Et si on profitait de ce week-end marqué par le festival Séries Mania pour se faire ou se refaire une bonne série ?
Bang Bang Baby, une ado en quête d’amour paternel
Alice n’est pas une ado très joyeuse. Difficile pour elle de mener une vie insouciante, faite de fêtes et d’amitiés, quand son père a été tué sous ses yeux alors qu’elle n’était qu’une enfant.
Un jour, Alice tombe sur une photo dans un journal. La photo d’un homme qui ressemble étrangement à son père.
Alice, sûre que sa mère lui a menti sur le décès du paternel, prend un bus pour Milan et se rend dans une maison qu’elle croit être celle de sa grand-mère paternelle.
Elle y trouve bien la femme qu’elle était venue chercher, une femme abrupte et menaçante, qui prend toutefois immédiatement Alice sous son aile.
À la demande de l’adolescente, elle l’accompagne jusqu’à un centre de détention, où son père se tient dans une cellule.
Alice, émue, déconcertée, promet à son père de l’aider à sortir de là, et à faire disparaître les preuves de sa culpabilité dans on ne sait quelle affaire.
C’est le début d’une nouvelle vie pour Alice, une vie violente, au sein d’une organisation mafieuse, qui va profondément modifier sa vision du monde et de l’humanité.
Bang Bang Baby à travers les yeux de son réalisateur Michele Alhaique
Pour approfondir notre compréhension de cette série à la fois pop, de par son esthétique 80’s, et terriblement sombre, on a tenu à rencontrer son réalisateur.
Il s’appelle Michele Alhaique, et c’est dans un costume anthracite qu’il nous a reçu, à quelques pas de la mer et des yachts cannois, à la gare maritime où se dressent des box en bois, qui accueillent les confidences que les artistes veulent bien faire aux journalistes.
Madmoizelle : L’origine de l’enrôlement d’Alice, c’est sa quête d’amour paternel. Et pour vous, quelle a été la genèse de ce projet ?
Michele Alhaique. En fait, c’est le créateur de la série qui m’a appelé pour ce projet. Ensuite, il y a eu le confinement et ensuite, Amazon m’a contacté pour me parler du projet. Quand j’ai lu le scénario, j’ai été conquis. Il y a avait une explosion de tons différents, c’était flamboyant. Au début j’étais effrayé parce que je n’avais pas d’autres références de films ou de séries qui ressemblaient à ce programme et qui auraient pu m’aider à savoir comment mettre en scène cette histoire. Comme vous le savez, en Italie, on a tendance à faire des séries qui ressemblent toujours à ce qu’on a déjà vu, et au contraire là je me suis retrouvé avec quelque chose de tout à fait nouveau, à façonner entièrement. Dans un premier temps, j’étais totalement effrayé et ensuite, ça m’a enthousiasmé. Je voulais que les transitions entre les différents tons de la série soient fluides, qu’il y ait des ponts qu’on ne remarque pas. Justement, la pandémie m’a permis de bien lire le scénario et de bien préparer ce projet, qui est très important pour moi.
Madmoizelle : Ce qui nous a particulièrement marqué, dans Bang Bang Baby, c’est la représentation des personnages féminins, qui sont tous très puissants. On a la grand-mère, qui décide clairement de tout à la place des autres et menace un gardien de prison, la mère qui menace la grand-mère, et Alice, prête à tout, même au plus grave, au plus violent, pour mener sa quête à bien. C’était important pour vous de façonner des héroïnes d’envergure ?
Il est vrai qu’il y a une tendance depuis quelques années à se focaliser davantage sur les rôles féminins, et à raison. Jusqu’à très récemment, les femmes dans les scénarios étaient des faire-valoir, des « femmes de » par exemple, mais maintenant on a compris qu’on peut avoir des personnages féminins qui ont une belle épaisseur, une centralité, qui sont le personnage principal et pas le support des autres personnages masculins. Bang Bang Baby m’a donné l’opportunité de mettre en scène différentes facettes de la féminité.
Madmoizelle : Il y a une vraie recrudescence des séries dramatiques qui mettent en scène des ados. Je pense évidemment à Euphoria, dont l’une des actrices principales était présente sur le tapis rose de Cannes hier soir. Pourquoi, d’après vous ? Est-ce qu’ils sont le support à plus d’empathie, ces personnages en quête d’identité ?
En fait, avant de faire Bang Bang Baby, j’avais déjà travaillé avec des très jeunes gens, et je trouve ça particulièrement intéressant. Par exemple, dans mon dernier court-métrage, les personnages principaux étaient 3 enfants. Il est vrai que les ados et les enfants sont des personnages centraux de plus en plus de programmes et je pense que c’est tout simplement parce qu’il y a un enfant qui sommeille en chacun de nous. C’est quelque chose de central, l’enfance. En fait, ce n’est pas du tout facile de raconter l’adolescence, c’est même très complexe. Moi, j’ai grandi avec Les 400 coups, c’est un film qui me colle à la peau, et je pense que c’est important comme projet de raconter l’adolescence sous plusieurs formes, notamment via le drame, car nous l’avons tous expérimentée et l’on sait très bien que les émotions que l’on a ressenties à cet âge sont des émotions pures. Il n’y a pas de références culturelles ou sociales qui vont influencer d’une manière ou d’une autre ce que l’on ressent et je pense que le cinéma et la télévision ont besoin de cette clarté. Nous rencontrons Alice, dans le premier épisode, alors qu’elle a déjà vécu 10 ans sans son père, en pensant que celui-ci est mort, et donc cette absence est un vide, un gouffre qu’elle a cherché à remplir avec la boulimie. Il fallait donc pouvoir raconter ça de manière directe, avec une spontanéité directe.
Madmoizelle : Vous parliez tout à l’heure des 400 coups, et aussi du manque de diversité de tonalités dans les programmes italiens. Est-ce que le cinéma français, connu pour la multiplicité de ses facettes, a influencé vos créations d’une manière ou d’une autre ?
Je considère que la production française est une référence, en matière de cinéma, en effet. C’est un cinéma qui m’inspire, de plein de manières différentes. Surtout Les 400 coups, en effet (rires).
Vous avez également réalisé plusieurs épisodes de la série Au cœur de la mafia. Avec Bang Bang Baby, vous retournez à l’univers brutal de l’organisation mafieuse. Pourquoi une telle appétence pour l’univers du crime ?
Ce qui me plait, je vais vous dire, c’est la dimension extrême de cet univers où les besoins exprimés sont quasiment primaires. Ce qui me fascine c’est que c’est un monde dans lequel on côtoie tout le temps, de manière directe, la vie et la mort. Et ce sont les personnages dans toute leur complexité qui vont nourrir de nuances ce monde assez drastique, assez radical, qu’est celui de la criminalité.
Michele Alhaique, après un au revoir chaleureux, est retourné à la lumière des rues de Cannes, qui contrastent catégoriquement avec le monde âpre de son cher Bang Bang Baby.
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