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Féminisme

Je suis « trop » belle, et non, ce n’est pas « pratique »

Caterpillar est une fille « trop » belle. C’est elle, et les autres, qui le disent. Mais dans une société où l’apparence joue énormément, ça ne lui apporte pas que des coups de pouce…
Mise à jour du 2 mars 2017 — Lors de sa publication initiale en 2013, ce témoignage a suscité un débat très vif et animé. Qu’en pensez-vous aujourd’hui ? A-t-on depuis évolué sur notre rapport à « l’idéal de beauté ? »

— Publié le 17 février 2013

Je ne suis pas mignonne, ou jolie : je suis belle. Belle sans maquillage, sans apprêt, sans le rechercher. Je suis la fille que vous croisez et que vous remarquez tout de suite, où que je sois et quoi que je fasse.

Il y a eu pas mal d’articles sur la beauté, sur madmoiZelle, comme « Pourquoi être beau/belle, c’est plus pratique ? », et à chaque fois je me marre, parce que oui, être belle ça a des avantages, mais aussi (surtout) des inconvénients.

Le quotidien quand on est une fille « trop » jolie

Parlons tout d’abord de travail : contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas gagné d’avance. Je peux avoir le job, à l’unique condition que le recruteur soit un homme.

Je me suis fait une raison : les recruteurs femmes oublient bien vite leur fonction première en me voyant arriver. Et n’allez pas croire que je m’habille de façon déplaçée, au contraire ; n’importe quelle madmoiZelle qui s’est frottée au monde du travail a bien compris qu’il y a des règles vestimentaires à respecter pour être embauchée.

Chaque fois que j’ai eu un travail, ce fut par le biais d’un homme. Parfois je postulais dans la même boîte, et à CV similaire, la réponse changeait en fonction du sexe du recruteur.

Le problème n’est pas réglé pour autant : avec les hommes, il commence une fois le job commencé. Oui, je vais avoir plus d’aide et moins de compétences à fournir parce que je suis belle.

Mais tous les rapports que j’entretiens deviennent biaisés, et glissent sur le terrain de la séduction. Parce que dans la tête de la plupart des hommes, s’ils te donnent des coups de pouce, à quelque échelle que ce soit (quand bien même tu ne les DEMANDE PAS), il y a un prix à payer.

Le patron qui te donne que des tâches faciles, l’employé qui t’offre le déjeuner, cet autre qui te tient la porte, celui qui t’aide à réparer un truc : ils ne sont jamais désintéressés.

J’ai donc dû toujours partir, parfois pour des motifs violents de harcèlement (ce qui me fait regretter amèrement le statu quo de la loi éponyme), parfois pour des raisons déguisées : « Tu perturbes le travail des autres », « L’ambiance n’est pas bonne en ce moment », toutes reportées sur moi, à l’image de Debrahlee Lorenzana, licenciée pour délit de belle gueule ».

Amitié et jalousie quand on est une fille « trop » belle

On pourrait croire qu’en dehors du travail, la beauté m’apporte un peu plus d’avantages dans la vie. Je vous le dis tout de suite : non. En regard des inconvénients, je ne sors jamais gagnante.

Je n’ai qu’une seule amie de confiance. Toutes les autres se sont éclipsées au fil des ans, pour des raisons récurrentes… Passons sur celles qui m’ont fait des vieux coups, dont j’ai connu les motifs bien plus tard (« J’étais jalouse », « J’étais mal dans ma peau, et même si tu m’avais rien fait, le simple fait que tu sois ce que tu es… »).

On va parler de l’hilarant running-gag du copain qui me drague dans le dos de mon amie. J’ai tenté les deux approches : prévenir mon amie, ne pas le faire. Le résultat est toujours le même : c’est moi qu’on largue comme une vieille chaussette.

Parfois le copain a le privilège de rester, mais moi, je n’ai jamais eu cette chance. On pourrait mettre ça sur le compte des hormones, de notre jeune âge, mais parfois c’est plus dramatique : le propre mari de ma sœur m’a fait des avances très déplacées. Inutile de vous dire qui a été rayée de la carte, la plaie est encore ouverte.

Je n’ai jamais été une fille « qui n’aime pas les filles » : au contraire, je préfère une amie à un ami. Je jalouse beaucoup les bandes de copines que je croise, parce que je sais que je n’en aurai jamais.

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La seule amie qui me reste est une fille très bien dans sa peau, heureuse dans tous les aspects de sa vie, et elle n’a rien à envier. Nos rapports sont équilibrés, et c’est trop rare chez les filles.

Bizarrement j’ai plus d’amis garçons, car il est plus facile de ne pas tomber dans un rapport de séduction que dans un rapport de jalousie. C’est pourquoi, quand ça coince, c’est avec leurs copines.

Derrière une fille « trop » jolie, une personnalité ignorée

Parfois je comprends que les gens soient agacés d’être avec moi : quand je suis en soirée, la première chose que les gens disent de moi c’est que je suis belle. C’est également ce que retiennent les gens à qui je n’ai pas parlé.

Parfois, je comprends que les gens soient agacés d’être avec moi.

Je me retrouve régulièrement citée dans les fantasmes des potes bourrés qui se posent la question. Des inconnus m’arrêtent souvent dans la rue pour me dire à quel point j’ai un beau visage.

Les vendeurs (ambulants ou non) m’offrent toujours leurs produits, on me sourit beaucoup, on me tient les portes, on me laisse la place, ou passer en premier.

Mais je suis la première à ne pas supporter les personnages creux qui n’ont que leur beauté (le stéréotype ultime étant pour moi Serena dans les livres Gossip Girl – je n’ai pas vu la série).

Une fille « trop » jolie est ramenée à son physique

Je fais des tas de choses à côté, et j’ai beau mettre tous ces aspects en avant, on me renvoie toujours à mon apparence.

La beauté n’est pas la panacée, au contraire même : la plupart des gens ne prennent pas la peine de te connaître, ils ne voient que ton physique avantageux. Et se contentent de réagir à ce qu’ils voient avec leur vécu.

La beauté n’est pas la panacée, au contraire même.

C’est tout ou rien, la beauté provoque la haine pure comme l’amour inconsidéré. On recherche ma compagnie ou on la fuit, mais je n’ai jamais aucune prise sur ces sentiments.

Si j’ai écrit cet article, c’est parce que j’en ai assez de lire partout qu’être beau c’est plus facile, que tu n’as qu’à claquer des doigts pour que tout le monde vienne manger dans ta main.

Je ne nie pas que la beauté apporte certains avantages, mais socialement, c’est plus l’enfer qu’autre chose. La beauté est peut-être appréciée dans le cadre d’un film ou d’un magazine, mais quand elle est face à toi, quotidienne, elle provoque des réactions épidermiques qui me fatiguent.

Je ne nie pas que la beauté apporte certains avantages, mais socialement, c’est plus l’enfer qu’autre chose.

J’ai conscience que je m’expose aux critiques des madmoiZelles, mais j’ai bon espoir que certaines filles se reconnaîtront dans ma situation, à quelques degrés que ce soit.

Des filles qui en ont assez de brandir leur copain comme étendard pour contrer des tentatives de séduction incessantes. Des filles qui font attention à ne faire aucun geste qui pourrait être mal interprété.

Des filles qui en ont assez d’être regardées dans la rue, dans le métro, au travail, en soirée. Des filles qui sont belles, mais dont la vie ne l’est pas.

Mise à jour 18 février.

L’autrice, une fille « trop » jolie, répond aux commentaires

Caterpillar, l’autrice de l’article, a bien voulu répondre aux commentaires !

Sa réaction ci-dessous :

« J’ai été dépassée par le nombre de réactions, donc je vais répondre dans les grandes lignes et certainement oublier des choses…

Tout d’abord, oui, cet article a été écrit sous le coup de la colère, après un énième problème dû au physique.

C’est pourquoi il est très maladroit, et approximatif (je ne voulais pas trop dévoiler les faits pour garder un certain anonymat).

Ensuite, oui je suis belle, mais c’est un constat (pas fait par moi).

Beaucoup de Madz m’ont reproché d’être prétentieuse/égocentrique/narcissique. Mais comme l’ont dit d’autres Madz, c’est une façon de poser le témoignage, pas de me lancer des fleurs.

Être une fille « trop » jolie, un faux problème ?

La beauté est subjective, mais à partir du moment où vous correspondez à un idéal du moment (blanche/yeux/cheveux clairs/traits fins), vous êtes considérée comme «belle» par la plupart des gens.

Le premier paragraphe est très caricatural, mais c’était pour introduire la suite. Car le but du témoignage n’est pas MA beauté, mais bien les avantages/inconvénients de LA beauté.

La beauté est subjective, mais dès que vous correspondez à un idéal du moment vous êtes considérée comme belle par la plupart des gens.

Je ne dis pas que je l’incarne, mais en tout cas je corresponds suffisamment aux critères actuels pour que différents aspects de ma vie s’en trouvent modifiés, oui.

Si je devais résumer mon témoignage, c’était une façon pour moi de parler des « extrêmes ». Comme beaucoup l’ont dit, la beauté est un idéal à atteindre, de plus en plus même avec les années.

La beauté est censée apporter le bonheur et la réussite, mais ce que je vois moi, c’est qu’elle apporte en même temps sexisme, incompréhension, harcèlement.

Je n’ai jamais nié dans l’article que la beauté apporte des avantages.

Mais je voulais aussi rappeler les inconvénients. On me dit que ce qui m’arrive arrive « à toutes les filles ». Oui, je sais, et je ne vois pas où je l’ai « nié ».

Sauf que ce que j’explique, c’est que les dérives sexistes/le slut-shaming/le harcèlement arrive AUSSI, SOUVENT et de façon très insidieuse quand on est jolie. C’est l’histoire de la fille et de la jupe courte : «Ah oui, tu as été agressée, mais tu l’as cherché ». La jupe est remplacée par le visage.

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C’est l’histoire de la fille à la jupe courte, sauf que la jupe est remplacée par le visage.

Quand on « correspond à un idéal de beauté », on est une sorte d’écran vierge où les gens projettent leur vécu, leurs fantasmes, leurs complexes.

Les dérives sexistes m’épuisent

Quand j’ai eu mes mésaventures, il y a énormément de gens qui n’ont pas choisi de voir ce qui se passait, parce qu’ils estimaient que si EUX avaient été beaux, il n’y aurait pas eu de problèmes.

Ce que je vois dans ma vie sociale/professionnelle, c’est que chaque fois qu’il y a des dérives (les petits copains qui te draguent, les patrons/collègues, etc.) on préfère occulter l’objet de la discorde que vraiment aller au fond du problème (sexisme, problèmes relationnels, mal-être.) C’est plus facile.

Et puis bon, la beauté c’est la panacée alors de quoi elle se plaint, celle-là ?

Les gens qui disent que je devrais revoir mon comportement me font rire. Merci pour le scoop, mais je ne suis plus une ado, j’ai 22 ans et oui, j’ai fait plein de choses pour améliorer tout ça.

Par exemple ne pas mettre de choses qui me mettraient en valeur (vêtements/maquillage), éviter de parler aux garçons et s’adresser à leurs copines en premier, toujours avoir un dictaphone sur moi pour pouvoir prouver les choses (ceux qui pensent que c’est de la paranoïa n’ont pas dû affronter ces situations de façon répétée et systématique).

Le problème, c’est notre société malade et obsédée

Mais ma conclusion est que c’est aussi une histoire de nature humaine, comme l’a dit une Madz dans les premiers commentaires. D’ailleurs c’est drôle de voir la curée que tout ça a provoqué.

Je suis contente qu’il y ait eu des filles avec assez d’ouverture d’esprit pour comprendre que le problème n’est pas le physique, c’est une société malade et obsédée par des idéaux qui est responsable, d’un côté comme de l’autre, et qui mettra au ban les «moches» comme les «beaux», à des degrés divers et variés.

Je trouve tout aussi bien que certaines Madz se posent la question de la solidarité féminine. Je déteste les clichés, je n’aime pas les filles qui s’entourent de garçons par manque de confiance en elles (voir l’excellent article de Navie : J’aime pas les filles qui aiment pas les filles), et je trouve ça effarant que dans tous les cas du copain qui m’a draguée, mes amies de longue date aient choisi leur mec, quitte à être larguées parfois une semaine après.

Je trouve qu’on privilégie beaucoup trop l’amour ou l’idée qu’on s’en fait à l’amitié prouvée.

Et non, parfois, certains copains n’étaient pas « des connards ». Ils étaient juste dans des moments de doute ou de mal-être (ce qui JUSTIFIE mais n’EXCUSE pas, on est d’accord…). Et ils ont vu en moi (ou plutôt ce que je suis censée incarner) une solution à leurs problèmes.

Fille « trop » jolie, je ne peux pas contrôler mon image

Et là je vais vous demander franchement: aucune Madz ici présente n’a entendu parler de l’adage psy qui veut que « quand on est agacé par quelque chose, c’est souvent parce qu’on s’y reconnait » ?

Il n’y a jamais eu quelqu’un qui, sans rien vous faire ou sans vous parler, vous a agacé parce qu’il vous procurait un sentiment de mal-être ? (en général quand je parle de ça, les gens qui reviennent sont des gens croisés dans le scolaire, qui étaient « victimes » ou mal dans leur peau.)

Ben c’est pareil quand on est « belle ».

Vous diffusez quelque chose que vous ne contrôlez pas (oui comme un anti-moustique !) et les réactions sont violentes dans un sens comme dans l’autre, parce que les gens réagissent avec leurs tripes, leur vécu.

La beauté, c’est quelque chose que vous diffusez mais que vous ne contrôlez pas.

Mais c’est très FATIGUANT quand tu ne le provoques pas et qu’il t’arrive en pleine gueule quand même.

Comme je l’ai dit, la beauté ne trouve sa place que dans les magazines ou au cinéma. Il se trouve que j’ai travaillé dans ces domaines, et que je m’en suis extrait parce que oui, ce n’était pas intéressant, et c’était même malsain à divers degrés.

Et j’ai la nette confirmation que quand tu décides de proposer une autre réflexion sur ce que tu possèdes, que tu décides de ne pas jouer de ton visage, on te le fera beaucoup plus payer. Le respect par l’intimidation, en somme.

Accepter et respecter la souffrance de l’autre

Je voulais remercier les Madz qui parlaient de « souffrance qu’il fallait accepter », ou qui, même si elles n’adhéraient pas à cent pour cent à mes écrits, ont fait l’effort de parler/pousser leur réflexion, en restant respectueuses.

Contrairement à ce que pouvait faire croire ce témoignage si mal écrit, j’ai quand même un boulot après tout ça, et un minimum de gens bien autour de moi (mon copain, cette fameuse amie, mes copains garçons) et ils ont beaucoup ri devant certains commentaires qui allaient loin (« tu devrais te défigurer » ; « Oh pauvre chérie, tu dis donc que les moches sont protégées du viol et du harcèlement »…) mais ça m’a touchée que certaines se proposent d’être mes amies.

Je remercie aussi les personnes qui m’ont envoyé des MP, et celles qui m’ont assuré leur soutien face à la déferlante de méchanceté. Je trouve aussi courageuses les Madz qui ont témoigné de ce qu’elles ressentaient à un autre niveau.

Ce qui me plairait ce serait de pousser cette réflexion sur les apparences, la beauté et la laideur, sa place trop prépondérante dans notre société.

Mon témoignage étant trop incomplet, j’aimerais lire une enquête, des essais, bref, plus de choses qui s’éloigneraient du voyeurisme d’un article et étendrait la réflexion.

N’hésitez pas à envoyer des articles pour étayer !

Merci à Caterpillar pour sa réponse. 

À lire aussi : J’ai testé pour vous : avoir été une petite fille moche


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Les Commentaires

528
Avatar de MaryJAnna
8 septembre 2020 à 08h09
MaryJAnna
C'est marrant ça fait beaucoup écho a des réfléxions que je me suis faite récemment. En particulier les réflexions de @CaraNougat .

Contenu spoiler caché.
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Voir les 528 commentaires

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