L’été, c’est la saison des vacances, des après-midis à la plage et des apéros sur la terrasse… Et pour beaucoup, l’été, c’est aussi la période des festivals divers et variés. Mais les festivals, c’est loin, c’est cher et bien souvent, il pleut. Alors moi, j’ai trouvé le truc…
Depuis quatre ans, je suis bénévole au festival de Beauregard, à Hérouville-Saint-Clair (en Normandie). J’ai un pass gratuit contre quelques heures de travail par jour. Oui. Et c’est bientôt la période des recrutements !
Comment devient-on bénévole dans un festival ?
En 2010, une amie d’enfance m’a dit :
«Hé, j’étais bénévole au nouveau festival chez nous, tu veux le faire avec moi cette année ? »
Je travaillais donc je ne pouvais pas. J’étais un peu déçue mais l’année suivante, je ne savais pas trop quoi faire de mon été. Du coup, la même amie m’a dit :
« Hé, je suis encore bénévole cette année, ça te dirait de poser ta candidature ? »
Je suis allée sur le site, onglet « Espace bénévoles », j’ai créé mon profil, posté ma candidature et vogue la galère. C’était à l’arrache mais grâce à des désistements, j’ai été acceptée au poste des navettes – pour diriger les gens vers les navettes fournies par la ville pour se rendre directement sur le site et en revenir.
J’ai eu de la chance. Je ne sais pas comment ça se passe sur les autres festivals mais pour Beauregard, il vaut mieux s’y prendre dès l’ouverture des dépôts de candidature, en février ou mars. Et on n’est jamais à l’abri d’un coup du sort : serveur surchargé, adresse mail considérée comme non-conforme (attention avec Hotmail !)…
Les responsables du recrutement sont également bénévoles et ont un travail, donc il faut être compréhensif, ils ne peuvent pas répondre tout de suite.
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Le festival ou comment se mettre dans l’ambiance
Je suis bien obligée de parler un peu du festival lui-même parce que la manière dont il est organisé et présenté au public est révélatrice de ce qu’on demande aux bénévoles.
L’avantage de Beauregard, c’est le lieu : dans le parc du château, il est facilement atteignable en bus. Et puis bon, c’est un parc de château, avec un château et de belles statues, quoi. C’est pas trop désagréable de travailler dans un lieu comme celui-ci, surtout pour un festival. Précisons que le château sert de bureau et de loge pour les têtes d’affiches…
Bon, j’la mets où la sono, Robert ?
Les organisateurs ont mis l’accent sur le local (avec une vente de produits locaux, des restaurateurs et fournisseurs de boissons de la région réputés dans leurs domaines respectifs…) et le développement durable (on fait le tri sélectif, et on y vend des tee-shirts en coton bio, fabriqués en France). Les festivaliers sont encouragés à venir en bus, en vélo ou en covoiturage, et le camping n’est pas très grand et payant (donc il faut se loger en ville ou venir du coin).
On ne paie pas avec de l’argent mais avec des tickets qui ont tous la même valeur qu’on échange à la « banque », ce qui évite les vols, a priori – à toi de ne pas les perdre !
C’est aussi un festival familial. C’est assez facile de venir avec des enfants : il y a des poussettes partout, des casques anti-bruit à louer gratuitement et même un « espace kids », où je travaille depuis deux ans.
Du coup, il y a moins de bazar que sur d’autres festivals où j’ai pu aller ; l’ambiance est différente, plus calme, et les organisateurs veulent limiter le nombre de festivaliers pour qu’on ait encore la place de respirer – c’est-à-dire s’asseoir dans l’herbe, ne pas mettre trois heures à s’acheter à manger ou à aller aux toilettes…
Pour l’instant, il n’y a que deux scènes, ce qui permet de voir tous les concerts si on le souhaite, même si on n’est pas nécessairement au premier rang tout le temps !
Être bénévole, c’est quoi ?
Le bénévole est la première et dernière personne à qui le festivalier a affaire, de l’entrée à la sortie : le bénévole vérifie les billets et les sacs, sert au bar, ramasse les poubelles, nettoie les toilettes, vend les goodies, s’occupe des artistes et des journalistes (et des enfants), informe et oriente, monte et démonte…
On vous montre et on vous explique tout ici !
Il faut être ponctuel•le, souriant•e, dynamique et poli•e. On est là pour informer, rassurer et servir tout en impulsant une ambiance joyeuse et sans souci – il faut donc garder un visage aimable, même s’il est 1h du mat’ et qu’il pleut et que tu dois remplir des verres de bière plus vite que ton ombre. Ou que cet artiste demande tel truc introuvable qui lui est indispensable. Ou que tu t’occupes de la circulation à un kilomètre du site et que tu n’as pas pu voir de concert de la journée.
