Aaaah… Barbara… Une grande histoire d’amour ! Depuis que mes mirettes l’ont découverte, je la cite à chacun de mes jurys, ses slogans, son discours… Je trouve le tout passionant et vraiment percutant… Dis, tu m’laisses t’en parler à toi aussi ?
Barbara Kruger est donc née en 1945, dans une banlieue de New York ; la grande dame a fait des études à la Parsons School of Design de Syracuse, dans le domaine de la publicité. Elle a commencé à travailler comme designer et comme peintre pour des agences de publicité, et, petite anecdote-qu’elle-est-rigolote : Barbara Kruger a débuté son travail en tant que graphiste pour un magasine nommé… Mademoiselle ! Travailler dans ce domaine n’a pas été anodin : elle a pu étudier et apprendre les techniques de communication, de construction des images destinées à la publicité, à la presse, techniques qu’elle réutilisera ensuite pour ses oeuvres.
…to provoke questions about power and its effects on the human condition : to investigate the way power is constructed, used and abused… *
* Provoquer des questions concernant le pouvoir et ses effets sur la condition humaine : étudier la manière dont le pouvoir est construit, utilisé et abusé…
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Sans titre (I shop therefore I am), 1987
Sérigraphie, 282cm x 287cm
Ses influences sont variées : John Heartfield (Dadaïste, précurseur du photomontage, nous y reviendrons…), les photomontages des constructivistes El Lissitzky (clique ici pour voir une de ses oeuvres sur le site du MOMA) ou Alexandre Rodtchenko (clique ici pour voir une de ses oeuvres sur le site du MOMA). Elle fait aussi référence aux mouvements d’émancipation des femmes des années 70, ainsi qu’aux discours de contestation des années 80 et 90.
Son travail est extrêmement reconnaissable : images noires et blanches empruntées à la presse barrées de slogans et de cartouches rouges, le tout associé grâce à la technique du photomontage. Les images possèdent une agressivité visuelle ainsi qu’un message parfaitement lisible. Les thèmes récurrents sont, entre autres : la politique, la sexualité, l’identité individuelle, les relations de pouvoir…
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Sans titre (Questions), 1991
Sérigraphie, 167cm x 236cm
Les slogans interpellent toujours le spectateur via un « you » ou « your ». Ils font référence au pouvoir, et à la manière dont le pouvoir détermine nos vies, nos comportements, nos corps, mais ils rappellent aussi le combat, la dénonciation, et l’appel à la lutte collective.
Ils s’adressent à chaque spectateur, mais plus précisemment aux femmes, qu’elle invite à « s’éveiller » face à une hiérarchie établie (par des hommes) entre les deux sexes, à « déconstruire » l’image de la femme que la société a créée.
Je considère mon travail comme autant de tentatives de détruire certaines représentations et d’introduire une spectatrice féminine au sein d’un
public masculin.
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Sans Titre (Your Body is a Battleground), 1989
Sérigraphie, 285cm x 285cm
Barbara Kruger entend « désaliéner les corps et les consciences ». Et c’est d’ailleurs avec ses messages qu’elle marque un écart entre son travail et une affiche publicitaire : alors que la pub tente « d’imprimer » un message dans la conscience de celui qui la lit, Barbara Kruger utilise des slogans qui destabilisent : le spectateur n’a pas ses « bases habituelles » pour le comprendre, il doit alors le décoder : A qui le « you » s’adresse-t-il ? A la personne représenté ? A moi, spectateur ? Les images représentent frequemment le corps humain : Barbara Kruger envisage le fait que le corps est une marchandise, en associant à la fois l’image et le pouvoir, elle montre à quel point les représentations faites par les médias sont liées au pouvoir qui est exercé sur nous.
L’un des concepts qui m’intéresse le plus chez Barbara Kruger, c’est la notion de « Source unique d’image ». Je trouve que cette idée est totalement en phase avec notre époque, et qu’elle peut même être actualisée aux dernières années. Je pense notamment aux grosses banques d’images comme Getty Images : ces images sont tellement mises en scènes qu’elles sont en décalé par rapport à la réalité, et pourtant elles sont utilisées dans le monde entier, dans la presse, sur internet, un peu comme si tous les modes de vies étaient semblables, et n’avaient qu’une seule manière d’être représentés.
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Sans Titre (No), 1985
Lithographie Offset et Sérigraphie, 52cmx52cm
Les travaux de Barbara Kruger prennent des formes diverses : ils sont exposés dans des lieux publics (panneaux d’affichages), mais aussi des installations dans des galeries, des musées… Certaines affiches sont imprimées sur des t-shirts, des sacs (sur lesquels étaient inscrit le fameux message « I Shop Therefore I Am »). En 1997, Barbara Kruger propose une installation vidéo : 3 films sont projetés côté à côté, séparés par de minces cloisons. On y a voit 3 visages, qui hurlent au spectateur des monologues construits à partir des messages des séries télévisées, des films de Spike Lee, de Scorsese : « Look At you. You’re such a loser. Look at you. Yuck » « You Make me sick. You Make Me Nauseus » « I Do Not Know How to Love », « Just Shut Up… Just Get The Hell Out of My Life »… Cette installation s’appelle « Power, Pleasure, Desire, Disgust », comme si, être vivant, c’était cela : désirer, implorer, haïr, supplier.
« Je n’ai pas de réponses, je m’intéresse simplement aux questions »
Et juste par plaisir, nous allons jouer au jeu des ressemblances… Il y a un peu plus d’un an nous étions en pleine campagne présidentielle, rappelons-nous l’affiche pour Ségolène Royal :
Ca ne t’évoque rien à présent ?
En conclusion, Barbara Kruger fait partie de ces artistes qui ont su associer à leurs oeuvres une portée sociale, féministe, politique, militante, ce qui fait d’elle une artiste incontournable, dont les questionnements sont toujours d’actualité, voire encore plus aujourd’hui.
Pour aller plus loin :
http://www.barbarakruger.com
Love for Sale, de Kate Linker
Remote Control : Power, Cultures, and the World of Appearances, de Barbara Kruger
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