2020 a commencé sur les chapeaux de roue avec une pandémie mondiale.
Pandémie mondiale.
C’est étrange, ce silence qui entoure cette association de mots. Le monde s’arrête et la dévisage, avec surprise et horreur. Tout ce temps, nous pensions être invincibles, et voilà que nous sommes de nouveau tous petits. On avait comme qui dirait « un peu pris la conf », à tel point que tout ça me semblait impossible, irréel.
Ma première réaction fut de ne pas prendre ces mots au sérieux. Je préférais cette association rassurante : « juste une grosse grippe ».
Mon déni total et moi nous sommes rendus chez mes parents ce jeudi-là, pour leur rendre visite le temps d’un weekend.
Ce même jeudi où tout a basculé, et où j’ai reçu une mission importante à remplir : rester chez moi. C’est simple non ? Non, mais c’est plus simple que de risquer sa vie pour soigner des gens, pour nourrir le monde, pour continuer de le faire tourner alors que tout semble s’écrouler.
Non, ce n’est pas simple de rester chez soi quand on a des projets plein la tête, un appartement trop petit pour toute la famille, quand on n’a pas de job pour subsister et personne à qui parler, ou parfois pire : quand des gens malveillants sont enfermés avec nous.
Mais moi, j’ai le luxe d’avoir pu transformer ce confinement en une chance. Une chance de repartir à la conquête de moi-même, de ralentir, de réfléchir.
Le début du confinement, synonyme de rupture et chaos
Cette chance de pouvoir considérer le confinement comme une chance, je ne l’ai pas reconnue tout de suite. Je suis passée par de nombreuses étapes psychologiques, et je crois aujourd’hui être en phase d’acceptation et d’apaisement.
Mais le début fut synonyme de panique, d’effondrement et d’angoisses.
Je ressentais une profonde impuissance de ne rien pouvoir faire pour améliorer la situation à part : rester chez moi.
Et de ma fenêtre je voyais mes projets de voyage tant attendus voler en éclat, j’essuyais les ruptures en tous genres à distance, et si l’extérieur me faisait faux bond, à l’intérieur, c’était aussi la crise.
En clair, le début de mon confinement s’est révélé un véritable chaos.
J’ai poncé les infos, j’ai cru mes amis qui connaissaient quelqu’un qui connaissait quelqu’un, j’ai paniqué avec la Terre entière en brassant de l’air. Mais après quelques temps, l’état d’alerte est passé, il a fallu que je revienne à un quotidien.
Et dans mon quotidien, il n’y avait qu’une chose : moi. La personne qui m’effraie le plus au monde, celle dont je ne supporte pas la présence et que j’évite tant que possible, celle que je classe toujours en dernier dans mes priorités parce qu’elle me semble peu importante.
J’allais donc devoir passer des mois avec seulement moi.
Un confinement à la conquête de la solitude
Je ne sais pas si je peux vraiment appeler ça « avoir le nez creux », mais j’avais déjà prévu cet été de partir pour la première fois en solo à Barcelone, comme je l’expliquais dans cet épisode de Laisse-moi kiffer.
Moi qui voulais profiter de ma propre compagnie, je suis subitement passée de trois jours à regarder la mer, à plusieurs semaines à mater l’immeuble d’en face.
Un retournement de situation audacieux pour lequel je n’étais pas du tout préparée.
Mais si j’avais décidé de partir en vacances solo, c’est pour une bonne raison. Je suis très rarement seule au sens propre du terme puisque j’ai des copains à foison et des amis solides avec qui je passe le plus clair de mon temps libre.
Le seul truc, c’est que je suis célibataire, un statut en voie de disparition chez mes amis, qui devient de plus en plus difficile à assumer dans une société qui fait du couple la norme.
Comme mes réserves de potes célibataires s’amenuisent et que les autres partent souvent en duo, je m’étais dit qu’il fallait que je m’habitue à ma propre présence en vacances.
