Éduquer plutôt que culpabiliser, voilà le parti pris par la municipalité de Fontibón (un quartier de Bogotá), qui sponsorise une campagne visant à faire baisser le nombre de grossesses adolescentes (la présentation du programme, en espagnol).
Le programme « Un Bébé ? Réfléchis bien ! » cible les 13-19 ans des différents lycées publics de la capitale colombienne. Le but ? Faire prendre conscience de tout ce qu’être parent implique en termes de contraintes et de responsabilités.
L’originalité de cette campagne repose sur le moyen utilisé : les jeunes se voient confier un bébé robot le temps d’un week end, à charge pour eux de s’en occuper correctement. Le bébé robot est confié à un « couple », une fille et un garçon, chacun devant s’en occuper pendant deux nuits. Chaque « parent » porte un bracelet reconnu par le robot : il doit donc toujours être avec le bébé, impossible de le confier à un tiers pour aller faire autre chose… Doté d’un logiciel, le « bébé » enregistre tous les traitements qui lui sont procurés (ou leur absence).
L’échec de la prévention « classique »
L’initiative est partie d’un constat d’échec : la distribution de préservatifs et les campagnes d’informations sur la contraception auprès de ce même public ne permettaient pas d’obtenir une évolution significative des comportements. Le nombre de grossesses constatées parmi les lycéennes a d’ailleurs motivé au départ le choix de cette localité. Aujourd’hui, le programme, prévu pour durer huit mois, vise à être promu plus généralement, y compris dans les lycées où aucune grossesse n’a été reportée.
Un véritable programme éducatif
Il ne s’agit pas uniquement de s’occuper d’un bébé robot pendant quatre jours (du jeudi au lundi) : durant une première phase de sensibilisation, des sujets relatifs à la vie professionnelle, à l’estime de soi, mais aussi à la santé et à la contraception, notamment l’avortement et les MST, sont abordés sous la forme d’une dizaine d’ateliers.
Dans un second temps, les jeunes vont aussi devoir porter un faux ventre, d’un poids équivalent au 9ème mois de grossesse, pendant une quinzaine de minutes. Les jeunes garçons aussi doivent se prêter au jeu, afin de réaliser par eux-même ce que peut être une grossesse. La psychologue Nataly Ardila, en charge du programme à l’hôpital de Fontibón, explique que la première réaction des jeunes à cette simulation de grossesse est d’abord le rire, mais ils s’interrogent rapidement (« Aïe ! Ma mère a vraiment supporté ce poids ? »).
Un cercle vertueux
Le bébé robot est équipé d’un logiciel qui enregistre tous les traitements reçus pendant la durée du test. La psychologue, que les enfants peuvent joindre 24h/24 pendant l’expérience, raconte dans un entretien avec El Espectador :
« Il y a beaucoup d’enfants qui me disent qu’ils perdent patience avec le bébé. Ils me disent « Ça m’a stressé, je me suis énervé et je l’ai frappé, pour qu’il arrête de pleurer ». Et elle ajoute : « le taux de maltraitance infantile est plus élevé chez les parents adolescents, parce que les enfants n’ont souvent ni le charisme ni la patience de faire face à un enfant en bas âge. »
En passant par l’éducation plutôt que par la culpabilisation, l’initiative « Un Bébé ? Réfléchis bien ! » évite l’infantilisation déplacée, comme celle de cette campagne américaine qui visait elle aussi à prévenir les grossesses adolescentes. Il ne s’agit pas de dire aux jeunes Colombien-ne-s qu’ils/elles ne sont pas en âge d’avoir des enfants (comme si ce n’était qu’une question d’âge…), il s’agit de leur donner les clés pour leur permettre d’évaluer par eux-mêmes s’ils se sentent ou non en capacité d’assumer un bébé. Il ne s’agit ni de décider à leur place, ni de leur donner le guide des « bons » et des « mauvais » choix (s’il existe, j’en veux bien une copie !), mais de leur donner les moyens de faire leurs propres choix, en connaissance de cause.
Réaction d’une lycéenne interrogée au micro d’une journaliste (vidéo à voir ici):
« – Qu’est-ce qui est le plus difficile dans s’occuper d’un bébé ?
– Euh… me lever… parce qu’il pleure beaucoup. Et… c’est une belle expérience, mais quand on est adolescent… Non. »
En choisissant de proposer cette expérience aux filles et aux garçons sans différenciation, ce programme part du postulat que le sens des responsabilités, ça s’apprend, y compris la responsabilité d’être parent. Et donc que non, « être mère » n’est pas inscrit dans le code génétique des petites filles, pas plus qu’« être père » ne figure dans celui des petits garçons !
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