— Article initialement publié le 18 décembre 2015
Rappelez-vous : en 2013, Amélie vous présentait Baby Scumbag (Steven Fernandez dans le civil), âgé de 13 ans à l’époque. Skateur au talent indéniable, l’adolescent jouissait déjà d’une grande notoriété sur Internet… et diffusait des messages franchement douteux. Femmes adultes quasi-nues dans ses vidéos, comportement de « tête à claques » qui brouillait les lignes entre minorité et majorité, sexisme à tous les étages : Baby Scumbag, à peine sorti de l’enfance, avait déjà une persona n’ayant rien à apprendre d’un Robin Thicke.
Clique donc pour te rafraîchir la mémoire.
Deux ans ont passé, et personne n’a retiré Instagram à Baby Scumbag pour lui faire manger ses brocolis, visiblement. Âgé de 15 ans, Steven Fernandez a été récemment mis en examen pour des charges très graves.
Baby Scumbag, son manager et un autre skateur arrêtés pour abus sexuels sur une enfant de 12 ans
Jezebel nous apprend que Steven Fernandez, 15 ans, son manager Jose Barajas, 22 ans et le skateur Keelan Dadd, 27 ans, ont été arrêtés pour avoir abusé sexuellement d’une fille de douze ans dans une voiture. Selon la LAPD, la police de Los Angeles :
« Fernandez a juré de présenter la fille à des stars et lui a promis une apparition dans son épisode spécial sur MTV (lequel n’existe pas), en échange d’actes sexuels avec lui-même, Barajas, et Keelan Dadd. »
La victime ayant contacté la police après les faits, un officier s’est fait passer pour elle auprès de Steven, par SMS, et a convenu d’un rendez-vous menant à l’arrestation de ce dernier ainsi qu’à celle de son manager le 17 novembre. Dadd, également impliqué, s’est présenté au poste le 3 décembre. Toujours selon les forces de l’ordre, les deux adultes ont été libérés sous caution en attendant le procès ; l’adolescent est de retour chez sa mère, équipé d’un bracelet électronique.
Allô ? Oui ? Le patriarcat à l’appareil ?
Les policiers ont demandé aux parents d’adolescentes vivant dans le secteur d’en parler avec leurs filles ; selon un détective, le trio « sillonnait [la région] en quête de jeunes filles ». C’est pour cela que les identités des suspects ont été rendues publiques.
Baby Scumbag et la sexualité
Jezebel, toujours, rappelle une interview de Baby Scumbag parue en 2013 (donc quand il avait 13 ans) sur Vice, un site connu pour son amour des histoires sulfureuses.
— Quid de ces femmes avec lesquelles tu poses ?
Ce sont des filles cool que je rencontre sur Instagram et qui veulent apparaître dans mes vidéos. Du coup bah ça me permet de voir des seins et des culs. Généralement je leur envoie juste un truc, j’ai beaucoup de followers… Ensuite on se rejoint et on filme.
— Quel âge ont ces filles ?
Je sais pas, 20 ans, 24, 23 ?
— Et il se passe des choses, concrètement, entre vous ?
Je ne peux pas vraiment en parler.
https://instagram.com/p/dI4CsLFVEs/?taken-by=stevenfernandezdoe
TU ES UN ENFANT
Replaçons un peu les choses dans leur réalité, brute et dénuée de swag : on a une personne âgée de 13 ans qui s’affiche avec des adultes dans des situations à connotation sexuelle et laisse sous-entendre que des relations sexuelles ont lieu. Que dit la loi, en France, au sujet d’un•e adulte qui a des relations sexuelles avec un•e mineur•e de 13 ans ?
« Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende. » (Article 227-25 du Code Pénal)
En Californie, ça peut valoir jusqu’à quatre ans de prison dans un établissement fédéral.
Une culture du paraître empreinte de sexisme, dans laquelle les femmes sont réduites au rang d’objet.
Dans le cas de Baby Scumbag, cependant, cette « incertitude » était traitée avec légèreté. Ben oui : quand on est de genre masculin, c’est « cool » de s’afficher avec des meufs bien foutues quasiment nues, c’est cool « les seins et les culs »… Ça rentre dans toute une culture du paraître empreinte de sexisme, dans laquelle les femmes sont réduites au rang d’objet, de chose à désirer déshumanisée.
À lire aussi : Le sexisme dans la publicité, à nous de l’éradiquer !
Baby Scumbag, pur produit de la culture du viol ?