Déjà pour avoir la liberté de partir où je veux sans avoir à organiser une colonie avec 56 amis aux goûts et aux agendas différents, mais aussi parce que si je décide de me choisir, il me faut assumer de me supporter seule.
Alors quand la question « avec qui tu te confines ? » s’est posée, tout le monde était très inquiet pour moi quand j’ai décidé de répondre : « mon chat ».
Normal, moi aussi j’étais inquiète.
Mais j’avais envie que ce confinement soit un challenge à relever, j’avais envie d’en sortir grandie.
Je te passe les détails joyeux de mes nuits agitées à penser au Covid, au capitalisme et à la mort, mais le fait est que cette solitude forcée a payé.
Si je m’étais confinée avec mes proches, je n’aurais jamais pu me faire face.
Me regarder, me détailler, faire mon bilan. Choses que d’habitude j’évite de faire à tout prix puisqu’au moindre weekend passé en tête-à-tête avec mes murs, je pénètre l’infernale spirale du seum.
Mais j’ai découvert que le seum n’était pas une spirale mais bien un chemin qu’il est possible de rebrousser. Et c’est tout à fait possible d’exister et de m’apprécier sans les autres. Dingue !
Je me suis posé plein de questions, et le seul avis qui comptait était le mien. Ça m’a fait un bien fou.
Un confinement à la conquête du silence
Le truc avec la solitude, c’est qu’elle ramène toujours son meilleur pote, le silence, même quand tu ne l’as pas invité.
J’ai tenté de le maintenir sur le seuil, en mettant la musique à fond pendant mes douches, en scrollant dans le vide sur Instagram, en mangeant devant des séries qui ne m’intéressaient pas forcément, en faisant des Skypéros sans avoir rien à dire de spécial, en écoutant des podcasts pour m’endormir, juste pour tenir le silence à distance.
Mais inévitablement, le matin et le soir, il s’incrustait.
Alors comme je commençais à accepter ma solitude, j’ai aussi décidé de laisser entrer le silence.
Et j’ai eu peur, car je sais qu’un cerveau d’Alix non-sollicité se transforme rapidement en turbine à seum ultra-véloce.
Mais encore une fois, je me suis surprise à dépasser cette étape et profiter du silence.
Et dis-toi que maintenant, j’en redemande !
Désormais, je m’interdis d’allumer mon téléphone le matin avant d’avoir contemplé mon plafond ou écrit quelques pages en silence. Et j’ai découvert que mon voisin du dessus était pianiste professionnel. Fou !
Je crois que mon cerveau kiffe bien ces temps off auxquels il n’avais jamais eu accès puisque je dormais avec mon téléphone et mon ordinateur SUR MON LIT.
Maintenant, je les entrepose sur ma table de chevet flambant neuve pour respecter la distanciation sociale dont mon cerveau a aussi besoin.
Un confinement à la conquête de mon temps
Si d’aventure, lectrice, tu rencontrais l’un ou l’une de mes proches, tous te diraient la même chose de moi : je n’ai jamais le temps de rien.
Je passe ma vie à jongler entre différents projets, différents groupes de potes, j’ai un agenda booké jusqu’en 2022, et la dernière personne pour laquelle j’ai le temps, c’est moi.
En effet, tu l’auras peut-être compris, je souffre d’une FOMO aiguë
.
FOMO est un acronyme pour désigner la Fear Of Missing Out, la peur de manquer des choses, d’être mise à l’écart.
Ma devise ? Dire oui à tout et tout le monde. Ça m’apporte beaucoup de belles choses, d’expériences inoubliables, mais ça me pompe aussi mon temps et mon énergie.
Me poser pour prendre soin de moi ? Quel intérêt ? Quelle perte de temps ! T’imagines tout ce que j’aurais pu faire concrètement en attendant ?
Mais ce confinement a débarqué avec une notion du temps toute relative.
Il est comme suspendu. Personne ne fait plus rien. Plus aucune distraction extérieure ne survient.
Alors j’ai appris à prendre et à perdre mon temps.
J’ai pris le temps de me découvrir et de comprendre comment prendre soin de moi, j’ai appris à me faire du bien, à organiser mes pensées, j’ai déterré d’anciennes passions.
Et j’ai aussi perdu mon temps des après-midi entières à ne rien faire, à ne pas créer, à m’ennuyer parfois même, sans culpabiliser. Pour cela, j’ai rédigé une liste de toutes les choses que je m’autorise en confinement, une liste que je ne dois absolument pas terminer et qui n’est en aucun cas hiérarchique. Sur cette liste, je me suis tout permis, de la télé-réalité au MOOC sur l’art contemporain en passant par le bronzage à ma fenêtre.
J’ai compris que certaines choses prennent du temps, et que mon impatience m’avait empêchée de les réaliser.
Un confinement à la reconquête de mon corps
Dans ma course infernale au temps, j’oubliais toujours de ménager et d’aménager mon corps. Il m’arrivait même de le maltraiter.
En confinement solitaire, personne ne me voit, à part moi. Mon corps m’appartient donc totalement.
Encore une fois je me suis surprise à savoir en prendre soin et à l’écouter.
J’ai vu voler mes soutifs, j’ai observé mes poils pousser sur mes jambes, ma peau acnéique s’aérer et se libérer des couches des fond de teint que je lui imposais, j’ai laissé mes cheveux et leur sébum faire leur vie.
Mais je me suis aussi habillée, maquillée et épilée quand j’en avais envie, et j’ai même réussi à reprendre le sport.
J’ai pris le temps de me regarder avec un œil plus sympathique. Je me suis même essayée aux nudes (dont j’étais seule spectatrice) et en regardant le résultat, je me suis exclamée :
Wow, eh, pas mal cette petite go, c’est quoi son numéro ?
Je ne me pensais pas capable de prendre soin de ce corps avec qui j’ai une relation souvent difficile. Mais ma solitude, le silence et le temps ont été mes alliés pour savoir l’écouter et lui faire à manger, matin, midi et soir.
Et ce fameux « laisser aller » que certains voudraient m’interdire a été en réalité une véritable reprise de contrôle sur mon propre corps.
Un déconfinement vers la reconquête des autres
Le 11 mai commence le « déconfinement progressif ». Je ne le vois pas du tout comme un retour à la vie d’avant, et je pense qu’il serait très dangereux de le penser ainsi. D’ailleurs, je vais encore rester chez moi un bon bout de temps, et mon excursion à Barcelone cet été est définitivement annulée.
Mais c’est tout de même un premier pas de retour vers les autres.
J’espère que la solitude, le silence, le temps et mon corps, tous ces Pokémon que j’ai enfin attrapés, m’aideront à surmonter ce qui arrive.
J’espère aussi que ces observations nombrilistes de confinée que j’ai la chance d’avoir faites me donneront des bases pour mieux aider et apprécier les autres.
En tout cas, si je fais le bilan, je crois que je peux dire avec certitude qu’en ralentissant un peu, j’ai grandi deux fois plus vite. Aujourd’hui, l’inconnu me fait moins peur, car je me sens adaptable.
J’ai découvert que je suis pleine de surprises et de ressources, et que je suis prête à les mettre au service du monde de demain. Parce que je ne pense pas que nous soyons au bout de nos surprises.
Et toi lectrice, quel bilan dresses-tu de ton confinement ?
À lire aussi : Toi aussi, tu rêves bizarrement pendant le confinement ?
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
Pour une fois, je ne culpabilise pas si j’ai rien fait de productif car pour moi ça fait parti du soin de soi. J’aime les trucs du style cuisiner ou faire du yoga mais faire mon pain par exemple doit rester un plaisir pas une injonction.
J’apprécie énormément le silence et j’aimerais parfois, à titre personnel, qu’il dure plus longtemps ce confinement.