Publié le 2 novembre 2013.
Si on m’avait dit, il y a trois ans, que je serais barmaid… je ne l’aurais pas cru. De nature plutôt timide, je n’aurais jamais osé déposer mon CV dans un bar ! Qu’est-ce que des professionnels auraient fait d’une jeunette de 20 ans pas fichue de porter plus de deux verres à la fois ?
Suite à deux années d’échec à la fac, une année de césure m’a parue nécessaire pour faire le point, parce que manifestement, les études ce n’était pas trop mon truc.
J’ai donc naturellement pris la décision de chercher un travail pour ne surtout pas rester un an sans rien faire.
Alors que je me préparais à déposer mon CV dans plusieurs enseignes le lendemain, avec mon groupe de copains on s’est retrouvés pour boire des coups dans un pub. En discutant avec le barman j’ai appris qu’une place se libérait !
Ni une ni deux, je lui dis que je cherche du travail, à temps plein, et que travailler la nuit ça ne me gêne pas du tout. J’ai eu un entretien deux jours plus tard, et la semaine d’après… je faisais mon premier jour d’essai en tant que barmaid.
Petite introduction au métier de barmaid en boîte de nuit
Avant de continuer, je voudrais faire une petite précision : on dit barmaid pour les filles, et barman pour les garçons. Pour moi c’est un job, pour certains c’est un métier. Il y a même des écoles et des formations pour apprendre le flair ou la mixologie.
Eh, je vous vois venir : « Le flair ? Pour sentir ? » : le flair c’est l’art de jongler avec des bouteilles d’alcool et des shakers ; le but final est de servir un cocktail.
En gros c’est boire en ayant le plaisir des yeux, il y a même un championnat du monde de flair. La mixologie, c’est comme la cuisine mais pour les cocktails : c’est l’art de bien assembler les alcools, liqueurs et soft pour avoir à la fin un cocktail bon et beau.
De l’art je te dis, de L’ART.
Travailler en boîte de nuit : mes débuts
Comme si être une barmaid débutante ne suffisait pas, j’ai fait mon premier jour un vendredi de 18h à 5h, début de week-end, le deuxième plus gros jour pour les bars et les boîtes — le premier étant le samedi.
Heureusement j’ai eu une super prof, qui m’a tout expliqué du début à la fin, plusieurs fois, et patiemment.
Si ma première bière n’a pas été une réussite, il a suffit de me montrer que pour éviter la mousse, on colle la pinte à la pompe et on l’incline. J’ai eu la chance de tomber dans une super équipe de barmaid, exclusivement féminine (sans compter le manager) qui m’a parfaitement intégrée et où tout le monde s’entendait bien.
Le fait qu’on ne fasse que du service au bar est un vrai avantage : à part pour ramasser les verres, pas besoin de se mêler à la clientèle transpirante et plus ou moins saoule ! Ce premier soir a satisfait mon manager et il m’a proposé pour commencer de faire deux soirs par semaine, qui se sont transformés en cinq.
Je suis arrivée pile au bon moment car la carte des cocktails a été changée une ou deux semaines après mon arrivée : ça voulait dire que tout le monde allait un peu recommencer à zéro, comme moi. Après ça, on en a passé des soirées à se hurler d’un bout à l’autre du bar « Y A QUOI DANS LE COCKTAIL MACHIN ?! », nos voix étant recouvertes par les 120 décibels de la musique et le brouhaha des client-e-s !
Les bons côtés du métier de barmaid en boîte de nuit
Ce qui est génial, c’est que si tu travailles dans un établissement cool, tu peux t’amuser et inventer des cocktails pour toi ou un client lorsqu’il te dit « fais ce que tu veux, surprends-moi » (la bonne blague). Quand je dis « un cocktail pour toi » c’est que… oui, on peut picoler derrière le bar.
Un jour un habitué m’a posé la question : « mais t’as accès à tout l’alcool que tu veux, comment tu fais pour pas être déchirée tous les soirs ? ».
