Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe par certains aspects ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur rapport à l’argent et de leur organisation financière en couple ou en solo. Aujourd’hui, c’est Bianca qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Bianca
- Âge : 25 ans
- Métier : Ingénieure en recherche et développement dans une PME
- Salaire brut : 6 000 francs suisses par mois, soit 5 538 €
- Lieu de vie : Un appartement de 3,5 pièces dont elle est propriétaire, dans le Valais en Suisse
Les revenus et dépenses de Bianca nous ont été transmis en Francs suisse, et ont été convertis en euros pour la rédaction de l’article.
Les revenus de Bianca
Bianca est ingénieure en recherche et développement dans une PME de sa Suisse natale. À ce poste, elle touche 6 000 francs suisses chaque mois, ce qui représente 5 538 €. Un salaire qui n’est pas aussi élevé que celui de ses pairs :
« Lorsque je parle de mon salaire à d’anciens camarades de promo, je me rends compte que j’aurais pu gagner plus à la sortie de mon master. Mais je pense que c’est en partie lié à mon entreprise, qui est une PME dans une région qui n’est pas un pôle technologique. Ils n’ont pas besoin d’ « attirer » les talents et au sein de l’entreprise je fais partie des cadres, donc des hauts salaires.
Pour autant, elle estime que son salaire est trop élevé et qu’il reflète des injustices :
« Selon moi, je suis trop payée. Dans ma petite entreprise, des opérateurs et opératrices sont payés bien moins que moi, et je ne trouve pas ça très normal. Certes, ils n’ont pas de formation, mais pouvoir se former est une chance à laquelle j’ai eu droit… Ce n’est pas si logique que ça, que je puisse recevoir un salaire bien plus élevé. Dans le cadre bienveillant de mon entreprise, je ne suis pas sous pression et on ne peut pas non plus justifier cette différence de salaire par de plus hautes responsabilités.
Je me pose pas mal de question quant à ces inégalités salariales. Je n’en ai jamais parlé, mais lors de mon prochain entretien avec le RH et mon patron, j’aimerais aborder le sujet (et par exemple leur dire que je n’ai pas spécialement l’envie d’une augmentation).
L’organisation financière de Bianca
Pour gérer son budget mensuel, Bianca a une organisation précise qui implique plusieurs comptes bancaires, avec ou sans carte de débit.
« J’ai un compte classique qui me sert à payer mon crédit, mes factures, mes assurances… En gros, tout ce qui a un montant fixe. Tout est payé par virement ou prélèvement, et je n’ai pas de carte de débit pour ce compte.
Ensuite, j’ai un compte dans une banque en ligne sur lequel je mets le montant que je choisis pour mes loisirs. Là, j’ai une CB dédiée et je me tiens à la somme prévue.
Enfin, j’ai un compte épargne pour mes économies.
Les frais fixes de Bianca
L’ingénieure est propriétaire de son logement, et celui-ci représente une large part de ses dépenses chaque mois. Elle a en effet contracté un crédit pour régler les 450 000 francs suisses (444 615 € environ) que coûtait son 3,5 pièce dans le canton du Valais.
« Quand mes parents étaient plus jeunes, mes grands-parents leur ont fait don du terrain sur lequel construire leur maison ainsi qu’une certaine somme pour les aider. Cela se faisait beaucoup à l’époque, et ils ont voulu offrir la même opportunité à mon frère et à moi.
Pour faire une demande de prêt en Suisse, il faut avoir 20% de fonds propres. Mes parents m’ont donc fait don de 100 000 francs suisses en avance d’hoirie – une forme d’avance sur héritage. J’avais quelques économies qui m’ont servi à payer les frais de notaire, et j’ai ainsi pu acheter mon appartement six mois après être entrée dans la vie active. »
Chaque mois, elle rembourse 617 € pour le coût de son logement, ainsi que 296 € qui correspondent selon ses calculs aux intérêts de la banque pour son prêt. À cela s’ajoutent 194 € de factures qui comprennent l’électricité, l’eau, le chauffage, mais aussi les charges d’entretien de son immeuble.
Parmi ses frais fixes, on compte aussi un peu moins de 60 € de prélèvements pour son abonnement téléphonique avec internet illimité, et sa redevance radio et tv lissée sur l’année, ainsi que 248 € d’assurance maladie.
Enfin, elle paie 790 € (800 francs suisses) d’impôts chaque mois, une somme qui rassemble ses impôts directs fédéraux, cantonaux et communaux. Étant actuellement endettée pour son logement, elle n’est imposée que sur son salaire et non sur son bien. Si cette somme peut sembler élevée à la lecture, elle la paie avec plaisir et explique :
« Je paie avec plaisir mes impôts et mes assurances : si j’ai une bonne situation financière, alors je dois participer à la collectivité. Je ne voudrais jamais essayer de déduire des frais ou bénéficier d’aides, d’autres sont bien plus en droit d’en bénéficier. »
En tout, c’est donc 2 235 francs suisse soit 2 207 € mensuels qui composent ses frais fixes.
