Le syndicat des chefs d’établissement, le SNPDEN, dénonce le « coût caché du bac », qu’il estime à 1,525 milliards d’euros pour 2013. On est loin des 100 millions estimés par l’Inspection Générale ou des 50 millions souvent évoqués par le Ministère de l’Education Nationale (chiffres du Monde).
Pour arriver à cette estimation, le SNPDEN prend en compte dans ses calculs non seulement le coût effectif de l’organisation des épreuves, mais également celui des trois semaines de cours perdues pour tous les lycéens, de la seconde à la terminale. D’autres facteurs expliquent également l’envolée du coût du bac, notamment l’augmentation des effectifs mais également la diversité et le nombre des options ouvertes. Le surcoût entraîné par les épreuves anticipées de langues en 2013 est, par exemple, estimé à 200 000 heures de travail pour les professeurs (toujours selon le SNPDEN).
Boucler les programmes
Ce sont surtout ces trois semaines de cours perdues en juin qui pèsent lourd sur l’addition : 94% du coût total. Si je me souviens avoir grave kiffé mes trois mois de vacances après la seconde, je n’ai pas le souvenir d’avoir autant apprécié ce calendrier les deux années suivantes.
La perte du mois de juin a pour conséquence un rythme d’apprentissage soutenu, qu’on pourrait même qualifier de déraisonnable… Si j’avais eu 1€ à chaque fois qu’un professeur avait dit « on n’a pas le temps, il faut finir le programme » pendant ces deux ans, je n’aurais pas eu besoin de chercher un travail pour vivre. Le bac vaut-il vraiment la peine de sacrifier trois semaines par an pendant trois ans ?
Pour « tenir le calendrier », les leçons s’enchaînent, et tant pis pour ceux qui décrochent : il n’y a souvent pas le temps de rééxpliquer, il faut « finir le programme ». En récupérant ces trois semaines chaque année (ce qui fait presque un trimestre supplémentaire sur tout le lycée), on gagnerait en qualité.
N’est-ce pas au final ce que le bac vient vérifier ? Que les élèves ont bien assimilé leurs leçons ? Ce but serait d’autant plus facile à atteindre si les professeurs étaient (eux aussi !) libérés du stress de « boucler le programme à tout prix ». Et pour les candidats qui échouent, l’addition est toute aussi salée. Selon le communiqué de presse du SNPDEN :
« 1,5 milliards pour refuser l’accès à l’enseignement supérieur à 60 000 élèves, soit 25 000 euros par candidat recalé : c’est plus du double que ce qu’aura coûté son année de terminale. Ces ressources seraient peut-être mieux employées à le faire réussir. »
De l’utilité du bac
On pose la question tous les ans, sans pour autant avoir de réponse convaincante. Les arguments en faveur de sa réforme, sinon de sa suppression, ne manquent pourtant pas. En effet, quelle est la valeur d’un examen réussi par plus de 85% des candidats (sur deux ans, ce pourcentage passe à 95%) ?
C’est un examen qu’il faut avoir, point. Il n’est pas évident de réussir à valoriser son bac, dès lors que la plupart des choix d’orientation sont arrêtés en amont de l’examen. Le bac ferme plus de portes qu’il ne permet d’en ouvrir : une note trop faible peut interdire l’accès à une certaine école, mais une mention suffit rarement à elle seule à garantir l’entrée. Cy témoigne :
« Au final, le bac ne m’a servi à rien, au contraire il m’a desservie. Je voulais rentrer dans des écoles d’arts plastiques ; j’ai été recalée car je n’avais pas eu au minimum 14 et donc pas de mention. Tout était sur dossier, je savais dessiner, j’avais (je pense) la culture pour rentrer mais ils préféraient prendre des « bons » élèves (sans même faire de test de dessin à l’entrée…) »
Lorsqu’une sélection existe à l’entrée de certaines formations post-bac, elle est souvent basée sur le dossier de l’élève, sur les bulletins scolaires. Malgré les disparités de notations qui peuvent exister d’un établissement/d’un professeur à l’autre, le contrôle continu donne un meilleur aperçu du niveau d’un élève que ses résultats à UN examen
, UN jour de sa scolarité. La notation du bac a beau être homogénéisée, c’est le degré de réussite à cet examen ponctuel qui peut parfois être en décalage avec le niveau général de l’élève, comme l’explique Faye :
« Je suis toujours un peu mal à l’aise avec l’idée des examens terminaux, comme les concours où tout se joue sur une date, ou une semaine, alors que ça devrait représenter le travail d’une année. »
De même, les différentes options suivies ou les activités extra-scolaires d’un élève sont mieux à même de mettre en avant l’originalité de son profil, davantage que les notes obtenues aux épreuves du bac, comme pour Myriam H. :
« J’ai été prise en IUT avant même d’avoir passé le bac. Ensuite j’ai été à la fac donc ma mention ne comptait pas. Peut-être que mon option cinéma a motivé l’IUT à retenir ma candidature, mais du coup ça n’a rien à voir avec le bac en lui-même. »
D’une année à l’autre, les inégalités peuvent être importantes. On se souvient de l’épreuve de maths de la filière S 2003 ; le sujet de mathématiques comportait un exercice principal, sur une partie… non traitée au programme. Le barème avait dû être adapté pour tenir compte de cette inégalité entre les candidats. Le bac S de 2003 venait donc rejoindre le bac de 68 au rang des bacs « donnés ».
