Avignon, dernière semaine.
Il en reste trois. Trois marches de l’hôtel à la salle. Trois Cocas juste avant. Trois installations éclairs. Trois tracs à une minute du coup d’envoi. Trois débuts, trois fins, trois remerciements. Trois désinstallations. Trois cafés frappés juste après. Trois retours à l’hôtel. Et puis trois jours aussi pour voir ce ou ceux qu’on a pas encore eu l’occasion de voir, pour finir cette fameuse chanson qui traîne dans ma tête depuis trois semaines (et qui parlera de l’amour à distance évidemment), trois jours aussi enfin pour faire au moins UN footing.
Je suis cet étudiant Erasmus qui, à une semaine du terme de son année parisienne, réalise qu’il a à peine quitté la cité universitaire, et s’enquiert de visiter le Louvre à pas de course avant d’enchaîner avec la Tour Eiffel.
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Avignon, festival de théâtre, festival féérique, enclavant comme tes remparts, oppressant et réjouissant comme tes parades, ça y est, je t’ai « fait » comme disent les touristes qui reviennent d’un pays lointain.
Je me dis que finalement, il n’est pas impossible que je ne revienne jamais — c’est quand même très rare d’y participer quand on est chanteur — du coup j’essaie de profiter encore, au mieux, de tout.
Mais je ne sais pas faire ça, profiter parce que demain ça s’arrête, non, moi je ne sais que profiter du moment qui s’allonge, du projet qui existe, du potentiel à venir. Le simple fait de savoir que c’est la fin, ça me donne le bourdon, ça me désole.
Je me souviens à l’école, dès le mois de mai-juin j’étais déjà ravi à l’idée que les vacances soient proches, je les vantais à mon esprit quand il s’ennuyait de la journée trop longue, je me les projetais en inventant des rencontres, des moments, des retrouvailles. Et à l’inverse, quand le 15 août était passé, j’étais déjà un peu de retour, un peu dans l’automne, un peu concentré, un peu froncé.
En fait je vis une existence projetée, le centre de gravité de mon bonheur est juste un mètre devant le présent. C’est comme ça. Le seul endroit où je suis en adéquation avec le temps qui passe, c’est sur scène. Ici finalement, je vis deux heures de présent par jour.
Le théâtre Jacque Cœur
Il en reste trois, ce n’est pas encore le temps des bilans, mais comme il est peu probable que je fasse un billet la semaine prochaine, puisqu’a priori madmoiZelle n’a que faire du contenu de mes vacances, on peut d’ores et déjà essayer de regarder en arrière (l’expérience étant globalement largement positive, je finirai par ce que j’ai aimé).
— NDLR : on adorerait lire tes vacances, Ben. Promis.
Je ne vais pas regretter la chaleur écrasante, le trac qui ne s’en va jamais, les quatre t-shirts sur lesquels je tourne depuis un mois, les acteurs qui vous crient dans l’oreille alors que vous êtes posé peinard en terrasse. Le manque, animal, de mes enfants, de leur odeur, de leur regard, de leurs histoires. Et je n’ai pas aimé être aussi loin d’elle, aussi longtemps.
Mais j’ai aimé la routine inouïe. J’ai aimé dire « aujourd’hui c’était bien » puisqu’il y a eu un hier et qu’il y aura un demain. J’ai aimé les fleurs dans ma loge envoyées par ma famille pour ma première. J’ai aimé qu’on vive dans une chanson de Vincent Delerm, j’ai aimé me sentir un peu acteur, j’ai aimé qu’on s’améliore, et qu’on arrive au bout. J’ai aimé aussi sortir des remparts pour aller humer l’air de l’océan Atlantique, chanter pour les Francos, voir Johnny et rentrer. J’ai aimé à chaque fois que Baptiste m’a dit « viens, on va…. » (voir le spectacle de Florence Foresti, dîner au restau, voir Nos Futurs au cinéma etc.) parce que c’était toujours pourvoyeur d’une soirée exceptionnelle. J’ai aimé faire parler ma mère tous les jours devant vous, comme un hommage quotidien. La meilleure thérapie.
À ceux qui m’ont vu, à ceux qui m’ont lu, à ceux qui m’ont soutenu, qui m’ont accompagné, qui m’ont vécu, merci.
Vivons heureux, vivons projetés : J-129 avant la Cigale.
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