On te pose aussi toujours les mêmes questions, alors que les infos sont plutôt bien indiquées sur des grands posters. Il faut donc beaucoup de patience, mais comme dans tout travail spécialisé dans le service, non ? En général on s’en sort bien, on a le temps de voir des trucs sympas.
Les responsables par domaine s’arrangent pour que ce ne soient pas toujours les mêmes qui travaillent pendant les têtes d’affiches, et puis certains postes permettent d’écouter les concerts en même temps, surtout ceux sur le site (mais on travaille plus longtemps, six heures contre quatre à l’extérieur).
Et si un artiste te plaît vraiment, il y a toujours moyen de s’arranger, surtout si tu n’en demandes pas trop (comme voir TOUTES les grosses têtes d’affiche…).
Petit guide des bénévoles
Bien sûr, chaque poste est différent, et chacun•e est bénévole pour différentes raisons. Et cela crée un microcosme le temps du festival, qui permet de rencontrer des personnalités qu’on ne croiserait pas forcément ailleurs.
Il y a les responsables : ils travaillent en amont et en aval pour tout organiser et évaluer selon leur poste. En général, ils sont très impliqués localement, croient en leur travail et sont tellement fatigués qu’ils ne regardent même pas de concerts quand ils ont enfin fini leurs tâches.
Et dans les petites mains, il y a encore des sous-catégories…
- Le bénévole opportuniste.
Il en fait le moins possible et s’échappe dès qu’il le peut. J’en ai même vu certain•e•s disparaître après avoir vu l’artiste qui les intéressait le plus. Heureusement, il est rare et la liste rouge n’est jamais loin pour l’année prochaine…
- Le bénévole super excité.
Il est heureux d’être là, de faire partie de l’aventure et de profiter des avantages. Que du positif ! Pour lui, les inconvénients ne sont rien du tout par rapport à sa chance ! En plus, son dynamisme est contagieux.
- Le bénévole qui se la pète.
Il est bénévole, quoi ! C’est presque un VIP, limite. Et en plus, il a le même bracelet que Damon Albarn (surtout, ce n’est pas le même que pour les festivaliers…) Souvent c’est sa première année, ou il bosse avec les artistes. Et quand il croise d’autres bénévoles, il les ignore. Il est au-dessus du lot. D’ailleurs, il s’arrange pour ne pas porter le t-shirt réglementaire parce qu’il est rebelle et unique.
Mais pour être honnête, cette étincelle de fierté, on l’a tou•te•s un peu quand on nous demande :
« Hé mais pourquoi t’as un pass, t’es VIP ? »
« Nan, j’suis bénévole. D’ailleurs, tu m’excuseras, je vais bosser, là, en fait… À plus, hein ! »
- Le bénévole qui s’en fout de la programmation.
Celui-là, il vient de la commune qui organise le festival ou des environs. Il est souvent déjà engagé dans des associations locales tout au long de l’année et participera au festival coûte que coûte, pour rendre service, même si c’est Casimir qui passe le samedi soir à 20 heures… En-dehors de son service, il passe plus de temps à l’espace bénévoles qu’à regarder les concerts. D’ailleurs, il devient souvent responsable au bout d’un moment. Le bénévolat pour lui, c’est bien plus qu’une expérience ponctuelle : c’est une vocation.
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De nombreux avantages
On a tout de même énormément de chance de pouvoir être bénévole ! C’est tellement génial de savoir comment tout se passe de l’intérieur – et de participer au festival, d’y poser sa petite pierre.
Plus prosaïquement, on a aussi un certain confort : un accès à des toilettes en dur, des douches, un espace au calme pour se relaxer avec de la boisson (sans alcool) à volonté, et des élèves de l’école de kiné pour nous masser (bon pas toute la nuit, mais quand même !). Et cette année, notre responsable Jean-Pierre nous a commandé des pizzas. Quand on l’a couvert de bisous émus, il nous a dit : « Nan mais c’est pas moi qui paie, hein, c’est le festival… ». Tant de modestie, moi, ça me fait les yeux tout brillants !
Car nos collègues, c’est quelque chose ! J’ai rencontré plein de gens super et j’ai souvent préféré voir les concerts avec eux parce qu’ils comprenaient que je puisse être fatiguée et que je ne sois pas à fond (et que je ne veuille pas boire…). Certains bénévoles viennent de loin et ne connaissent de toutes façons personne ; cela crée une ambiance particulière, et soude l’équipe – même si ça me fait plaisir de passer du temps avec les amis festivaliers qui viennent me chercher pour aller voir les concerts avec eux (merci les copains !).
Il y a les festivaliers aussi, les gens cool, qui sont contents d’être là, qui se souviennent de nous année après année, et qui passent dire bonjour et papoter, ou qui nous souhaitent bon courage – et c’est bien plus souvent qu’on ne pourrait le penser.