Des dépenses variables peu élevées
Les courses alimentaires de Bianca lui coûtent 436 € toutes les quatre semaines.
Pour se faire plaisir, elle place chaque mois 291 € sur son compte spécial loisirs. Cette somme lui sert principalement à profiter de restaurants réguliers ou de sorties dans des bars avec ses amis, ainsi qu’à offrir des cadeaux. « Si je n’ai pas tout dépensé en fin de mois, je verse le restant à des associations », précise-t-elle ».
Son budget vêtements est d’environ 30 € et elle confie en riant avoir « un peu la flemme » d’y accorder beaucoup de temps et d’énergie.
Côté vacances ou voyages, Bianca est aussi économe :
« Je suis scout, et je participe à beaucoup d’évènements et de voyages bénévolement pendant mes vacances. Cela me donne la chance de pouvoir voyager gratuitement, en échange de mon temps ! Les scouts prennent beaucoup de place dans ma vie, et j’aime beaucoup y passer du temps. »
À l’année, ses déplacements lui coûtent en moyenne 100 € par mois :
« Je me déplace uniquement à vélo (mon travail est à cinq minutes de mon appartement) et en train quand j’ai besoin. Je « loue » la voiture de mes parents quand j’en ai besoin. »
Enfin, elle fait environ 100 € de dons à des associations chaque mois.
« Je suis consciente de ma chance, et je me sens responsable de ne pas la gâcher »
Bianca raconte avoir un rapport très sain et prudent à l’argent, hérité de ses parents et de l’éducation qu’ils lui ont transmise :
« Mes parents ont une situation financière saine. Grâce à eux, je suis consciente de l’immense chance d’avoir suffisamment d’argent pour me loger, me nourrir et me vêtir.
Je ne me sens pas coupable d’avoir cette chance, par contre, je me sens responsable de ne pas la gâcher. Dans ma famille, nous avons toujours vécu en dessous de nos moyens : pas de voiture neuve, des vacances en France et pas à l’autre bout du monde, des loisirs simples, pas de marque ni de console… Grâce à ça, mes parents ont pu mettre beaucoup de côté et avoir de quoi être à l’abri des imprévus. »
Aujourd’hui, elle reproduit donc le même schéma et cherche avant tout à dépenser avec raison :
« Je mets tout ce que je peux de côté et je réfléchis à deux fois avant de faire un achat. Ce n’est pas parce que je peux me le permettre que je le veux… Mais je sais que c’est une chance de pouvoir avoir ce rapport à ma consommation. Je peux voir l’argent comme accessoire parce que j’en ai en suffisance. Il est plus facile de se sortir du moule de notre société de la surconsommation si on est parfaitement taillée pour y entrer… »
De manière générale, le budget de Bianca subit rarement des « craquages », et elle sait que certaines dépenses qui semblent superflues peuvent quand même être nécessaires :
« Je pourrais diminuer le poste des repas livrés chez moi, aussi par conscience écologique, mais parfois, ça me permet vraiment de décompresser. Donc je ne me mets pas la pression là-dessus.
Mon dernier craquage est un cadeau d’un week-end en chambre d’hôte pour l’anniversaire de ma meilleure amie ».
Des économies et un projet de reconversion
Chaque mois, Bianca économise donc 2691 €. Elle en place environ 600 sur un pilier 3A, fonds de prévoyance pour la retraite qui ne peut pas être touché. Elle économise aussi environ 100 € au cas où il faudrait faire des travaux dans l’immeuble dans lequel elle réside.
« Le reste va sur un compte épargne. Il n’a pas de taux très intéressant, mais il est « intouchable » dans mon esprit. Je n’y pioche que si j’ai un gros achat à faire (machine à laver…). »
Ces économies devraient lui servir assez rapidement, pour un projet de reconversion professionnelle qui fait écho à ses questionnements autour de l’argent :
« En tant qu’ingénieure, j’ai un bon salaire, mais j’ai l’impression que je n’apporte pas grand-chose à la société… J’aimerais me reconvertir, et commencer une formation dans le milieu du social, et j’aurai besoin de mes économies pour financer cette période ! »
Merci à Bianca d’avoir répondu à nos questions !
Si jamais vous souhaitez commenter cet article, rappelez-vous qu’une vraie personne est susceptible de vous lire, merci donc de faire preuve de bienveillance et d’éviter les jugements.
Crédit photo : Igor Lypnytskyi / unsplash
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Les Commentaires
Elle paraît accorder une grande importance à la question des inégalités salariales, dans son ensemble( ici entre les cadres supérieurs et les employés s moins diplômés,)et pas seulement sous l'angle des inégalités salariales homme/femme.
C'est juste une autre sensibilité que la tienne, une autre "lutte", une vision peut être plus larges des injustices sociales.
Et elle rajoute également a cela que son boulot ne lui paraît ne rien apporter à la société, ce qui fait que son salaire lui semble encore moins justifié.
Personnellement, je suis ravie de lire des personnes touchant un salaire plutôt élevé ayant ce genre de réflexions et conscientes de leurs statuts.