Barbie, féministe ? La réalité des usines Mattel semble bien différente. Depuis vingt ans, l’association Actionaid, en collaboration avec China Labor Watch, dénonce les conditions des salariées dans les usines de la marque en Chine.
Pour arriver à ces conclusions, plusieurs enquêteurs et enquêtrices ont intégré comme simples ouvrières le site du Foshan Nanhai Mattel Precision Diecast, exploitée par Mattel.
Et le constat est sans appel : le géant du jouet continue de bafouer les droits des ouvrières. Au-delà de ces violations, un nouveau phénomène inquiétant est apparu : des cas de violences sexistes et sexuelles.
Des salaires trop bas, trop d’heures et des cadences infernales
Les conditions de travail inhumaines en Chine sont un secret de polichinelle : le site exploité par Mattel dans la province de Guangdong n’est pas une exception. Au sein de l’usine, les employées travaillent toujours davantage pour un salaire dérisoire.
Selon l’ONG Worker Empowerment, en supposant deux revenus, une ouvrière aurait besoin d’une rémunération allant de 448€ à 488€ pour vivre. Or chez Mattel Foshan, les femmes gagnent la moitié du salaire vital, soit 242€.
Par ailleurs, les travailleuses sont contraintes de faire des heures supplémentaires : plus de 110 heures par mois en haute saison. Une situation qui va à l’encontre du droit du travail chinois qui prévoit un plafond de 36 heures max. Durant cette période, le salaire est légèrement réévalué allant de 442 à 520 €.
Pour résumer, les femmes travaillent « 11 heures par jour, de 7h30 à 19h30, avec 40 minutes de pause pour déjeuner et 20 minutes dans l’après-midi, six jours sur sept.»
Un rythme de travail terrible dans des conditions de sécurité déplorables.
« Les travailleuses des usines de jouets entrent en contact avec toute une gamme de produits chimiques toxiques, comme les diluants à peinture, le n-hexane et d’autres solvants », alerte Actionaid.
Alors qu’elles sont exposées à des produits nocifs, l’équipement fourni n’est pas suffisant pour les protéger. On est loin du glamour de Barbie, donc.
Harcèlement sexuel et violences sexistes chez Barbie
Alors que, depuis quelques années, Barbie tente de changer son image en surfant sur l’inclusivité et le féminisme, la réalité des chaînes de production Mattel est différente.
Pour maintenir le rythme de travail insoutenable, la technique des chefs de ligne pour motiver les salariés se résume en deux mots : « harcèlement et l’humiliation ».
Une femme témoigne : « J’ai l’impression que les chefs ne crient jamais sur les hommes alors qu’ils travaillent souvent moins vite et sont moins productifs. Une fille de ma ligne a quitté l’usine parce qu’elle se faisait réprimander jusqu’à ce qu’elle pleure. »
En parallèle, un fait frappant est apparu : le harcèlement sexuel. Au sein de l’usine Foshan Mattel, pour la première fois, des cas ont été rapportés. La main-d’œuvre qui est majoritairement masculine « fait des avances aux travailleuses saisonnières, en se montrant parfois pressants ». Dans ces conditions, les ouvrières ne se sentent pas en sécurité sur les chaînes d’assemblages.
« L’une d’elles a été suivie après le travail par deux collègues masculins qui l’ont prise en photo à son insu. Elle se sent en danger mais n’a osé en parler à personne de peur de ne pas être crue », rapporte l’enquêtrice.
Par peur de perdre leur emploi, les ouvrières préfèrent taire les agressions dont elles sont victimes. Seulement 4 sur 10 ont rapporté des faits qui pourraient être qualifiés de harcèlement sexuel.
Un climat hostile et d’impunité qui dure
Dans une autre usine, même constat. Une nouvelle enquête en immersion dans la ville de Dongguan, révèle « un climat de harcèlement sexuel banalisé ».
Un phénomène qui s’étend sur le réseau social WeChat, équivalent asiatique de WhatsApp : dès lors qu’on intègre l’entreprise, on est ajouté au groupe de discussions sur le réseau social. La messagerie est alors utilisée par les hommes pour harceler sans relâche les ouvrières.
a eu accès aux échanges révélant « des propos sexistes, à caractère sexuel ou humiliant pour des collègues ». Malgré un rappel à l’ordre sur le réseau, le phénomène continue.
Un manque de réponses chez Mattel
À la publication de cette première enquête, Mattel a lancé un audit au mois janvier 2020 de deux jours qui n’a conclu à « aucune violation des critères d’octroi de son label éthique » accordé par la Fédération internationale des industries du jouet. Pour résumer, c’est « circulez, il n’y a rien à voir ».
En réponse à ces enquêtes, ActionAide demande à Mattel de « faire cesser l’impunité et de toute urgence, adopter une politique ambitieuse de prévention, de sanction et de réparation ».
« Les féministes chinoises continuent de se mobiliser avec pugnacité pour le respect des droits des femmes dans le pays, malgré les pressions», souligne Li Qiang, fondateur du China Labor Watch.
Le changement viendra peut-être du gouvernement.En 2019, la Chine a adopté un nouveau code civil. Pour la première fois, la loi oblige les entreprises à lutter contre le harcèlement sexuel. Une lueur d’espoir…Mais encore faut-il qu’il soit appliqué.
Si Barbie a eu tendance à être considérer comme un symbole de la libération de la femme, il semble qu’elle a du mal à libérer la parole des ouvrières.
Après publication de cet article, Mattel nous a apporté cette réponse :
Chez Mattel, nous sommes engagés à apporter un environnement de travail sûr et sain et à veiller à ce que tous les employés de l’entreprise, y compris dans nos usines, soient traités de manière équitable et respectueuse.
Nos sites de production sont tenus de suivre les pratiques, réglementations et protocoles de sécurité du secteur. En outre, le programme Ethical Toy Program de l’ICTI procède régulièrement à des audits de nos installations de fabrication de jouets pour s’assurer que les normes de sécurité et de travail y sont respectées.
Nous prenons ces allégations extrêmement au sérieux et allons mener une enquête approfondie afin de continuer à apporter un environnement de travail sûr à nos employés.
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