À quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, l’heure est au commentaire. Benoît Hamon n’aurait pas la « carrure », Philippe Poutou pas le bon vêtement…
Les mensurations comptent-elles pour entrer à l’Elysée ? Un vêtement fait-il une élection présidentielle ? Nos choix électoraux sont-ils influencés par ce que l’on perçoit visuellement, ou auditivement, des candidat•es ?
Vous vous en doutez, la réponse penche vers le oui.
Le physique des candidats peut-il influer sur l’élection ?
De nombreuses recherches suggèrent, par exemple, que l’apparence physique des candidat•es peut avoir un impact déterminant sur la manière dont le peuple les perçoit (et donc sur le déroulement des élections).
Les chercheurs John Antonakis et Olaf Dalgas ont mené une expérience sur le sujet en s’appuyant sur les élections législatives françaises de 2002.
Les deux scientifiques ont proposé à 684 volontaires suisses d’observer les photographies des candidat•es présent•es au second tour et de deviner qui avait gagné.
Puisque les volontaires suisses ne connaissaient pas l’issue du vote français, on aurait pu obtenir 50% de réponses justes, et 50% de réponses fausses. Pas du tout : les chercheurs ont obtenu 72% de réponses correctes !
Quoi, comment ? Les participant•es suisses étaient-ils médium ?
Pour poursuivre leurs analyses, Antonakis et Dalgas ont sollicité 681 enfants suisses, âgés de 5 à 13 ans, dans une expérience tout à fait similaire… à une différence près.
Au lieu de leur demander qui avait gagné l’élection, les chercheurs ont demandé aux enfants « qui devrait être le capitaine d’un navire ».
PAF : les enfants ont choisi le vainqueur de l’élection législative dans 71% des cas.
L’effet halo, ou l’influence du physique sur les compétences
Pour Antonakis et Dalgas, au vu de cette expérience, l’apparence physique des candidat•es pourrait jouer un rôle dans nos choix électoraux. Nous aurions tendance à juger que les candidat•es dont nous validons l’apparence sont les plus compétent•es.
Les sciences sociales nomment ce phénomène l’effet halo.
Pourtant, on est d’accord : jusqu’à preuve (scientifique) du contraire, notre tronche et notre apparence ne sont pas proportionnelles à nos compétences !
La voix d’un candidat influe-t-elle sur le choix des électeurs ?
Deux chercheurs, Gregory et Gallagher, ont supposé que
le timbre de voix des candidat•es pouvait également influencer les résultats d’une élection politique.
Plus précisément, ils ont fait l’hypothèse qu’un candidat avec une voix grave (c’est-à-dire inférieure à une certaine fréquence) pourrait obtenir plus de votes que les autres, parce que cette caractéristique pourrait être associée à une idée de « dominance sociale ».
Gregory et Gallagher ont examiné huit élections étatsuniennes dont les résultats auraient pu être prédits en prenant en compte le timbre de voix des participants !
Plusieurs expériences ont rejoint ce constat.
Dans l’une d’entre elles, des volontaires ont écouté des enregistrement d’inconnu•es dont la voix était modifiée pour être plus aiguë ou plus grave. Verdict : les participant•es avaient largement tendance à préférer les voix les plus graves (qu’elles soient féminines ou masculines) !
De l’irrationalité de nos choix électoraux
Que peut-on retenir de ces expériences ? Apparemment, nos décisions électorales sont peu rationnelles !
Notre perception du physique des candidat•es ou de leur voix peut influencer l’idée que nous avons d’eux et, par ricochet, notre intention de vote.
Nos votes peuvent aussi être influencés par un tas d’autres facteurs. En sciences sociales, plusieurs « modèles » tentent d’expliquer comment se forment nos décisions électorales. On vous en a déjà parlé sur madmoiZelle !
Une fois dans l’isoloir, il est peu probable que nous parvenions à une rationalité et à une objectivité totale. Mais est-ce seulement désirable ?
Après tout, nous choisirons notre bulletin habité•es par ce que nous sommes : nos histoires, nos vécus, nos émotions, nos perceptions, notre envie de voter utile, de voter selon nos convictions ou de ne pas voter du tout.
Pour aller plus loin…
- Comment les électeurs français font-ils leur choix ?
- Qu’il est beau mon candidat !, une tribune signée Jérôme Barthélemy
- Guéguen N., « Si j’étais président… », in Cerveau et Psycho, n°50, avril 2012.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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