Entre traumatisme et rite de passage
« Traumatisme », le mot est sans doute exagéré. Mais il est vrai que le bac n’est pas un bon souvenir pour tout le monde, loin de là. Certains l’ont redouté, l’ont attendu angoissés par la peur de l’échec. D’autres l’ont passé comme on tourne une page, finalement pressés de découvrir la suite, l’après-lycée. Qu’il nous ait stressé ou soulagé, le bac a laissé peu d’entre nous indifférents.
À n’en pas douter, c’est un rite de passage, le seul que nous ayons vraiment pour marquer la fin du secondaire. Pas de bal, pas de récompense, avoir le bac serait en soi la récompense. Pour citer Luc Châtel (dans la Matinale de Canal+), « le bac n’a de valeur que pour ceux qui ne l’ont pas ». Ce n’est pas une perception très positive, mais elle est réaliste.
Vers un rite de passage digne de ce nom ?
Un milliard et demi, ça fait cher le rite de passage… À ce prix là, ne pourrait-on pas plutôt imaginer un rite de passage plus valorisant, comme une véritable cérémonie de remise des diplômes, à l’américaine ?
L’idéal républicain de cette grand’messe laïque à laquelle tous les lycéens de France assistent ensemble nécessite-il réellement une organisation aussi lourde et coûteuse ? Ne pourrait-on pas envisager un examen allégé, qui viendrait non pas sanctionner ceux qui le ratent mais récompenser ceux qui le réussissent ?
Pourquoi pas un méga-quizz de culture générale, un peu façon « concours Kangourou », sous un format choix multiples (la correction pourrait ainsi être faite informatiquement) ? Les meilleurs scores pourraient être récompensés dans le cadre de la remise des diplômes. Les élèves pourraient valoriser leur réussite à cet examen dans leurs candidatures auprès d’universités, d’écoles… ce serait un équivalent des SAT américains.
On pourrait aussi envisager une dictée façon Bernard Pivot, histoire de maintenir la pression sur la maîtrise de la langue à l’écrit. Plutôt que de se plaindre sans cesse que « les jeunes ne savent plus écrire », voilà un moyen de remettre l’orthographe et la grammaire à l’honneur, au centre des programmes, et non pas en périphérie.
On peut, pourquoi pas, garder cette sacro-sainte épreuve de philosophie, à condition qu’elle soit véritablement un test de la capacité de l’élève à faire preuve de raisonnement critique. S’il s’agit de recracher des plans appris par coeur en cours ou de placer un maximum d’auteurs et de citations au paragraphe, elle perd de son intérêt.
La réforme du bac, ce n’est sans doute pas pour l’année prochaine. Qu’importe, ça nous laisse le temps de rêver à la réforme idéale. Et toi, comment imagines-tu le bac de demain ? Tu te vois lancer en l’air un chapeau ridicule avec un parchemin roulé dans la main ? Ou tu ne reviendrais pour rien au monde sur cette spécificité française ? Dans tous les cas, si c’est bientôt pour toi, viens en discuter sur le topic des bachelières !
Les Commentaires
Et j'aurais une petite question : vous savez pourquoi les profs sont si obsédés par le bouclage du programme ? En première et en terminale je peux comprendre à cause du bac, mais les autres années... A mon avis, y a certains sujets qu'on aurait pu se permettre de survoler pour creuser d'autres plus en profondeur.