Depuis ses débuts (les vrais se souviennent sûrement de « Brisé », en 2015), Aya Nakamura donne envie de danser avec ses rythmes chaloupés qui empruntent autant à la pop qu’au R’n’B et à la soul, mais aussi à des sonorités caribéennes. L’influence du zouk était déjà évidente dans son troisième album Aya (2020), en particulier sur les morceaux les plus chauds que sont « Hot » et « Préféré », et on pouvait deviner du kompa (sorte de zouk lancinant venu tout droit de Haïti) sur le son « Plus Jamais » feat. Stormzy (un remix qui en accentue les accents haïtiens dépasse les 1,5 millions de vue sur YouTube d’ailleurs). Voilà que l’artiste francophone la plus streamée au monde persiste et signe son sillon afro-caribéen avec son quatrième effort, DNK (contraction de son véritable patronyme Danioko), sorti le 27 janvier 2023.
Aya Nakamura métisse sonorités caribéennes et africaines dans son album DNK
C’était déjà criant avec les deux premiers singles de son nouvel album, « SMS » puis « Baby » : DNK regorge d’influences zouk, kompa, mais aussi d’autres sous-genres musicaux populaires dans les Caraïbes, comme le shatta (mot emprunté au jamaïcain pour désigner une sorte de dancehall remixée à la sauce chien antillaise, plutôt en Martinique, aux paroles très crues) et le bouyon (plus populaire en Guadeloupe). Ce dernier mot désigne à l’origine en Dominique une soupe de gombos (un légume vert) mais aussi maintenant un genre musical qui reprend plusieurs styles caribéens, comme le dancehall jamaïcain et la soca trinidadienne (qui est une version accélérée du calypso de Trinité-et-Tobago). Les Guadeloupéens se sont réapproprié le bouyon, en y ajoutant des paroles sexuellement explicites en créole. Le rythme du bouyon est beaucoup plus dynamique, accéléré, que le shatta, plus nonchalant.
Et si cela peut sonner complètement inconnu à vos oreilles, ce n’est qu’une question de temps, vu combien le morceau bien shatta de l’album, « Beleck », commence déjà à obséder TikTok. « C’est Max à la guitare et Seny au piano », chante celle surnommée la Nakamurance sur ce titre en clin d’œil à ses nouveaux producteurs sur cet album.
Les genres musicaux caribéens envahissent TikTok et l’Hexagone
En effet, en avril 2021, la grande maison de mode Mugler s’affirmait à la pointe des tendances de niche en mettant dans la bande-son de sa vidéo-défilé le son shatta « Tic » de Maureen. Déjà un tube en Martinique, le son est rapidement devenu populaire sur les réseaux sociaux, dont TikTok où il cartonne encore en 2023. En parallèle, de Paris à Marseille, les clubs pointus prêchent régulièrement pour le shattatisme de Maureen, Shannon, et Krissy. Et vu combien l’industrie de la mode adore faire appel au collectif de La Créole (qui passe et remixe justement ces genres de musique) pour ses afterparties ces dernières années, ce n’était qu’une question de temps avant que ces sonorités ne se propagent dans l’Hexagone.
DNK d’Aya Nakamura : aller simple au pays des cœurs tendres et meurtris sur des airs de zouk et de shatta
Et qui de mieux qu’Aya Nakamura pour contribuer à leur diffusion ? La chanteuse d’origine malienne propose donc à travers DNK 15 titres un voyage immobile d’Afrique aux Caraïbes au pays des sentiments grandissants. Elle y redessine une carte de tendre (cartographie imaginaire d’un pays de l’amour baptisé « Tendre », inventé au XVIIᵉ siècle par différentes personnalités, dont Catherine de Rambouillet, et inspiré du roman Clélie, histoire romaine de Madeleine de Scudéry en 1654) version 2023. Les relations épistolaires s’écrivent désormais par « SMS », où l’on raconte ce qu’on a sur le bout du « Corazon » à son amant surnommé « Daddy » (featuring le rappeur SDM) qu’on aime entendre « Tous les jours » nous appeler « Baby ». Mais c’est aussi un terrain accidenté, comme le chante Aya Nakamura dans « T’as peur » (featuring le chanteur portoricain Myke Towers), « J’ai mal » et « Chacun » (featuring Kim, chanteuse de zouk), et l’on peut vite finir « Bloqué », post-rupture, faute de « Cadeau » (featuring le rappeur Tiakola), c’est la « Fin ». Mais les tentatives de réconciliations peuvent se danser à la verticale ou à l’horizontale sur « Coller », « Le goût » et surtout « Haut niveau », hymne à la confiance en soi de l’album.
« La Nakamurance a dit vas-y j’en ai assez / T’as besoin d’un bonbon qui te fera voyager » entonne-t-elle sur cet antépénultième titre. Et clairement, DNK promet de faire voguer les hanches toujours plus loin.
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Crédit photo de Une : Capture d’écran Instagram d’Aya Nakamura.
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