Billy Brouillard fait partie de mes séries préférées. Un des bijoux de la collection Métamorphoses, une de ses histoires « pour enfants » qu’on lit avec plaisir, même quand on est grand !
Il y a le dessin de Guillaume Bianco, beau et plein de magie. L’attention qu’il porte aux milles petits détails qui font la richesse de son univers. Il y a son monde, fait de créatures étranges, tantôt effrayantes, tantôt réconfortantes. Et puis il y a les aventures de Billy. Car ce petit gars haut comme 3 pommes vit des histoires incroyables et fait preuve d’un courage et d’une inventivité à toute épreuve. Il peut braver le Croquemitaine, ou même la Mort, et sa réputation n’est plus à faire auprès des monstres qui croisent sa route. Billy Brouillard, c’est un savant mélange d’aventure, d’humour, de réflexions sur la vie, et de beaucoup de poésie. Guillaume Bianco a créé une série inclassable mais absolument géniale. Parfois BD, parfois livre illustré, l’histoire est également ponctuée d’extraits de L’Encyclopédie Curieuse et Bizarre de Cryptozoologie de Billy Brouillard qui nous en apprend un peu plus sur les êtres qui jalonnent les pages du livre.
Billy Brouillard est à la mer, quand soudain…
Dans ce troisième volume, Billy est en vacances au bord de la mer. Il y fait la rencontre de Prune et, s’il a beaucoup d’a priori sur les petites filles, il doit bien avouer que celle-ci est plutôt chouette. D’ailleurs elle n’est pas une simple fille, elle lui affirme être une sirène… Et quand elle va se retrouver en danger, il n’y a que lui qui sera en mesure de la sauver.
Guillaume Bianco a eu la gentillesse de répondre à mes questions pour la sortie de Billy Brouillard, le Chant des Sirènes.
Guillaume Bianco auteur de Billy Brouillard est en interview !
Peux-tu te présenter pour les lectrices de madmoiZelle qui ne te connaîtraient pas encore ?
Je m’appelle Guillaume, mais ma petite nièce me surnomme « Tonton Casquette ». Je fais de la bande dessinée car c’est le seul métier que j’ai trouvé qui me permettait de me me lever à l’heure que je souhaitais… J’habite dans le sud de la France. Mon plat préféré : les spaghetti au pesto. Voilà pour l’essentiel !
Comment raconterais-tu Billy Brouillard en quelques mots ? Et l’histoire de ce troisième tome en particulier ?
Billy Brouillard ne se raconte pas en quelques mots, mais se découvre au fil des pages, selon son propre rythme. Billy a environ 7 ou 8 ans, il est d’un naturel solitaire. Lorsqu’il ôte ses lunettes, sa vision de myope lui offre un regard trouble sur lequel viennent se greffer ses fantasmes, ses peurs, etc. Il voit le monde des morts, le monde obscur, celui des créatures de la nuit. Sa fantaisie est sans limite ! Un jour, il découvre le cadavre de son chat au fond du jardin. Il décide alors de partir à l’aventure durant une folle nuit, afin de retrouver l’âme de son chat, et de le délivrer des griffes de la Faucheuse… Il n’est pas au bout de ses surprises !
Comment est née l’idée de cette bande dessinée ?
D’un besoin d’être moi-même. Graphiquement, je me suis laissé porter afin de retrouver un dessin qui m’était plus naturel, un peu à la manière de ces fameux gribouillis que l’on fait tous lorsque l’on est au téléphone… Ils ne sont jamais très gracieux mais ont le mérite d’être « naturels » et de refléter un tant soit peu des morceaux de nous-même. J’ai voulu aborder le tabou de la mort. Ce thème dérange et déstabilise les parents lorsque les enfants curieux les questionnent à ce sujet. En parler de manière saine en désamorce la lourdeur, et atténue les angoisses et les fantasmes qui dérivent, selon moi, de trop de « non-dit ». La mort est naturelle, et fait partie de la vie. Il ne faut pas en avoir peur.
Qu’est ce qui t’a inspiré ce nom pour ton héros ?
Billy, c’est moi enfant. C’est le diminutif de « William », Guillaume en anglais. « Brouillard » évoque la brume, le mystère, l’hiver, l’automne… C’est également un mot très évocateur concernant sa myopie. Billy Brouillard fait de ce « handicap » un don : celui de « trouble-vue ».
Est-ce que tu lui ressemblais quand tu étais petit garçon ?
Oui ! J’avais un sparadrap sur le front , un tricot « super capuche » qui me permettait de voler, une petite soeur que je martyrisais, et un chat mort tout sec au fond de mon jardin. Tout comme Billy, je me suis posé des questions sur la mort dès l’âge de sept ans, tout comme lui j’ai cherché des réponses en me baladant dans un monde imaginaire…
Entre personnages de contes et anthropologie, les créatures que croisent Billy Brouillard pendant ses aventures ont toutes une histoire et des spécificités qui nous sont expliquées dans les pages de L’Encyclopédie Curieuse et Bizarre de Cryptozoologie de Billy Brouillard. Y a-t-il un gros travail de recherche en amont, ou tout sort-il de ton imagination ?Rien n’est inventé. Tout existe… Les vermicolles (des serpents à deux têtes) vivent au fond des ruisseaux, bien cachées sous les rochers. Vous ne me croyez pas ? Vous n’avez qu’à vérifier… mais prenez garde à leurs redoutables morsures ! Je n’ai jamais croisé de vampires, mais je sais qu’ils existent. Quant aux fantômes, je ne sais combien de fois j’ai pu converser avec eux lors de séances de spiritisme…
Chaque tome de Billy Brouillard mélange les genres. Tantôt BD, tantôt textes illustrés, on retrouve aussi des pages de bestiaire, des citations, des poèmes d’autres auteurs… Comment travailles-tu sur ces livres ? Réalises-tu d’abord un « squelette » ou cela se fait-il naturellement au fil de l’écriture ?
