisode suivant.

Personnellement, j’ai binge watché Game of Thrones et, comment dire, il est vrai que j’étais une espèce de serpillère émotionnelle en arrivant à la dernière saison.

À la manière d’un Zermati de la série, Dillon souligne l’importance de « savourer » la qualité d’un épisode : en enchaînant toute une saison, il serait difficile d’apprécier la qualité du contenu.

En les savourant un à un, nous pouvons permettre à l’expérience de s’approfondir, penser à l’épisode passé et à venir, apprécier l’attente de la prochaine étape…

Parfois, si nous lançons un autre épisode, c’est uniquement parce qu’il est là, sexy, disponible et plein de promesses.

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En 2013, Marsha Richins a publié un article centré sur une question similaire : « est-ce meilleur de vouloir que d’avoir ? » ; selon ses analyses, nous serions plus heureux lorsque nous rêvons à notre prochaine acquisition (un jouet, des chaussures, une console…) que lorsque nous l’avons achetée.

Une étude de Christopher Hsee parvient aux mêmes conclusions : les participant-e-s à son expérience se sont révélés plus heureux avant de manger une barre de KitKat, que pendant ou après.

Finalement, ce serait là que les psychologues distinguent l’aficionado de l’addict : le premier savoure… tandis que le second a juste besoin d’un fix. Pour Greg Dillon, toutes proportions gardées, nos relations aux séries peuvent parfois virer à l’addiction.

Pfff… la science est rabat-joie et le cœur de fan a ses raisons que la raison ne connaît pas, voilà ce que j’en dis (en toute bonne foi bien sûr) !

Pour aller plus loin…


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

12
Avatar de Barbe_Bleue
17 avril 2016 à 23h04
Barbe_Bleue
Mon avis sur le "binge watching" est partagé, je dirais que ça dépend des séries.
Il y a des séries comme Game Of Thrones où j'adore le fait d'avoir une semaine entre chaque épisode pour pouvoir, dans un premier temps, encaisser la mort de certains personnages (ou la célébrer) mais surtout parce que ça permet d'avoir de super sujets de discussion et débats jusqu'au prochain épisode ! Essayer d’imaginer la suite ou comment on aurait préféré qu'un événement se déroule c’est vraiment stimulant et puis pouvoir partagé tous ça avec ces amis autour d'un CROUS entre deux amphis c'est encore plus tip top !
Bien sûr à la fin de chaque épisode j'en redemande, surtout après de supers cliffhangers, mais bon suivre les séries sur leur rythme de passage US par exemple, ça permet aussi de mieux analyser les séries qui nous touchent le plus et puis aussi c'est cool de se dire que tous les vendredis soir, après une semaine de taff, ... et bien c'est l'heure de Grey's Anatomy et Orphan Black !
Mais bon j'avoue qu'une petite série en binge wathcing de temps en temps ça fait pas de mal Pour moi c'est surtout avec les séries humoristiques (Unbreakable Kimmy Schmidt pour ne citer qu'elle <3 ) ça détend un bon coup le dimanche et on peut repartir avec le sourire le lundi matin en chantant "Peeno noir" ^^
Mais je pense que les réseaux sociaux et la présence de plus en plus répétée de spoilers a aussi joué un petit rôle dans le développement du binge watching (avec l'arrivée de Netflix aussi ...) en regardant tous les épisode s à la suite, on a plus de chance de tout découvrir par soi-même.
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