Il est rare qu’un film fasse autant de battage avant même d’être arrivé sur les écrans : d’abord la découverte de ce Joker à l’allure morbide, incarné par un Heath Ledger dont on murmure déjà qu’il sera au sommet de son art, puis le tragique décès de l’acteur et enfin les premières reviews aux US, toutes plus unanimes les unes que les autres.
Batman, un gars comme toi et moi
Batman fait partie de ces quelques super-héros à ne pas être doté de super-pouvoirs : il a juste la bat-gnac, un bat-costume et une bat-capacité accrue à enfiler les bat-bourre-pifs. Dans les comics US, quelques auteurs ont joué sur cette veine ultra-réaliste, faisant souffrir l’homme chauve-souris de mille blessures et le réduisant à l’état de « simple » être humain.
C’est la voie qu’a choisie Christopher Nolan pour adapter Batman au cinéma. Son premier, Batman Begins, traçait déjà les grandes lignes de ce que serait le suivant : sombre, dur, violent, ambigu. Pas blanc, ni noir, mais gris.
« Oh oui, vazy, fesse-moi, grand fou ! »
« Vous allez m’arrêter pour quel motif ? »
Le scénario donne de suite le ton : Batman (Christian Bale) a donné l’exemple et a incité tout Gotham à se rebiffer contre la pègre. En tête de cette rébellion citoyenne, le Procureur Harvey Dent (Aaron Eckhart), qui prend un malin plaisir à coffrer le malfrat pour mangeage de choucroute interdit.
C’est dans ce contexte un peu tendu du slip pour les méchants que se pointe le Joker, bien décidé à ré-inculquer la trouille aux habitants de Gotham…
Quatre choses, juste quatre
S’il ne fallait retenir que quatre choses de ce Batman, ce serait celles-ci :
– L’ambiguité des personnages, Harvey « Double Face » Dent en tête. Plus que dans n’importe quel autre film de super-héros – ou plus globalement dans un blockbuster estival – les lignes tracées sont floues, les caractères des personnages n’obéissent pas au traditionnel distingo bien/mal, gentil/méchant.
Batman n’est pas un super-héros invicible, il se recoud tout seul salement blessé par un molosse. Le Joker n’est pas un méchant assoiffé de pouvoir et d’argent, il est bien plus complexe que ça… et le Procureur Harvey Dent finit par adopter le « on n’est jamais si bien servi que par soi-même » quand il s’agit de se venger.
– La performance d’Heath Ledger est… inracontable. Vraiment, il faut le voir. En VO de préférence. Ce mec a absorbé, digéré tout ce qui fait le Joker. Il a dû s’avaler des centaines de comics, tellement il l’incarne à merveille. Le Joker est le vrai héros de ce film, ce qui en dit long sur sa teneur en darkness. Dans un tout autre style que celui de Jack Nicholson dans le Batman original.
La scène – sans le moindre son – où il s’enfuit à bord d’une voiture de police, cheveux au vent, au petit matin est sublime. Elle mérite à elle seule de retourner voir le film.
Avec une image qui bouge, c’est encore mieux.
– On tient là le meilleur Batman de la série et sans doute le meilleur film de super-héros, tous confondus. En tout cas, y’a match avec le Spiderman 1, qui valait — à l’époque — à lui seul le déplacement pour la claque visuelle qu’il envoyait.
Ce Batman-là n’est pas un modèle de film d’action, les scènes de bagaaaarre ne sont pas trancendantes – il en manque certainement une d’anthologie pour boucler le film.
– Et bon sang, le film donne à réfléchir sur la nature humaine, sur le rapport entre le Bien et le Mal sans jamais tomber dans le larmoyant, dans le sortage de trompettes et drapeaux étoilés (la scène des ferrys bombes à retardement s’arrête juste là où il faut, ni pas assez, ni trop). Sans oublier le dernier monologue, qui illumine le spectateur sur la signification de ce titre abscons. C’est trop rare, les films où tu comprends toute la finesse du titre dans les cinq dernières secondes.
En tout cas, on espère que le prochain sera de la même trempe, avec ou sans Joker… espérons sans, tellement le potentiel successeur d’Heath Ledger aura fort à faire.
Salut, l’artiste.
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