Notre héros est irascible, malpoli, condescendant. Il boit trop, fume trop, mange mal, dort peu, a toujours l’air d’avoir besoin d’une sieste et d’une douche, et il s’en bat les steaks. Il se permet des réflexions racistes, sexistes, des « blagues » chargées d’humour noir irrespectueux, mais au fond, il a des failles, une peine cachée sous sa carapace de mauvaise humeur. Mais notre héros est le meilleur dans son domaine, et excelle dans son job…
Vous ronflez un peu ? Oui, c’est normal : c’est le pitch d’environ un milliard de séries — pour n’en citer qu’une, je dirais Docteur House, au pif. Et comme la vie est un cycle, voici Backstrom, une nouveauté 2015 qu’on croirait sortie tout droit de 2004.
https://youtu.be/BgPUO2XlcA8
Je suis un homme, mais j’ai des fêlures
Everett Backstrom, donc, est détective à Portland, dans l’Oregon. Rétrogradé à la gestion de la circulation après avoir émis des commentaires racistes sur le meurtre de six Amérindiens, il est réintégré dans son ancien job car, voyez-vous, il le fait bien, paraît-il.
Revoilà donc Backstrom chez son médecin du travail (d’origine indienne : allez hop, on en remet une couche sur les blagues racistes), lequel lui conseille de manger des brocolis vapeur, de boire du Perrier et de faire du jogging, sinon il risque de perdre son job. Sauf que son job, comme il le lui explique avec mépris, n’est pas de courir après les méchants mais de les trouver : cavaler, c’est bon pour son collègue moins gradé.
« Moi je pense, toi tu galopes. »
Backstrom se retrouve à enquêter sur le suicide d’un lycéen issu d’une famille aisée… et décide promptement qu’il s’agit d’un meurtre. La route d’indice en indice sert à découvrir toute une troupe de personnages secondaires aussi caricaturaux qu’irréalistes : la détective jeune et idéaliste qu’il se plaît à rabaisser, la scientifique d’origine française au physique parfait, le légiste qui l’idéalise…
Bien entendu, à la fin, notre héros avait raison depuis le début, les méchants sont vaincus, et on a droit à une petite scène durant laquelle, blessé, il semble reconsidérer une seconde son attitude nihiliste avant d’y replonger derechef. Quelle innovation.
Je suis raciste, sexiste et intolérant… et j’ai raison de l’être
Backstrom est raciste, et il ne s’en cache pas. Il est sexiste, et il ne s’en cache pas. Il déteste tout et tout le monde, y compris lui-même, mais prend un malin plaisir à taper sur les minorités comme s’il jouait du tam-tam.
Peut-on faire une bonne série avec un personnage principal détestable ? Bien sûr. Ça s’appelle un antihéros, et si tant de personnes ont suivi les aventures d’un tueur en série à Miami ou d’un fabricant de methamphétamine à Albuquerque, c’est bien que ça peut marcher.
Mais là où Backstrom
se plante, c’est quand elle donne raison à son personnage principal détestable. Petit spoiler sur l’épisode-pilote : sur la scène du « suicide », où il vient d’arriver, Everett indique immédiatement à son subordonné d’interroger une personne. Le seul Afro-Américain présent. « Eh mais c’est raciste ! » : tout à fait, mais il s’en bat les steaks. Et devinez qui trempait dans l’affaire depuis le début, comme on l’apprend durant le dénouement de l’épisode ? Le seul Noir à se trouver sur le lieu du crime, pourtant blindé de curieux !
Backstrom n’est ni originale, ni porteuse de messages complexes, ni réaliste, ni particulièrement bien ficelée (pour être honnête, on s’en fout un peu de l’intrigue criminelle… ballot pour une série policière). J’ai d’habitude pour règle de regarder au moins trois épisodes d’un show avant de me faire un avis, mais ce pilote m’a laissé un tel sale goût dans la gorge qu’il est hors de question de m’infliger la moindre minute supplémentaire de cette série.
Dommage : le choix de Rainn Wilson, totalement à contrepied de son rôle culte dans The Office, pour le personnage principal était audacieux. La série est produite par la FOX, une scène qui a du budget, et a déjà sorti deux nouveautés cette saison (la très passable Gotham et la bien plus chouette Empire). Backstrom est basée sur les romans policiers de Leif G. W. Persson, un criminologue suédois, qui ont été des best-sellers. Le tout aurait pu, aurait dû donner un résultat au moins intéressant !
Mais non. Je ne sais pas pour vous, mais Backstrom, ce sera sans moi.
Les Commentaires
Backstrom n'est pas sexiste/raciste/... il est misanthrope et se complaît dans son image de "je suis une personne détestable".
Il affiche publiquement qu'il déteste tout le monde, et de la façon qui choquera le plus son entourage. Entourage qui le lui rend bien, pour la plupart.
(Et les personnages secondaires sont sympa, surtout Paquet et Valentine ^^).
Après, on aime ou on aime pas, hein, mais je pense que la série mérite une seconde chance