La douce saison d’admission post-bac vient de s’ouvrir. Subitement, le bac n’est plus la préoccupation principale : un monde plus vaste s’ouvre devant toi, et tu as entre le 20 janvier et le 20 mars pour choisir ce que tu veux faire de ta vie.
Te voilà pris-e au piège : pas de case « je sais pas » ou « j’hésite encore » sur ce foutu site, et tu vois petit à petit tes potes, avec des paillettes dans les yeux, attendre les réponses. Prépa, fac, année sabbatique, grande école ! Tout ceci a l’air fabuleux, et tu ne comptes plus les magazines étudiants et les conseillers d’orientation qui t’ont parlé des IUT et autres formations professionnalisantes, parce que c’est la crise, et que ça va être dur de trouver du travail après.
Et toi, pauvre toi, qui au fond de ton cœur de petit koala des bois, rêve d’entrer aux Beaux-Arts depuis que tu as tenu ton premier crayon, toi qui gribouille dans les marges de tes cahiers en cours d’histoire, qui à chaque repas de famille passe pour l’artiste, l’original, l’illuminé, sous prétexte que tu as mis deux chaussettes différentes (Dobby style), oui, toi : voilà quelques conseils avant ton entrée dans le monde merveilleux (ou pas) des écoles d’art !
« L’art ça sert à rieeen heiiinnn »
Quand arrivera le moment maudit d’annoncer à ta famille et tes amis que tu tentes le concours des Beaux-Arts, on te dira sans doute « Est-ce que c’est bien sérieux ? Il faut que tu apprennes un vrai métier, c’est la crise ». Ma réponse face a ce genre de discours est relativement simple.
Oui, c’est la crise, oui, il est difficile de trouver du travail aujourd’hui, même avec de grands diplômes. Et puisque les Beaux-Arts, ça ne prépare « à rien », alors ça prépare à tout. On nous apprend à nous adapter, à faire avec les moyens du bord, à être autonome. Ce qui me semble bien plus utile dans le contexte actuel que d’avoir un joli diplôme qui ne me permettra que d’espérer travailler dans un secteur bouché !
Quelle école choisir ?
Maintenant que tu as convaincu toute ta famille que faire les Beaux-Arts était le meilleur plan possible pour ton avenir, il est temps de te lancer dans la pêche à la bonne école.
Une bonne école d’art, c’est avant tout une histoire de goûts personnels. C’est pour ça qu’il ne faut surtout pas hésiter à aller aux journées portes ouvertes : ça permet de découvrir le travail des étudiants, de discuter avec eux, poser des questions !
Si ton rêve est de devenir sculpteur, une école très orientée vers la théorie n’est peut-être pas le choix le plus judicieux. La taille de l’école compte aussi : une grande école offre souvent de plus grands ateliers, mais le contact avec les professeurs et un suivi régulier peuvent être plus compliqués. Chaque école est différente, il est donc assez important d’essayer de se renseigner au maximum pour ne pas se retrouver à subir un enseignement qui ne convient pas.
Par exemple, si tu veux t’orienter vers la bande dessinée, on te conseillera sans doute l’école d’art d’Angoulême, alors que si c’est le design d’objets qui fait battre ton cœur, cette école sera loin d’être la plus adaptée !
Petit conseil : si tu ne tentes que de grandes écoles au concours d’entrée réputé difficile, tu dois garder en tête qu’il est possible que tu ne sois pris-e dans aucune d’elles. Tenter au moins une école moins cotée permet d’assurer tes arrières, et rien ne t’empêchera de retenter le concours l’année suivante, en ayant de l’expérience en plus !
Les dossiers de candidature
Le temps des envois de dossiers approche, tu dois préparer ton oral, parfois répondre à un sujet. Le dossier de travaux personnels varie en fonction des écoles, il n’y a donc pas de recette miracle.
Il ne faut pas hésiter à diversifier ses travaux
. Par exemple, si tu fais principalement du dessin, intéresse-toi aux autres pratiques, tente des choses. La diversité est appréciée : si tu te spécialises dans une pratique avant même d’être dans une école, on pourrait imaginer qu’une école généraliste qui te fera toucher un peu à tout ne t’intéressera pas, et ce serait dommage.
Si tu as un blog ou un Tumblr, imprime quelques pages que tu pourras montrer. Les connexions Internet sont assez foireuses en général : avoir un support papier te permettra de montrer cette partie de ton travail même si le wifi de l’école complote contre les étudiant-e-s !
Prends le temps de faire de belles photos pour montrer les travaux que tu n’as pas pu amener. Même si en général, le jury préfère voir les pièces en vrai, c’est pas toujours évident de transporter son ordi, son carton à dessin demi-grand aigle et huit kilos de céramique. Donc si tu ne peux pas tout emmener, fais attention à la qualité des photos que tu emmèneras, à ta façon de présenter les objets, l’environnement… Si tu veux mettre tes dessins sur ton ordinateur, utilise un bon scanner.
En bref, un traitement de qualité de tes travaux montrera que tu fais attention à la manière de les présenter, de les exposer, ce qui est une problématique qui reviendra tout au long des études d’art.