Ok, Baby Scumbag traîne visiblement avec des adultes nauséabonds encourageant une culture toxique et un comportement dégradant envers les femmes. Je vous vois venir : que font les parents ? Eh bien Steven déclarait, toujours à Vice en 2013 :
— Que pensent tes parents de ton amour pour le skate ?
Mes parents me soutiennent à fond, mais ma mère déteste les salopes vulgaires de mes vidéos.
— Est-ce qu’ils ont vu ce que tu postes sur les réseaux sociaux ?
Non, non. Je serais foutu s’ils voyaient ça.
https://instagram.com/p/n4ff-MlVDV/?taken-by=stevenfernandezdoe
Bonne fête des mères avec la plus importante des meufs
Bien des ados cachent une partie de leur vie à leurs parents, et c’est encore plus facile si ces derniers ne sont pas forcément très au fait des réseaux sociaux, ou des Internets en général. Steven va à l’école, fait du skate, a des sponsors, invite des centaines de personnes à son anniversaire… mais ça ne veut pas dire que ses parents sont au courant de ce qu’il se passe avec ces femmes adultes qu’on semble jeter dans ses bras.
Depuis combien de temps n’a-t-il pas entendu cette vérité toute simple : les femmes sont des personnes ?
Depuis un âge très jeune, et influençable, « Baby Scumbag » (bébé enfoiré) baigne dans un monde lourdement chargé en culture du viol. Depuis combien de temps n’a-t-il pas entendu cette vérité toute simple : les femmes sont des personnes, elles méritent d’êtres traitées comme telles, elles méritent ton respect ? Parce que si son manager est le genre de mec capable de lui faire attirer une enfant dans une voiture pour la forcer à accomplir des actes sexuels, si vous voulez mon avis, il a pas eu une super éducation le Steven.
« C’est comme ça qu’on l’a modelé après tout. » — signé le patriarcat
Alors attention : mon idée ici n’est absolument pas d’excuser les actes de Steven Fernandez, s’il en est reconnu coupable, mais d’expliquer comment un adolescent de 15 ans peut se retrouver à forcer une fille de 12 ans à avoir des relations sexuelles avec lui ainsi qu’avec deux adultes présents, en 2015. De comprendre ce qui a pu mener « Baby Scumbag » à devenir un tel… scumbag, en gros.
Le sexisme, en tant que système, fait du mal à tout le monde car il enferme les genres dans des codes rigides
Le sexisme, en tant que système, fait du mal à tout le monde car il enferme les genres dans des codes rigides, empreints d’un rapport de domination et de violence. En être imprégné de façon aussi frontale, à un âge aussi jeune, peut mener à des actions tragiques. Car s’il n’est pas question ici de dédouaner qui que ce soit, on peut faire une différence entre les agissements présumés de Jose Barajas et Keelan Dadd, tous deux adultes, et celui de Steven, 15 ans, qui s’il doit être puni en cas de culpabilité n’était pas, du fait de son âge, autant en mesure qu’eux de comprendre la gravité de ses actes.
Qu’est-ce qui pousse deux hommes à forcer une enfant à commettre des actes sexuels, en compagnie d’un garçon à peine plus âgé qu’elle ? Qu’est-ce qui, dans nos société occidentales et modernes, mène un gosse de 13 ans à trouver « cool » le fait de faire des clips avec des femmes adultes dénudées et sexualisées et à s’en vanter dans des médias complaisants ? Quelle forêt est cachée par l’arbre de cette ignoble affaire judiciaire ?
Si personne ne veut se dire que son fils, son petit cousin ou son neveu est un potentiel violeur, certains le deviendront
Tout cela prouve encore une fois l’importance de l’éducation, une éducation au respect, à la pluralité des êtres, au consentement éclairé. Cette semaine, nous avons relayé l’excellente campagne Dear Daddy, la lettre d’une fille à son père pour le sensibiliser au sexisme dont elle sera malheureusement victime, et auquel il participe s’il reste passif ; cette tragédie illustre, malheureusement, le besoin urgent d’un changement dans les codes genrés régissant nos sociétés. Car si personne ne veut se dire que son fils, son petit cousin ou son neveu est un potentiel violeur, certains le deviendront. Parfois très vite.
À lire aussi : « Nous aurions pu être des violeurs » – de l’importance de l’éducation sexuelle
— Dessin signé Aurélien Fernandez, à retrouver sur son blog et sur Facebook
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