Publié le 17 février 2015
La bibliothèque. Sans doute êtes-vous déjà passé•e devant sans la remarquer, ou peut-être la fréquentez-vous pour vos études, sans imaginer tout ce qu’elle contient…
En ce qui me concerne, comme beaucoup d’enfants j’ai beaucoup fréquenté la bibliothèque de la ville où habitent mes parents, puis je l’ai boudée à l’adolescence et n’y ai plus mis les pieds entre 13 et 20 ans. J’étais loin de m’imaginer que je deviendrai bibliothécaire…
Être passionnée de livres et travailler en bibliothèque
J’étais une passionnée de lecture, et plus généralement de culture, mais elle me semblait trop petite et régie par des personnes donnant peu envie de venir…
Je fréquentais cependant le CDI de mon collège qui était très cool, même si gardé par un dragon. Cependant, au lycée, alors que je me cherchais une vocation impliquant un travail avec la littérature, je me suis découvert une passion étrange pour les bibliothèques dont je ne m’explique pas les origines et… qui ne m’a plus quittée !
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Travailler en bibliothèque : loin des stéréotypes
J’ai fait une licence de Lettres modernes effectuée pour les deux premières années en prépa et pour la troisième à l’étranger en Érasmus.
Mes deux stages en bibliothèque
À l’issue de la deuxième année, j’ai postulé pour un stage d’observation dans cette fameuse bibliothèque ringarde, chez mes parents !
Elles montaient des expositions, faisaient des visites de crèches, de maisons de retraite, participaient à des clubs, etc.
Ils m’ont accueillie très chaleureusement, et j’ai découvert un personnel composé de sept personnes charmantes, exclusivement féminin et très dynamique malgré le peu de moyens qu’octroyait la mairie (un budget chaque année plus ténu) : elles montaient des expositions, faisaient des visites de crèches, de maisons de retraite, participaient à des clubs, etc.
Un autre stage suivit à l’issue de ma licence dans une bibliothèque de taille moyenne, qui venait d’être refaite et servait de vitrine pour les élus locaux — lesquels n’avaient cependant pas jugé utile de recruter en agrandissant l’établissement.
Le personnel, composé de treize bibliothécaires, croulait donc sous le travail, d’autant qu’il y avait beaucoup d’absentéisme, et des absences plus « légitimes » (longues maladies, etc.) ; ils m’ont donc vue arriver comme le messie (« Bonjour, je suis là pour apprendre, pouvez-vous me donner du travail que j’effectuerai gratuitement ? ») et ont fait en sorte de me montrer d’autres aspects des bibliothèques, plus administratifs, portant sur le circuit du document.
Direction la spécialisation !
J’ai ensuite décidé de sortir des études générales (que je reprendrai un jour avec bonheur !) pour me spécialiser vers les bibliothèques.
Pendant mon master 1 d’information-communication option bibliothèques, j’ai acquis un bagage bibliothéconomique (comprenez économie des bibliothèques, soit leur univers) et informatique, et j’ai fait un stage dans une grande bibliothèque municipale autour de la poésie.
Pour finir, j’ai désiré approfondir les aspects informatiques (indispensables !) et ai effectué un master 2 d’informatique documentaire : ma spécialité est devenue la recherche systématisée d’information, qu’on appelle la veille.
Cela m’a permis de décrocher un stage dans une bibliothèque universitaire de langues.
Premier job en bibliothèque et fin d’études
Parallèlement à ces études, j’ai travaillé comme vacataire dans une petite bibliothèque universitaire et dans la grande bibliothèque municipale où j’avais fait mon stage de master 1.
J’ai fini mon master 2 en septembre, et ai actuellement un petit CDD à temps partiel en bibliothèque universitaire en plus d’un job de vacataire dans une bibliothèque municipale.
Je prépare les concours en parallèle.
Je vais passer ceux de bibliothécaire et conservateur d’État, mais aussi bibliothécaire et conservateur territorial (avec une préférence pour les deux premiers).
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Le parcours professionnel pour travailler en bibliothèque
On risque de me contredire, mais en ce qui me concerne je ne suis pas sûre qu’il existe LA formation parfaite pour devenir bibliothécaire.
Devenir bibliothécaire : quelle formation ?