Je suis absolument et définitivement désorganisé. La BD est un outil, rien de plus. Seuls l’histoire et le sentiment que l’on éprouve à sa lecture comptent à mes yeux. Si j’ai utilisé plusieurs formes narratives (poèmes, bestiaires, etc.), c’est qu’elles servaient, à mon sens, mon propos avec plus de justesse. Tout cela est venu naturellement, au gré de mes envies… Il n’y a jamais vraiment eu de plan ou de calcul initial. J’essaye de me faire confiance et de me laisser porter. Si j’éprouve du plaisir, j’aime à penser que les lecteurs en éprouveront également en retour.
Billy ne se contente pas d’imaginer des aventures, elles semblent s’imposer à lui. Mais plus que d’être effrayé ou de s’en accommoder, il cherche surtout à comprendre, à expérimenter. Est-ce que pour toi l’imagination est un moteur pour grandir et apprendre, et pas seulement une échappatoire ?
Eric-Emmanuel Schmitt a dit dans l’un de ses livres : « L’imagination n’est pas un moyen de fuir la réalité, mais de l’enrichir ». Que pourrais-je ajouter à cela ? Tout est dit. Tous les artistes, les génies, les grands personnages qui ont tiré le genre humain vers le haut, ont un jour fait confiance à leur imaginaire. Tout est né d’une idée, d’une fantaisie. La tour Eiffel, un projet de société, Hey Jude des Beatles… tout vient d’un rêve, d’une idée, d’une « image pensée »… Il est regrettable que la société moderne ne fasse pas une part plus belle au développement de l’imagination des enfants. Trop souvent, en grandissant, les adultes renoncent à leur fantaisie. Quel dommage ! Un monde sans fantaisie est un monde mort, voire pire que mort.
Billy Brouillard est d’abord une série jeunesse qui aborde souvent et assez crûment le thème de la mort. C’est un sujet que les adultes évitent parfois d’aborder avec les enfants. Pourquoi avoir choisi d’en parler ?
J’en avais besoin. Je n’ai pas eu de réponse satisfaisante lorsque j’étais enfant. Lorsque je demandais : « C’est vrai qu’on va mourir ? », on me répondait nerveusement : « Oui, mais dans très longtemps »… Imaginez un peu les névroses que je me suis traîné pendant 30 ans ! Billy Brouillard ne prétend pas donner de réponse, mais simplement effacer des tabous. De nombreux lecteurs y ont trouvé du réconfort en se rendant compte qu’ils avaient les mêmes angoisses que Billy. Parlons-en avec humour, et dédramatisons ! Je ne pense pas que les thèmes de mes livres soient crus. Je parle juste de la mort, et de la vie, sans détour. Cessons de prendre les enfants pour des idiots… Le plus souvent, les plus peureux sont les parents, ce sont eux qui transmettent leur angoisse à leur progéniture.
Quel est le personnage pour qui tu as le plus d’affection ?
Tous mes personnages sont une partie de moi. Il est impossible de choisir. Je ne me suis d’ailleurs jamais posé la question…
Dans ce tome, Billy Brouillard fait de nombreuses découvertes sur les filles. Sont-elles des créatures plus mystérieuses encore que tous les monstres qu’il a déjà rencontré ?
Les filles ont le pouvoir de séduction. Elles attachent des trucs à leurs oreilles, se mettent du parfum dans le cou, des fleurs dans les cheveux, elles n’aiment pas les pantalons et préfèrent les robes… C’est super bizarre vous ne trouvez pas ? Elles ne savent pas se battre, mais elles sont capables de vous détruire de l’intérieur en vous brisant le coeur, juste avec quelques mots dont elles ont le secret ! Billy Brouillard n’a jamais croisé de créatures plus redoutables…
Ceci étant, les filles sont stimulantes et essentielles. Leur sensibilité est sans limite, elles sont bien plus à l’écoute de leur sentiments et leurs sens sont extrêmement affûtés. Nombreux sont les misogynes qui se plaisent à scander qu’il y a bien plus de « grands hommes » (médecins, artistes, chercheurs…) qui ont fait avancer le monde, plutôt que de « grandes femmes »… Ils oublient cependant que derrière chaque « grand homme » se cache toujours une femme, dans l’ombre, qui stimule, conseille, avise, réconforte, inspire et oriente. Dans ce troisième opus, Le chant des sirènes, la petite Prune aura un rôle déterminant concernant l’évolution de Billy Brouillard. Il ne pourrait en être autrement.
– Acheter Billy Brouillard, Tome 3 : Le chant des sirènes sur Amazon (ou chez votre libraire préféré !)
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires