Plutôt que de filmer un défilé, ce qui serait peut-être un peu trop simple, convenu et oubliable, la maison de luxe française Mugler a décidé de pimenter un peu choses. Dans un court-métrage sombre et hypnotique, plusieurs figures influentes de la mode paradent, en marche avant et arrière, sur des remix électro et dancehall inattendus… Pour un résultat à fort potentiel de mème !
Un casting 5 étoiles pour le défilé Mugler tourné à l’envers
On était d’abord impressionnées par le casting, avec la mannequin Bella Hadid qui fait plusieurs roues d’affilée sans sourciller (avant qu’on ne comprenne qu’il s’agissait d’une doublure) puis l’actrice d’Euphoria Hunter Schafer qui se prend un seau d’eau sur la tête et reste sublime, même trempée.
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Ou encore Dominique Jackson qui joue le personnage d’Elektra Abundance dans la série Pose : on trouvait déjà qu’elle défilait avec une démarche pleine d’assurance et de grâce, mais c’était avant de comprendre la prouesse de le faire en marche arrière.
Ces va-et-vient dans le temps paraissent incompréhensibles, dit comme ça (un peu comme le film Tenet, d’ailleurs) mais il faut voir la vidéo pour réaliser qu’une grande partie a été jouée à l’envers, d’où les superpouvoirs de télékinésie pour attraper une veste à distance telle Prue dans Charmed.
Une bande-son dancehall complètement Shatta pour Mugler
Bref, en plus de ce casting 5 étoiles (complétée par les mannequins Irina Shayk, Alek Wek, Patia Borja, Omahyra Mota ou encore Soo Joo Park), ce court-métrage de présentation de la nouvelle collection Mugler se déroule en partie sur une bande-son que les Caraïbes connaissent bien : Tic de la Martiniquaise Maureen.
C’est ce qu’on surnomme sur l’île caribéenne de la musique « Shatta » — un mot d’origine jamaïcaine que la Martinique a récupéré pour désigner son propre sous-genre de dancehall
. En fait, c’est même devenu là-bas une sorte d’onomatopée, intraduisible en français, pour désigner tout morceau qui donne envie de twerker salement comme si la morale n’existait pas, et par extension une personne ou quelque chose de vraiment sexy ! Du coup, qu’une maison de luxe française comme Mugler utilise cette chanson paraît plus qu’étonnant.
« La chou ne veut pas de toi, range ton slip »
Côté paroles, Maureen raconte (en créole martiniquais et jamaïcain) une altercation avec un mec beaucoup trop lourd en soirée. Elle le remet à sa place avec un langage des plus fleuris :
« Ta gestion des femmes, t’as cru que t’étais El Chapo
Ne te vexe pas, va plier ton père
Gère ta vie pendant que je gère l’argent
[…] La chou ne veut pas de toi, range ton slip
La fille est toujours on fleek »
Contactée par Madmoizelle, Maureen raconte sa surprise :
« Je n’ai même pas encore sorti d’EP ou d’albums. Que cette chanson dont le clip sorti il y a 5 mois soit utilisée par Mugler est un tel honneur ! On m’a contacté début mars pour savoir si j’acceptais, j’ai dit oui sans trop réaliser. Je ne savais même pas qu’il y aurait un tel casting dans cette vidéo-défilé. Je l’ai découverte en même temps que tout le monde, sur les réseaux sociaux. Et les messages de compatriotes ne font que de pleuvoir depuis.
Je déborde de reconnaissance et d’amour, et remercie chaleureusement mon équipe et celle de Mugler. »
« Le dancehall, c’est de l’art »
D’ailleurs, beaucoup de personnes ont d’abord cru que la musique ne faisait pas partie de la vidéo-défilé d’origine, et qu’elle avait été ajoutée par des internautes pour la rendre plus marquante. C’est bien sous-estimer l’importance grandissante du Shatta et de la dancehall, comme le développe l’artiste martiniquaise de 22 ans :
« Le dérivé de dancehall qu’est le Shatta permet de s’exprimer pleinement, de se lâcher complètement. Ma chanson raconte justement qu’en tant que femme on peut s’épanouir toute seule, être autonome financièrement, s’amuser en solo ou avec des copines. Qu’on n’a pas forcément besoin des mecs, surtout s’ils ne savent pas comprendre quand on leur dit non. Je chante l’indépendance des femmes.
Cette possible dimension féministe de la dancehall est souvent sous-estimée. D’ailleurs, qu’une maison de luxe comme Mugler utilise ma chanson est une forme de reconnaissance des aspects artistiques du Shatta. Le dancehall, c’est de l’art, et le monde commence à le comprendre de mieux en mieux. »
Le luxe peut-il devenir Shatta ? C’est en tout cas le pari que fait Casey Cadwallader, directeur artistique de Mugler depuis 2018. Il semble vouloir montrer combien il est en phase avec son époque, en misant aussi bien sur des actrices de séries du moment, que de la musique pointue.
À l’approche de l’exposition sur le travail fondateur de la maison, Thierry Mugler : Couturissime au Musée des Arts décoratifs de Paris, prévue pour fin 2021, l’actuel DA compte bien également imposer son empreinte.
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