Better Call Saul s’est achevée en beauté avec un final encensé par la critique : c’est l’occasion de revenir sur les moments marquants de cette première saison !
Better Call Saul, dans l’ombre de Breaking Bad ?
Better Call Saul est une série dérivée de l’univers de Breaking Bad, prenant le parti d’explorer la vie d’un des personnages secondaires de la série : Saul Goodman, avocat crapuleux du fabricant de drogue Walter White.
Je suis tellement fan de l’univers de Breaking Bad que lorsque j’ai appris qu’un spin-off allait être réalisé, j’étais complètement tiraillée. J’étais à la fois enthousiaste à l’idée de retrouver l’univers de la série qui m’avait tant marquée pendant cinq saisons, avec son écriture, ses dialogues percutants, son jeu d’acteurs incroyable, et extrêmement sceptique : comment étendre l’univers d’un show qui a autant marqué le paysage télévisuel ? Je n’étais pas sûre que Better Call Saul soit à la hauteur.
https://youtu.be/yC7ocl2lAXc
Les créateurs de la série (Vince Gilligan et Peter Gould) ont su relever le défi puisque Better Call Saul est loin d’être un simple produit dérivé !
Des petites arnarques au rêve de grands procès
Si dans Breaking Bad, Saul/James semblait être assez superficiel, on rencontre avec cette série un personnage bien plus complexe qu’il n’y paraissait.
James est loin d’être un avocat en vogue, encore moins un ténor du barreau. C’est un petit commis d’office, qui galère à boucler les fins de mois et qui se bat du mieux qu’il peut pour défendre des affaires perdues d’avance. Même si les cas qui lui sont affectés ne sont pas très intéressants, on sent qu’il veut bien faire son travail — on peut par exemple le voir répéter ses plaidoiries pendant des heures dans les toilettes du tribunal.
Une fois l’audience terminée, il part à la recherche de nouveaux clients à bord de sa vieille voiture rapiécée. Il n’a pas vraiment de bureau et travaille dans l’arrière-boutique d’un salon de pédicure. C’est un loser ordinaire, comme Vince Gilligan sait les créer avec brio, qui n’est pas sans nous rappeler un certain Walter White…
Toutefois, au fur et à mesure des épisodes on découvre que James McGill est un grand magouilleur, adepte d’arnaques en tous genre. Avant d’être avocat, il a longtemps mené une carrière de petit escroc aux côtés de son ami d’enfance Marco, jusqu’à tomber des les mains de la justice. Il a échappé de peu à la prison, sauvé in extremis grâce à son frère Chuck, avocat très renommé. Cette arrestation a été pour James un électrochoc : il a arrêté les arnaques, déménagé à Albuquerque, trouvé un petit boulot et décidé de reprendre ses études pour devenir avocat (comme son grand frère).
Bien qu’il soit à présent en exercice et diplômé d’État, sa fourberie semble le rattraper en permanence. Constamment tiraillé entre le bien et le mal, il tâche d’être l’avocat le plus honnête possible, tout en étant tenté de céder à la facilité.
Il est par exemple, à l’origine de nombreuses mises en scène lui permettant de gagner des clients : il a entre autres, payé des jeunes skaters pour se jeter intentionnellement sous les roues d’une voiture ou encore soudoyé un poseur d’affiche pour simuler un accident, le sauver et passer pour un héros.
Si cette créativité lui permet parfois de gagner quelques clients, elle l’entraîne aussi dans des situations délicates. Par exemple dès le second épisode de la saison, notre cher James a risqué sa vie en se frottant (sans le vouloir) à de dangereux criminels (le célèbre Tuco Salamanca et sa bande). Il a réussi à s’en sortir grâce à son talent de persuasion, dans une scène faisant clairement référence à l’épisode de Breaking Bad dans lequel Walter White l’a embauché.
Un fratricide poignant
Si James est un arnaqueur de première, un poil tête à claque, on peut sentir que dans le fond « c’est un bon gars »
. Même s’il fait quelques magouilles, il est bien loin d’être un criminel capable des pires atrocités ; il n’a pas hésité à informer la famille Kettleman lorsqu’il a su qu’ils étaient en danger, au péril de sa propre vie.
Il se montre notamment très protecteur avec son frère Chuck, qui vit totalement reclus et isolé du monde. Depuis environ un an, Chuck se déclare être « allergique à l’électricité » : la proximité du moindre appareil électronique l’oppresse de manière viscérale. James est donc depuis ce jour-là aux soins de son frère.