Certes, les DUT métiers du livre sont la voie la plus empruntée et la plus proche du monde des bibliothèques ; les études de Lettres donnent plus de culture littéraire ; les études en documentation préparent mieux aux enjeux techniques ; l’ENSSIB (L’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) est la voie royale…
Je constate que souvent, chaque formation trouve les autres inadaptées (corporatisme, corporatisme !).
Je pense qu’elles ont toutes leurs avantages et leurs défauts, et qu’elles doivent surtout être suivies en connaissance de cause : est-ce que je souhaite aborder des aspects numériques ? Est-ce que je souhaite occuper un poste à responsabilités ? Est-ce que je préfère les bibliothèques municipales, universitaires, les centres de documentation ? Finalement, je crois que tout cela tient moins à la formation qu’à ce qu’on en fait, et aux stages effectués.
La fonction publique et le métier de bibliothécaire
Pour vous expliquer aussi rapidement que possible le fonctionnement, il faut vous parler (encore plus rapidement) de la fonction publique. En effet, la plupart des bibliothèques dépendent de l’État à plusieurs niveaux :
- les bibliothèques municipales sont gérées par les collectivités et font donc partie de la fonction publique territoriale
- les bibliothèques universitaires et les grands établissements (Bibliothèque nationale de France, etc.) dépendent du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et font donc partie de la fonction publique d’État.
Cela correspond à des réalités différentes, des publics différents, des politiques différentes.
Souvent, les municipaux méprisent les universitaires en disant qu’ils achètent des livres barbants destinés aux profs ; en retour, les universitaires considèrent que les municipaux sont démagogues et achètent surtout les mémoires de Loana, quand ce ne sont pas celles de Valérie Trierweiler…
Ce sont pourtant deux mondes parallèles qui ont en commun l’amour de la culture et du document.
Car le livre n’est pas l’unique support acquis : vous y trouverez aussi des revues, CD, DVD, CD-Roms… De nombreux autres services que le prêt sont proposés : vous pouvez souvent aller sur Internet grâce à des postes dédiés, accéder aux abonnements numériques de l’établissement, louer des salles, des pianos, jouer à des jeux vidéo, obtenir l’aide exclusive d’un bibliothécaire pendant un temps défini pour faire des recherches, partager et échanger des graines (ça s’appelle une grainothèque !), etc.
Bien plus que des livres en bibliothèque
Le terme « bibliothèque » est d’ailleurs maintenant un peu obsolète : lorsqu’on peut emprunter autre chose que des livres, on parler de « médiathèque » (pour les autres médias).
Aimer les livres, la musique, le cinéma, n’est d’ailleurs pas du tout un prérequis pour y travailler, le plus important est d’avoir foi en la culture et d’aimer avoir affaire au public. Cela aide cependant d’avoir une passion : elle rend son travail génial.
Cela peut aussi desservir de ne pas en avoir, même si le principal perdant sera l’usager (celui qui fréquente la bibliothèque).
Par exemple, travaillant sur la poésie dans une grande bibliothèque, je me suis rendue compte que si le fond était très fourni et intéressant, et qu’il y avait plus de monde qui en empruntait qu’on ne le pensait, le personnel s’y connaissait peu dans le domaine et ne cherchait pas à le mettre en valeur.
En revanche, il y avait des passionnés de bande dessinée ou de policier, et comme ce sont les documents les plus demandés, certains estimaient qu’il valait mieux les mettre en valeur, parce que « tout le monde s’en fout de la poésie » (sic). Eh oui, la loi du chiffre (soit du nombre d’emprunts) règne aussi parfois en bibliothèque…
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Travailler en bibliothèque en quoi ça consiste exactement ?
L’image des bibliothèques n’est pas toujours reluisante.
Si le libraire est estimé car il incarne le professionnel du livre, le ou la bibliothécaire est au contraire dans l’imaginaire collectif une femme un peu trop mûre, avec des lunettes, acariâtre, qui préférerait que « ses » livres ne soient pas abîmés, quitte à ne pas être empruntés…
Il y a du vrai dans cela.
Beaucoup de personnes travaillent en bibliothèque après une reconversion, une crise de la quarantaine ou un reclassement — c’est-à-dire qu’ils étaient fonctionnaires dans un service qui a été fermé, et qu’il a fallu les mettre quelque part. « Qu’est-ce que vous aimez faire dans la vie ? » demande le DRH. « Eh bien, il se trouve que j’aime bien les livres et… » « PARFAIT ! J’ai une place pour vous à la bibliothèque ! ».
Travailler en bibliothèque c’est aussi accueillir le public
Mais finalement beaucoup font bien leur travail, car une grande partie s’effectue à l’accueil avec les usagers, qui posent surtout des questions ne concernant absolument pas la culture.
Du genre « J’arrive pas à faire une photocopie », « Je n’arrive pas à emprunter à la machine », « Est-ce que vous avez des films érotiques ? », « Je ne trouve pas ce livre », « Pourquoi est-ce que l’ordinateur ne marche plus ? », « Où sont les toilettes ? », « J’ai un problème avec mon inscription ».
Le tout est d’être poli•e, patient•e, attentif•ve, de savoir orienter vers la bonne personne lorsqu’on ne peut pas répondre à la question ou résoudre le problème, et ne pas se laisser démonter…
Comment puis-je vous aider médème ?
On se fait en effet parfois prendre à partie et certain•es ne manquent pas de faire remarquer que nous, les fonctionnaires, nous ne faisons rien de nos journées, qu’être bibliothécaire c’est sympathique comme métier : on passe notre temps à lire et à se raconter nos RTT.
Une fois, je me suis fait traiter de raciste par un usager qui s’est offusqué que je lui demande – poliment – d’essuyer son document qui avait été trempé par la pluie (il s’en était servi comme parapluie).
Les missions et le personnel en bibliothèque
Il y a trois sortes de travaux en bibliothèque :
- les agents (catégorie C dans la fonction publique) font surtout de l’accueil et de l’équipement (comme plastifier les documents)
- les adjoints (catégorie B) achètent et entrent dans la base de données les documents
- les bibliothécaires et conservateurs (catégorie A) montent les projets, gèrent la politique documentaire (comme l’orientation des achats), dirigent l’établissement et les ressources humaines.
Chaque corps est accessible grâce à des concours très courus et difficiles à obtenir mais qui n’ont pas les mêmes objectifs : les A ont un travail plus administratif et managérial, les B travaillent sur le document et son parcours (de la commande au rangement en rayon), les C sont plus en contact avec le public.
Une partie des bibliothécaires n’est pas fonctionnaire et est donc contractuelle : dans tous les cas de figure, si la place en bibliothèque a très peu de chance d’être supprimée, le salaire n’est pas très haut. En bibliothèque universitaire, les primes de certains cachent à peine qu’ils ne touchent pas le SMIC et enchaînent les CDD ultra-précaires.
Le monde des bibliothèques est pourtant très dynamique, composé de nombreuses expériences et initiatives.
Les Anglo-Saxons sont dans ce domaine bien plus avancés que nous, mais la synergie du milieu fait beaucoup évoluer les pratiques : travailler en bibliothèque c’est beaucoup plus que ranger des documents poussiéreux, c’est aider une personne à accéder à un service, une information.
Travailler en bibliothèque : un métier humain
Il y a aussi en bibliothèques des bagarres, des agressions, des déséquilibrés mentaux ; de plus en plus de gens viennent pour dormir dans les fauteuils.
Dans ces moments-là, il faut se rappeler cette petite anecdote salutaire : je crois que c’était Claude Pompidou qui, comme on lui faisait remarquer que des SDF venaient à la bibliothèque du Centre Pompidou (BPI) pour aller sur Internet, avait répondu « Et alors ? ».
Merci Mme Pompidou, le droit à la culture s’applique à tous, et travailler en bibliothèque met à l’épreuve et conforte cette conviction.
On est donc directement confronté à la réalité de la société, touchant l’humain au plus près.
On est donc directement confronté à la réalité de la société, touchant l’humain au plus près.
La plupart des usagers sont polis et enthousiastes et on fait parfois d’extraordinaires rencontres : une personne qui a les mêmes goûts que vous et avec qui vous discutez pendant une demi-heure, un aveugle tellement content de vous côtoyer qu’il vous raconte pendant une heure son ancien métier de pilote, un petit L1 complètement perdu qu’on rassure et oriente dans la jungle de la fac en octobre…
Par mon travail actuel et celui que j’effectuerai sur mon poste après avoir réussi un concours, j’espère devenir actrice de ces évolutions constantes et faire partager aux autres mon amour de la culture et ma conviction qu’elle peut changer le monde !
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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