Ce mercredi 24 avril, le premier biopic sur Amy Winehouse est sorti au cinéma. Le film est signé par Sam Taylor-Johnson, la réalisatrice de Fifty Shades of Grey. En 2 heures, le film retrace la vie et la carrière de l’icône soul, de ses débuts sur la scène jazz londonienne au succès mondial de son second album, Back to Black. Il se concentre aussi sur son histoire d’amour avec Blake Fielder-Civil et se conclut sur sa mort en 2011, à seulement 27 ans.
Amy Winehouse transformée en produit
Qui aurait cru qu’Amy Winehouse serait transformée en une sorte de poupée perchée sur des talons hauts dans un film d’une lisseur qui rappelle une comédie dramatique Netflix. Back to black a beau parler d’une artiste à la sensibilité et au talent fous, une femme victime de la cruauté du patriarcat, du capitalisme et des addictions, il ne raconte rien.
Back to Black est plus une compilation de scènes déjà vues partout qu’un film. Amy joue de la guitare dans sa chambre. Elle adore son papa qui prend soin d’elle. Elle boit des pintes d’une traite et pleure quand son copain le bad boy la quitte pour son ex. Devant ce film cruellement désincarné, on sent bien que le seul objectif de la cinéaste était de prouver que « vraiment, Marisa Abela imite bien Amy Winehouse ». La pauvre actrice (dont on ne nie pas le talent et les efforts) au joli minois se déguise en Amy plus qu’elle ne l’incarne. Elle mime un accent anglais à couper au couteau et ne cesse de grimacer lorsqu’elle chante, au point qu’on se demande si elle n’a pas fini le tournage avec la mâchoire luxée.
Parce qu’il ne se pose aucune question de mise en scène et d’écriture, le film ne peut que dégrader un peu le physique de Marisa Abela pour singer la descente aux enfers d’Amy Winehouse. On lui fait perdre du poids dans la vraie vie. On lui emmêle les cheveux et on fait couler son mascra. Mais à quoi bon faire un film qui ne serve qu’à montrer qu’Amy Winehouse est imitable pour peu qu’on trouve une actrice qui sait chanter, des robes moulantes et une grosse perruque ? Forcément, on a mal en voyant ainsi vidée de sa substance la mémoire, l’héritage, la souffrance d’Amy Winehouse.
Une indulgence indécente envers Blake Fielder-Civil, le mari d’Amy et Mitch, son père
Pareil, dans Back to Black, Jack O’Connell n’est qu’un mec à chapeau complètement transparent et interchangeable. Pourquoi cet homme a-t-il autant fasciné Amy ? Pourquoi a-t-il voulu la posséder ? Voulait-il sa perte ou était-il inconscient du mal qu’il lui a causé ? Toutes ces questions dont le cinéma aurait pu s’emparer ne sont pas à l’ordre du jour.
Le comble de l’indécence est atteint avec le personnage du père, sorte de papa poule dont on veut nous faire croire qu’il a toujours été présent et sain envers sa fille. Une version des faits bien différente de ce que révélait le documentaire Amy en 2015. Mitch Winehouse avait vivement critiqué le film d’Asif Kapadia. En revanche, le père n’a exprimé que de la sympathie pour Back to Black, à propos duquel il a déclaré :
« Ça ne sert à rien que je fasse le film parce que je suis son père. Mais trouver les bonnes personnes pour le faire, c’est très important, et nous le ferons. »
À quoi bon un film qui imite une artiste ?
Back to Black pose la question : à quoi sert un biopic ? N’est-ce pas un moyen de raconter par la mise en scène, le montage, le son – en bref, par le langage du cinéma, l’âme d’un artiste ? Devant un objet comme Back to Black, le biopic est réduit à une sorte de fanfiction, dans laquelle on utilise le nom et l’image d’un artiste, on pille un peu son histoire en gommant les zones trop douloureuses, trop sales pour le grand public afin d’en sortir le produit le plus bankable possible. N’est-ce pas terrible, quand on sait que ce sont précisément des vautours avides de la lumière d’Amy Winehouse qui ont entraîné sa chute ?
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