En plus, on a quand même de grands moments quand les artistes remercient toutes les personnes participant à l’organisation, et notamment les bénévoles… Tu as l’impression que Damon Albarn te regarde, toi, là, en t-shirt bleu marine dégueu, et qu’il te remercie personnellement dans son accent british trop fondant.
Je sais qu’il m’aime, ce regard ne trompe pas.
Et n’oublions pas la gratuité de l’entrée. Depuis 2011, j’ai pu ainsi pu voir en échange de quelques heures de travail Gaëtan Roussel, Katerine, Kasabian, Deus, Motörhead, Two Door Cinema Club, Aaron, The Kooks, Zazie, Archive, The Vaccines, -M-, The Lumineers, Bloc Party, The Smashing Pumpkins, Miles Kane, Skip the Use, Nick Cave, Dead Can Dance, C2C, Blondie, IAM, Shaka Ponk, Vanessa Paradis, Portishead, Fauve, Damon Albarn, John Butler Trio et The Pixies.
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Ce qu’il faut savoir
Etre bénévole dans un festival représente beaucoup de fatigue : un festival c’est déjà crevant à la base, donc imaginez si vous avez dû travailler entre quatre et sept heures dans la journée, avec tous les inconvénients que cela peut comporter (festivalier casse-pied, bruit et foule en continu, météo capricieuse…). Par exemple, j’ai raté sciemment plusieurs concerts qui m’intéressaient parce que j’étais trop épuisée pour en profiter.
Il faut bien entendu rester sobre – pendant le service, déjà. Et puis moi, j’ai du mal à travailler avec la gueule de bois, qui peut faire de tes heures de services dans le bruit et la foule un enfer. Sur. Terre.
Et avec tout ça, vous aurez bien envie de dormir des fois, mais pour cela il faut trouver un hébergement. Personnellement j’ai de la chance, je dors dans mon lit. Et pour rentrer, ce n’est pas trop compliqué : je fais vélo-tram-navette et au retour navette-vélo. Les années précédentes, j’ai conduit ou je me suis fait conduire via le parking bénévole ou public, donc ça a été.
J’en connais qui sont venus d’assez loin ou qui ne peuvent pas rentrer chez eux, donc ils profitent du camping. En général, ce n’est pas trop désagréable, mais à la différence d’un festivalier qui ne vient que pour s’amuser, un bénévole qui dort dans une tente humide se lève difficilement de bonne humeur… Et puis on ne dort pas beaucoup, parce qu’il faut parfois travailler tôt le matin (à 7h), comme pour les bénévoles de l’entretien. Les quelques jours que durent le festival sont intenses !
Enfin il faut penser à l’équipement : il vaut mieux ne pas oublier tout l’attirail nécessaire pour être paré•e aux intempéries et aléas du festival, au risque de tomber malade (comme moi il y a deux ans).
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Une expérience géniale
Mais bien souvent ces inconvénients sont vite oubliés au regard de l’expérience humaine et musicale que l’on vit. On fait partie, pendant plusieurs jours, et parfois plusieurs années, de la grande famille des bénévoles. Je commence à rencontrer du monde, à force ! Je travaille depuis deux ans avec la même responsable et les mêmes collègues dans le même cadre, donc on est aussi plus sûrs de nous, de notre manière de nous organiser et d’améliorer les choses.
Et comme je suis déjà dans le milieu associatif de la même commune, je retrouve au festival mes copains du club de rugby qui sont secouristes, bénévoles, organisateurs… Ce sont toujours les mêmes qu’on retrouve partout, de toutes façons.
Le festival de Beauregard ne disposant pas d’un camping hyper étendu et gratuit, comme aux Eurocks par exemple, le public reste très local. On vient en famille, entre amis. Il y a beaucoup de retraités et d’enfants. On est donc presque tous normands, tout le monde se connaît et c’est assez impressionnant, cet élan régional lors des concerts ! (Peut-être que c’est un peu comme aux Vieilles Charrues mais avec le drapeau normand ?)
Je voudrais donc dédier cet article aux 900 bénévoles, mais aussi aux secouristes, responsables de la sécurité, techniciens et employés des transports en commun qui, en travaillant jour et nuit, ont permis à 80 000 festivaliers, et à moi-même, de passer un super moment l’été dernier, même sous la pluie… Sans oublier mes responsables géniaux !
Sans vouloir complètement idéaliser le bénévolat en festival, c’est une expérience géniale, enrichissante à plein de niveaux que je ne saurais donc que vous conseiller si vous en avez la possibilité et l’envie !
Pour en savoir plus sur le festival :
- Le site du festival Beauregard, qui aura cette année lieu les 2, 3, 4 et 5 juillet !
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