MesdmoiZelles, j’ai une annonce à vous faire : je ne suis plus humaine. Je ne suis qu’une vaste épave au squelette en éponge, un vieux bout d’écorce qui flotte sur les eaux de la destinée humaine, un vieux caillou au milieu du désert. Il est 21h42 heure islandaise (22h42 heure française), et je suis décédée.
Mais c’est pas grave, j’le vis bien.
Cette deuxième journée était donc sponsorisée par Bear Grylls, et maintenant je peux l’affirmer : Bear, j’te prends quand tu veux, j’te r’tourne comme une peau de phoque et j’me fais un t-shirt de ta dignité.
V’là la grosse voiture qu’il a
Après un petit déjeuner copieux (note : si vous partez à l’aventure en Islande, faites le plein de graisse, sinon vous allez vite défaillir), notre guide islandais est venu nous chercher en super Jeep (un carosse qui fait 6 têtes de plus que toi, genre tu peux te suicider en sautant du toit tellement c’est haut).
Petite discussion alternative à propos de la voiture du monsieur.
Direction la côte sud de l’Islande, no man’s land par excellence, où l’on peut voir des champs de lave (encore et toujours), des plages de lave et des grottes de lave.
Après avoir crapahuté un peu, on nous annonce que le déjeuner va être un peu spécial, du genre grosse surprise chutchut on vous dit pas mais ça va vous plaire. Deux choses à savoir : 1. sur le programme, y avait marqué “pique-nique à l’islandaise” et 2. il pleuvait méchamment (et la pluie islandaise est extrêmement vicieuse, elle traverse tout, peu importe le nombre de couches de vêtements). Du coup, j’avoue, j’avais un peu peur. Et puis on s’est arrêtés, en plein champ de lave (donc rocaille + mousse + neige, les couleurs de la nature islandaise sont le marron, le blanc et le vert). Là j’me suis dit, ça commence à puer un peu des pieds cette histoire, le pique-nique sous la pluie, j’sais pas pourquoi mais j’le sens pas des masses.
Fort heureusement, le plan n’était pas de déjeuner le cul sur un caillou sous des litres de flotte, les pieds dans la neige. C’était… disons, un peu plus extrême que ça.
Pique-nique spéléo
En réalité, on a déjeuné sous terre.
Nous avons suivi un petit chemin qui nous a emmenés à l’entrée d’un tunnel de lave, qui ressemble à une grotte qui descend sous terre (si tu fais plus d’1m20, gare à ta tête). Et là, j’arrivais toujours pas à croire ni le guide, ni Florence, notre accompagnatrice, qui maintenaient qu’on allait déjeuner dans une cave. Et pourtant, nous avons orné nos têtes de petites lampes, attrapé nos paniers à pique-nique, et nous nous sommes enfoncés sous terre pour découvrir un tunnel de lave suintant (et peu accueillant au demeurant).
Pour descendre, déjà, c’est chaud du slip, vu que l’entrée est recouverte de neige, ça glisse plutôt pas mal. Ensuite, il faut sauter de pierre de lave en pierre de lave sans se vautrer, avant d’atterrir dans le tunnel. Suite à ça, on s’enfonce, et le plafond se fait de plus en plus bas, si bien qu’on finit par avancer accroupis, façon Gollum dans sa caverne.
Ça va être tout noir !
Puis on arrive dans un endroit où on respire un peu mieux, on se pose sur des pierres, et on déjeune. Dans la quasi-obscurité. Avec le plafond qui te goutte dessus. C’est assez particulier, faut accepter les désagréments qui vont avec – zéro confort, humidité, cul trempé, tu vois à peine ce que tu manges – mais putain, tu bouffes dans un tunnel de lave en Islande, donc tu te plains pas trop en fait.
Je ne sais pas ce que c'est. C'était tout noir, j'ai mangé j'ai kiffé.
On s’est même fait un petit plaisir avant de repartir en éteignant nos lampes pour goûter à la VRAIE obscurité, au noir complet, tel que la plupart des citadins que nous sommes ne le connaissent pas. Zéro visibilité + les bruits de la caverne = des sensations pures, comme les produits laitiers.
Après ça, nous sommes remontés dans notre carrosse pour traverser les champs de lave, et là, autant vous dire qu’il vaut mieux avoir l’estomac bien accroché parce que ça secoue. Nous nous sommes ensuite rendus au bord d’un grand lac entouré d’énormes rochers en forme de têtes de trolls.
Là, nous nous sommes mis à l’abri dans une petite grotte et nous avons goûté à deux alcools locaux – la brennivín, et l’opal, deux alcools au goût très fort (l’un ressemble à la vodka en beaucoup plus goûtu, et l’autre à du Fisherman’s Friend liquide). J’ai senti la viking qui sommeille en moi se réveiller, et après mes deux shots, j’ai couru gaiement vers l’eau pour y plonger les mains (avec mes gants, parce que je suis quelqu’un d’intellectuellement brillant) (c’est froid).
Geyser time !
Après cette petite pause vivifiante, où tu sens vraiment la force des éléments dans ta face et où tu te sens touuuut petit, nous avons repris la route. Nous sommes allés faire un tour près des sources chaudes, celles où tu peux pas trop te baigner, à moins d’avoir envie de ressembler à un pilon de poulet KFC et laissez-moi vous dire une bonne chose : ÇA SHMOUTE. Ça pue le soufre, évidemment, donc ça ressemble un peu à un oeuf pourri qui aurait forniqué avec un vieux slip dans les égoûts. Mais, encore une fois, comme t’es en Islande, il pourrait pleuvoir des vaches que ça changerait rien au kiff qu’on ressent quand on se retrouve au milieu de ces paysages incroyables.
Nous nous sommes ensuite arrêtés dans une petite ville (sans doute une des plus moches d’Islande) (c’est pas moi qui le dis hein, j’me permettrais pas) pour boire un chocolat chaud dans un diner/station essence des plus accueillants. En vrai, on était trois à avoir la vessie sur le point d’exploser depuis la pause déj, donc on était à deux doigts d’embrasser le sol du boui-boui tellement ses toilettes étaient les bienvenus dans nos vies.
Ça sent le sapin
À ce moment-là, j’ai commencé à comprendre que mon corps avait ses limites. Je me sentais un peu palotte et barbouillée – en plus d’avoir les vêtements complètement trempés, sensation peu agréable donc. Après cette pause chocolat chaud (à l’eau), nous avons refait un peu de route pour nous rendre dans un resto où je n’ai mangé que deux langoustines et trois cuillères de soupe, sentant que mon corps commençait lentement à fricoter avec la Faucheuse.
Une journée passée à crapahuter au milieu de nulle part, à monter et descendre de la super Jeep 78 fois au total pour admirer différents paysages (bon dieu que c’est beau, quand même), à macérer dans mes fringues trempées et glacées, à me faire gifler par un vent à 7883094 km/h (minimoume) mais surtout, à prendre un pied monstrueux.
Non ce n'est pas le Mordor.
Une claque dans ta face à chaque clignement d'oeil.
Demain, la journée devrait être plus citadine, mais je ne repartirai certainement pas frustrée en matière de sensations fortes. Seul regret : le temps ne nous a pas permis de voir des aurores boréales, alors que c’était ce que j’attendais le plus de ce voyage en venant (mais maintenant je m’en fiche un peu, le reste m’a tellement sciée que je n’en souffre pas trop).
PS : mon foie prévoit de faire ses bagages et de demander le divorce en rentrant en France, mais sinon ça va.
Rendez-vous demain pour la suite des aventures de Jack !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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