Alors les premiers mois ont été alcoolisés mais pas à outrance, et surtout pas tous les soirs ! Je n’ai jamais été bourrée au taf, imaginez la barmaid, saoule, en train de vomir derrière le bar, ce n’est pas possible, y a des limites quand même.
Quand c’est le week-end et que tu vois tout le monde s’amuser, t’as juste envie de rigoler un peu avec tes collègues aussi, c’est normal : on est humaines.
Cela dit, au bout d’un moment, tu prends tellement l’habitude d’avoir de l’alcool à portée de main que ça perd de son intérêt. Si j’avais dû picoler chaque soir juste parce que j’en avais l’occasion, je serais devenue alcoolique.
Aujourd’hui, si je prends un shot une fois par mois c’est le bout du monde !
Les côtés un peu relou de travailler en boîte de nuit :
- Si tu as un problème ou si tu vois une dispute qui commence, tu dois prévenir la sécurité tout de suite.
- Il faut remplir les stocks chaque soir ou au cours de la soirée, changer les fûts de bière…
- Tu dois vérifier que personne ne passe derrière le bar pendant que tu as le dos tourné, faire attention que personne n’essaie de se servir une bière tout seul. Oh coucou, une main qui passe entre les pompes et qui appuie sur tous les boutons dans l’espoir d’avoir de l’alcool gratos ! Sérieusement, ne faites pas ça, au risque de vous faire malmener très sérieusement par le staff.
- Ramasser les verres en salle en te faisant bousculer dans tous les sens par les gens qui dansent et qui ne te voient pas, même quand tu hurles « PARDON ! PARDON ! PUTAIN MAIS CASSEZ-VOUS
CONS DE MIMES! ». Le ramassage de verres devient un art : si t’en ramènes quatre à chaque fois c’est pas possible, donc tes mains se musclent et à la fin tu deviens capable de récupérer jusqu’à 30 verres à chaque aller-retour. Tu deviens Terminator, quoi.
Petite joueuuuuse !
Quand tu es barmaid, l’enfer, c’est les clients
Au niveau des clients, j’ai très vite appris qu’en fait, mon job de barmaid c’est du baby-sitting pour adulte… à la différence que là, quand t’en as marre, tu les mets dans un taxi et t’es tranquille !
Petit florilège des meilleures techniques relous, techniques de grattage, techniques d’arnaque.
— Bonjour, je vous préviens que l’happy hour est terminée. — Oh, allez ça fait juste 5 minutes que c’est fini !
Pour ce qui est de l’happy hour, ce n’est pas nous qui décidons arbitrairement que c’est fini pour tout le monde, y compris pour toi qui demande si gentiment.
J’accuse ouvertement la caisse : elle est programmée pour qu’à telle heure, les prix reviennent à la normale. Donc que ça fasse 10 secondes, ou 5 minutes, ça ne sert à rien d’insister en disant « Alleeeez, j’ai que quatre euros sur moi », ce n’est pas mon problème et en plus c’est un peu du chantage.
— Je voudrais une vodka orange — Ah, désolée, je suis en pénurie de jus d’orange, je peux vous servir autre chose ? — Plus de jus d’orange ?! Ah bah, ça mérite un verre gratis !
Non. Désolée mais non, ça ne mérite rien du tout, pas plus que les dix premières fois qu’on m’a fait la blague.
— Eh tu m’offres un shot ! J’ai pris trois cocktails j’ai beaucoup consommé hein !
Toujours pas : en me demandant, tu as désintégré toutes tes chances.
Ça nous arrive quand même d’offrir des shots ou des verres aux clients sympas, à ceux qui laissent des pourboires régulièrement, à ceux qui ont effectivement BEAUCOUP consommé dans la soirée (une ou plusieurs bouteilles, plusieurs mètres de shots, ou une quantité respectable de verres).
On n’est pas des monstres.
— Hé mais y a pas d’alcool dans mon verre !