Il lui apporte tous les jours de la glace pour qu’il puisse conserver des aliments sans réfrigérateur, lui fait ses courses, lui apporte le journal et surtout il est un soutien moral exemplaire. Il essaie chaque jour de remettre son frère sur pied, en le motivant et l’encourageant. Il parvient même à le remettre au travail en lui parlant d’une grosse affaire judiciaire qu’il vient dégoter.
Cette implication sans mesure ne sera pas récompensée. Alors qu’il remonte à peine la pente, Chuck n’hésite pas à trahir son frère en usant de ses relations pour l’empêcher d’intégrer un prestigieux cabinet d’avocats. Dans une scène terrible et puissante, il lui déclare qu’il n’est qu’un magouilleur, un avocat bas de gamme qui a eu son diplôme par correspondance et qu’il ne fera jamais carrière. James est brisé, envahi par un sentiment d’injustice et décide de claquer la porte.
Cette fracture familiale va lui rappeler ses vieux démons puisqu’il décide de retourner voir son ami Marco pour faire à nouveau quelques magouilles. À quoi bon tenter d’être un homme juste et droit, si c’est pour enchaîner échecs et injustices ? Les deux compères enchaînent les menus larcins quand soudainement, Marco décède d’une crise cardiaque en plein milieu d’une arnaque.
Déstabilisé par ce décès, James reçoit un coup de fil qui l’informe qu’un prestigieux cabinet d’avocats situé à Santa Fe voudrait l’embaucher. Enthousiaste dans un premier temps, il préfère refuser le poste en décidant qu’à présent il fera les choses à sa manière.
« Je sais ce qui m’arrêtait. Et tu sais quoi ? Il ne m’arrêtera jamais plus ».
L’épisode final se termine avec un James McGill plus remonté et combatif que jamais, prêt à mettre sa morale et ses principes aux placards : le vil Saul Goodman est en train de naître !
Le passé de Mike Ehrmantraut
La série nous enseigne aussi de nombreux éléments au sujet de la vie de Mike Ehrmantraut, homme de main de Saul Goodman dans Breaking Bad.
Mike était flic à Philadelphie, jusqu’à ce qu’il décide de prendre une retraite anticipée à cause de sombre évènement : son fils a été tué dans une « fausse embuscade » (orchestrée par des flics corrompus). Mike a décidé de faire justice lui-même, en tuant les deux policiers afin de venger son fils (visiblement, lui non plus n’est pas un mec exemplaire : il semble avoir traîné dans pas mal d’histoires pas bien claires, le Micky). Il a ensuite rejoint Albuquerque pour y vivre une vie de grand-père tranquille.
Il trouve dans un premier temps un petit boulot de gardien de parking (le parking du tribunal dans lequel travaille James McGill). Cependant ses compétences spécialisées se prêtent facilement au monde criminel, et en apprenant que sa belle-fille a des problèmes d’argent, il décide de se remettre en service.
D’un point de vue psychologique, découvrir plus amplement la vie de ce personnage permet à ceux qui ont regardé Breaking Bad de comprendre un peu mieux le regard presque paternel qu’il pouvait porter sur Jesse Pinkman.
Une série habilement maîtrisée
Aussi pertinente de manière autonome qu’en spin-off, Better Call Saul est adaptée à plusieurs publics : elle saura ravir les fans de Breaking Bad puisqu’on y retrouve tous les éléments phares de la série à succès — la lumière du Nouveau Mexique, les paysages d’Albuquerque, une narration à la fois lente et efficace, cette ambiance tragico-comique pincée d’humour noir… Mais elle saura aussi contenter les spectateurs n’ayant jamais suivi les histoires du célèbre trafiquant de drogue.
Les cliffhangers habiles nous donnent envie de visionner immédiatement l’épisode suivant et le jeu d’acteur de Bob Odenkirk (James McGill/Saul Goodman) est époustouflant. Omniprésent dans chaque séquence, il nous livre un panel d’émotions avec une justesse incroyable, incarnant à la perfection ce patin gauche, misérable mais profondément humain.
Si à côté de la série magistrale qu’est Breaking Bad, Better Call Saul peut pour l’instant sembler manquer un peu d’intensité dramatique et de rebondissement, je fais confiance à Vince Gilligan et à sa capacité à faire monter habilement la pression en nous faisant sentir que quelque chose va déraper.
Heureusement, une deuxième saison vient d’être confirmée. J’ai hâte !
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