L’oral et le jury
Avant l’oral, tu peux t’entraîner à présenter tes travaux. Demande à ta famille, tes amis, au buisson de ton jardin de t’écouter répéter encore et encore ta présentation. À force d’avoir le nez dessus, il y a des choses qu’on ne remarque plus : un regard neuf pourra sans doute t’aider à y voir plus clair ! Tu pourras aussi t’entraîner à répondre aux questions, et à montrer tout ce que tu veux dans le temps imparti.
Il est impossible de prédire comment sera le jury, les questions qu’il posera, mais si tu t’es entraîné-e, tu seras plus difficile à déstabiliser, et ça montrera que tu connais ton sujet sur le bout des doigts. Rien de pire que le moment où on te demande tes références artistiques et où seul le nom de la pizza que tu as mangée la veille te revient.
Cet entraînement te permettra aussi de voir ce que tu dois faire avant l’oral. Allumer ton ordi avant d’entrer dans la salle, ça t’évitera de devoir attendre qu’il démarre en souriant tant bien que mal au jury, de patienter pendant que quarante mises à jour décident de s’installer, de régler le volume pour une vidéo…
Pour ton carton à dessins, défais les nœuds avant d’entrer dans la salle, comme ça, même si le dieu de la maladresse te choisit comme maladroit-e du jour, tu ne passeras pas la moitié de ton temps imparti les doigts coincés dans ton carton à répéter « J’arrive, j’en ai pour une minute, ah voilà ! Ah non, heu, je viens de perdre un ongle. Oui c’est une performance. Non en fait non. Au secours. Voilà merci. Je peux aller vomir ? ».
Bien sûr, personne ne peut passer ce concours à ta place, et tu seras seul-e face aux membres du jury, mais j’espère que ces quelques conseils permettront d’aborder plus sereinement ces oraux, et de te lancer avec joie et enthousiasme dans le monde fantastique des écoles d’art ! Force et courage !
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
"Est-ce un vrai métier, est-ce sérieux ? Tout les secteurs sont bouchés de toute façon".
Pour avoir fait 3 écoles d'art différents...
Certes cela m'a permit de m'ouvrir l'esprit, d'être créative à mort et de voir les choses différemment on est d'accord.
J'ai aimé mes études. J'avais dis à mes parents que je voulais faire ses études pour MOI non pas pour un bout de papier. Mais lorsque l'on a 18ans sommes nous bien sûr de nos choix ?
La triste réalité est là. Si l'école n'est pas suffisamment réputé ou n'a pas diverses contactes avec des lieux cultures/galeries and co tu n'auras pas vraiment d'avenir en tant qu'artistes et ta seule alternative sera d'être prof. Car les BA ne proposent rien d'autres !! à moins qu'il y ait des sections diverses, mais encore !
(J'ai fais stylisme de mode à St Luc Tournai, Beaux-arts option Art à Tourcoing-Nord de la France et Beaux-arts option Dessin à l'Académie Royale des Beaux-arts de Bruxelles et avant ça j'ai fais un Bac Sti arts appliqués). Et TOUTES les personnes que j'ai connu dans les différentes sections, que ça soit info, photo, tapisserie, com, graphisme, archi. Tu n'as limite qu'une personne sur cent qui sort de là avec un vrai débouché.
Car il faut se le dire, les Beaux-arts sont avant tout un moyen de s'épanouir et de se connaitre soit même. Mais côté professionnalisant ou débouché en sortant de l'école que ça soit les écoles françaises ou belges c'est un côté manquant. Alors oui on pourra parler des plus "grands artistes" qui ont fréquenté des écoles d'art, ou encore ceux sont devenus artistes en mode autodidacte. Mais la réalité est bien différente de nos jours.
J'aurais sincèrement aimer des cours plus pro pour l'avenir, des modules en partenariat avec des centres culturelles et je pense que c'est là le plus gros défaut des Beaux-arts.
J'ai sincèrement aimé mes études, ma passion, ce que j'en ai fais et ce que je suis aujourd'hui.
Mais je suis désormais "contrainte" à avoir un boulot alimentaire comme beaucoup de personnes sortant des Beaux-arts, comme beaucoup de personnes tout court et ma pratique n'est plus aussi vivante qu'avant. Le temps passe vite, et je me retrouve à 26ans à me demander si je n'aurais pas dû faire un BEP/CAP en mode plombier car désormais je me retrouve trop diplômé pour postuler pour certains boulots mais ça c'est un autre débat.
Cela dis pour ajouter une note positive à mon commentaire, les Beaux arts ont été les meilleurs années de ma vie. Je m'en suis ressorti grandis et plus. C'est à peine descriptible ce que j'ai vécu, la façon dont j'ai évolué dans ma façon de penser, voir la vie, ma pratique etc.
Concernant les concours et dossiers d'admissions/oraux, il faut te vendre comme partout. Tu stresses mais en vrai si tu es un peu barré et tchatcheur, TOUT passe.
Que tu saches dessiner un vase ou non, jsuis dans le cliché on est d'accord mais c'est tellement vrai. La maîtrise de l'outil n'est plus un maître mot pour rentrer dans une école c'est le discours qui prime.
Merci Marcel Duchamp.
Ou non ;D