Alors oui, ça peut arriver, et la plupart du temps je remets une dose sans me prendre la tête. Par principe je n’ai jamais goûté le verre d’un client — même quand il me le met sous le nez en me disant « Mais goûte, GOÛTE ! » — cependant on peut flairer le verre pour vérifier.
Quand le même client revient plusieurs fois dans la soirée, ou demande aussi aux collègues, là je crois qu’on peu dire qu’il se fout un peu de notre gueule, et il ne sera plus servi de la soirée (quand on a quelqu’un dans le collimateur, on met tout le monde au courant).
— Et sinon tu t’appelles comment ?
J’ai toujours trouvé ça très embarrassant quand un client que je ne connais pas me demande mon prénom, souvent pour mieux me harceler (« Eh Machin ! Maaachiiin ! Tu me mets deux pintes steuplé ! »), mais le pire c’est quand tu es en plein rush, qu’il y a 40 personnes qui attendent d’être servies et que le mec pense que c’est le bon moment pour taper la discut’ et faire connaissance.
— Bonsoir ! [se retourne vers sa copine] Au fait tu veux quoi ? — Ah je sais pas vous avez quoi ?
Par pitié, quand vous voyez qu’on a du monde, préparez votre commande, ne nous appelez pas pour nous demander ce qu’on a alors qu’il y a un panneau de deux mètres sur deux qui regroupe tous les cocktails et que c’est écrit en ÉNORMES lettres. Pitié.
— Un mojito s’il vous plaît ! — En fait il m’en faudrait un deuxième. — Je vais en prendre trois finalement.
Vous savez le temps qu’on perd à faire les allers-retours pour rien alors qu’on aurait pu faire les trois à la chaîne ? Vous savez que le mojito est l’un des plus longs cocktails à faire ? Et vous savez que quand on arrive à la fin de la soirée et qu’on a fait 80 mojitos, eh ben le mojito ça devient notre CAUCHEMAR ? Maintenant, vous le savez.
Je m’explique : vu que le mojito prend plus de temps à faire que le reste (disons 30 ou 40 secondes dans les mauvais jours), tu dois rester à un endroit fixe pour le concevoir, donc les clients en face de toi pensent que tu ne fais rien et qu’ils peuvent te balancer leurs commandes sans dire bonsoir ni s’il vous plaît. Sauf qu’ils ne savent pas que généralement tu as déjà trois ou quatre commandes en attentes dans ta petite tête.
Barmaid : entre claquements de doigts et impatience
Pour ce qui est des attitudes, ce qui est rédhibitoire c’est les gens qui claquent des doigts (si tu fais ça, ne t’étonne pas d’attendre plus que les autres), ceux qui chuchotent, ceux qui secouent leurs billets ou leur cartes bleue… je sais que ce n’est pas toujours méchant mais moi, ça me donne l’impression d’être rabaissée.
Paradoxalement, il y a aussi ceux qui mettent 12 000 ans à sortir leur moyen de paiement, comme si tu n’étais là que pour eux.
Ceux qui se mettent au bout du bar et qui se penchent jusqu’à tomber par-dessus le comptoir pour t’interpeller, juste pour commander…
J’avoue que quand quelqu’un se met au bout du bar et me fait de grands signes, je vais toujours le voir, parce qu’en général c’est qu’il a un problème, qu’il veut un verre d’eau parce que son copain ne sent pas bien, ou que sa copine s’est coupée avec un verre cassé.
Alors les fausses alertes, c’est très énervant vu que tu t’interromps dans ton travail pour réaliser que la personne veut juste aller plus vite que les autres. Et enfin, comme partout, honte à ceux qui ne disent pas bonjour, ni merci, ni s’il vous plaît !
Cela dit, les relous mettent de l’ambiance et surtout, ils nous font apprécier encore plus les client·es cool !
Alors… barmaid, ça te tente ?
À lire aussi : Comment être une super cliente au bar, selon les barmaids
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires