L’autre jour je discutais avec une femme enceinte de mon entourage et nous eûmes cette discussion très spontanée :
— Je ne supporte pas les gens qui touchent mon ventre sans crier gare, ça me rend folle… — T’as raison. Moi, pareil. — Comment ça, « toi pareil » ? — Ouais, quand les gens posent leurs gros doigts gras sur l’écran de mon ordi, je les bute.
Eh merde pourquoi j’ai dit ça.
N’aurais-je pas parlé un peu trop vite, là ? Je viens de comparer son fœtus à mon Eee PC tout de même. C’est sympa, et élégant surtout. Que peut-il donc bien se passer dans mon cerveau pour qu’il fasse un tel parallèle ? Plutôt que d’appeler Freud pour essayer de comprendre tout cela (je tombe toujours sur son répondeur, il m’évite j’en suis sûre) je me suis lancée dans une auto-analyse.
Est-ce que par hasard je n’aurais pas développé une relation légèrement fusionnelle et malsaine avec mon ordinateur ? Quelle place occupe-t-il dans ma vie ? Suis-je surprotectrice ? Saurais-je le reconnaître entre mille grâce à ses petites traces d’usure caractéristiques ? La société nous incite à ne pas nous attacher émotionnellement à des objets, mais cela me semble pourtant si naturel…
Bébé ou ordinateur : y en a-t-il un meilleur que l’autre ? Faisons le comparatif. Les enfants, c’est l’heure du du-du-du-duel de la … BATTLE !
Fabrication
- Bébé : 9 mois d’attente insoutenable qui te pompent toute ton énergie. Sans compter qu’au moment de pousser, « ça pique un peu ».
- Ordi : 9 mois à économiser en bossant comme une malade et en y laissant toute ton énergie. Sans compter qu’au moment de payer, « ça pique un peu ».
Bilan : égalité.
Réception du colis par ton entourage
- Nourrisson : tu montreras ton dernier modèle flambant neuf à la terre entière qui en sera toute ébahie. Sauf que trois mois après, la voisine du dessus aura accouché d’un modèle encore plus récent et que les gens se soucieront de ta progéniture comme d’une guigne.
- Ordinateur : Même chose, sauf qu’en plus les gens n’hésiteront pas à te dire à quel point ton vieux machin est dépassé, obsolète, qu’on en fait des beaucoup mieux maintenant et qu’il faudrait penser à en changer.
Conclusion : un point pour le nourrisson.
Configuration de base au premier démarrage
- BB : 3,2 kilos, 50cm dans la diagonale, aucune autonomie, les coloris verts et argentés sont épuisés, recouvert d’un mucus douteux.
- PC : 2 kilos, 25 cm dans la diagonale, la batterie tient bien (ça ne durera pas), toute la palette de l’arc-en-ciel est disponible, écran recouvert d’une petite pellicule de protection impeccable.
Résultat : le PC égalise. Un partout.
Communication
- Moutard : impossible de comprendre ce qu’il te raconte. Mais au bout de quelques années il devrait normalement avoir appris ta langue.
- Machine : si tu veux causer avec elle il te faudra apprendre son langage et pas l’inverse.
Moralité : avantage au moutard
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Confort
- Morveux : si tu le poses sur ton bide pendant que tu regardes la télé, il te tient chaud. C’est bueno.
- MacBook : pareil, il te tient chaud, mais en prime il ne risque pas de te régurgiter dessus.
Où en est-on Jean-Mimi ? Ex-aequo, mon cher Thierry.
Résistance à l’eau
- Tchaïld : si tu jettes ton bébé dans la piscine, il meurt.
- Compiouteure : si tu jettes ton PC dans la piscine, il meurt aussi mais tu ne te retrouves pas avec une enquête des services sociaux aux fesses.
Un bon point pour l’ordi. On en est à 3-2.
Volume sonore nocturne
- La marmaille : « BAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA … WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA… »
- La bécane : « LA BASE VIRALE VPS A ETE MISE A JOUR »
Score : je n’accorderai aucun point. COMMENT ON PARAMÈTRE CE TRUC BORDEL ?
Indépendance
- Ton mini-humain : sans sa mère, il est foutu. De toute manière, il ne sait rien faire.
- Ton maxi-calculateur : sans sa carte-mère il est foutu. De toute manière, il sait tout faire mais personne ne sait s’en servir correctement.
Décompte : un point pour récompenser le potentiel de l’ordi. L’écart se creuse. 4-2.
Risque d’addiction
- Gamin : avant de l’avoir, tu lisais, tu allais voir des spectacles, tu sortais, tu avais une vie sociale. Aujourd’hui , tout cela est fini. Tu pourrais le regarder pendant des heures complètement abrutie, un filet de bave coulant sur ton menton, en ne t’exprimant que par onomatopées. Les gens trouvent ça parfaitement normal.
- Laptop : en théorie il t’informe sur les livres que tu pourrais lire, les spectacles que tu pourrais voir, les sorties où tu pourrais te rendre et les amis que tu pourrais rencontrer. Mais en pratique, tu n’en vois jamais la couleur. Si tu ne peux plus décrocher de l’écran, que tu baves, pousses des petits cris et présentes des signes d’instabilité mentale, il y a des chances pour que quelqu’un vienne à ton secours et débranche la prise.
Synthèse : la société semble mieux gérer l’addiction à l’ordinateur. Donc un point pour lui. CQFD.
Et le grand gagnant de cette battle tout à fait impartiale est donc… l’ORDINATEUR !
Vous direz que j’ai trafiqué les scores mais je n’y peux rien : je l’aime d’amour, mon petit netbook. Le matin, mon premier réflexe est d’aller le voir, et le soir, je lui abandonne mon dernier regard attendri. Attentionnée, je l’essuie consciencieusement avec des petites lingettes pour qu’il reste bien propre et je le manipule toujours avec précaution : il est si fragile. J’angoisse à la moindre de ses petites fièvres. Je lui ai acheté une jolie housse à motifs et aussi une souris qui fait « clic, clic ». J’avoue avoir beaucoup de mal à m’en séparer. Je n’aime pas le laisser entre des mains inconnues.
Que voulez-vous, je ne peux pas lutter : ça doit être ça l’instinct maternel…
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
J'ai un Tchaïld version PasDeBraillage et PasDeRegurgitation, alors je me plains pas. (et, just saying, on a toujours des passions et des occupations autres que le marmot. Faudrait pas prendre les mères pour des jambonneaux même si je sais que l'article est à visée humoristique.)