C’est la rentrée pour John Oliver, présentateur connu pour ses chroniques hebdomadaires où il aborde des thèmes aussi divers que les maladies mentales, le Patriot Act ou la situation des personnes trans aux États-Unis. Pour son retour, il commence fort en décidant de traiter un sujet polémique…
« Notre thème principal de ce soir est les implants mammaires. Certains sont contre, d’autres pensent que c’est ok mais seulement dans de rares cas… Et beaucoup pensent qu’ils devraient être un droit. Pardon, est-ce que j’ai dit implant mammaire ?
Je voulais dire avortement. »
Cette question fait polémique outre-Atlantique. John Oliver commence en montrant, par le biais d’un micro-trottoir tourné par le site Vox, que les personnes ont rarement un avis totalement tranché — à l’image de cette personne qui est pro-choix mais ne se verrait pas, personnellement, avorter.
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Les statistiques montrent que 19% des Américain•e•s pensent qu’avorter devrait être tout à fait illégal. 36% sont pour mais seulement dans de rares cas, 13% le sont dans la plupart des situations et 29% sont résolument pour. John Oliver, qui admet que les 19% sont probablement irrécupérables, s’adresse aux autres :
« Depuis 2010, de nouvelles lois ont contribué à la fermeture de 70 cliniques d’avortements aux États-Unis. Les États du Mississippi, du Missouri, du Dakota du Nord et du Dakota du Sud n’ont qu’une seule clinique pratiquant l’IVG chacun… Eh oui : le Mississippi a maintenant exactement quatre fois plus de S dans son nom que de cliniques pratiquant l’IVG. »
Je fais 400 km pour une IVG ou bien ?
John Oliver explique que ce qui régule ce droit, ce n’est plus la loi « Roe V. Wade » qui en 1973 a reconnu l’avortement comme un droit constitutionnel. Non, aujourd’hui…
« C’est la loi de 1992, « Planning familial V. Casey » qui dit que les États peuvent créer des restrictions, c’est-à-dire fermer des cliniques qui pratiquent l’IVG, à condition qu’ils n’aillent pas à l’encontre de la loi et qu’ils ne posent pas un obstacle considérable sur le chemin des femmes qui se dirigent vers l’avortement. »
En d’autres terme, John Oliver explique qu’on ne peut pas demander aux gens de ne pas avorter… Mais qu’on peut les décourager en fermant les cliniques les plus proches.
Le flou dans cet règlementation permet aux États d’introduire des dizaines de ce que certain•e•s appellent des « lois – pièges ». Elles ciblent de façon déguisée les personnes qui cherchent à se faire avorter. Le présentation s’amuse au passage du fait que les anti-choix prétendent toujours être pour la santé et la sécurité des femmes. John Oliver leur répond très justement :
« Quand on est à ce point insistant en ce qui concerne la santé des femmes, ça commence à sembler louche. C’est un peu comme créer un dossier sur son ordinateur appelé « PAS DU TOUT DU PORNO »… Ça ne berne personne. »
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Et c’est à ce moment là qu’est abordé le sujet de la Loi Texas HP 2. Appliquée en 2013, elle a deux clauses principales : elle force les cliniques d’avortements à avoir les mêmes normes de construction qu’une polyclinique chirurgicale, et dit que c’est aux médecins d’accorder ou non l’entrée dans l’hôpital aux patient•e•s (le principe de hospital admitting privileges).
Je propose qu’on fasse plouf-plouf pour accepter ou non des patient•e•s.
Ces normes de construction sont
particulièrement compliquées à satisfaire et pas forcément adaptées à une clinique qui pratique l’IVG. John Oliver prend exemple sur l’une d’entre elles qui va devoir fermer car un des couloirs n’est pas assez large !
« Le fait est que dans une clinique chirurgicale, le couloir doit être suffisamment large pour laisser passer deux brancards côte à côte… Ce qui n’arrive pas dans une petite clinique où 90% des avortements ont lieu le premier trimestre et ne nécessitent donc pas d’opération. »
Effectivement, à ce stade, il est encore souvent possible de suivre une IVG médicamenteuse qui ne requiert ni transport en brancard, ni salle d’opération. Il continue son discours sur le deuxième point clé de la loi.
« Quant au privilège d’admission… Ça peut faire fermer une clinique car de nombreux hôpitaux, pour des raisons politiques ou financières ne vont pas vouloir recruter un médecin qui pratique des avortements.
Et toujours, les défenseurs de ces lois vont dire qu’ils ont un seul but… »
…celui de vouloir préserver la santé des femmes, bien entendu. À cet argument, John Oliver a une réponse imparable :
¶ Un avortement légal cause la mort de la patiente dans 0,00073% des cas, ce qui est dix fois moins que le risque de mourir d’une coloscopie — et on est bien d’accord, au passage, que la mort par coloscopie doit être l’une des pires manières de mourir (…)
Si devoir mettre en place ce principe de privilège d’admission est si important pour la continuité des soins, c’est vraiment anormal que tu n’en n’aies pas besoin dans le cas de l’ouverture d’une maternité. »
John Oliver traite l’affaire Kermit Gosnell, médecin qui pratiquait des IVG et qui a été jugé coupable de trois meurtres de bébés ayant survécu à ses avortements ratés — un drame souvent cité par les anti-choix. Le présentateur note que la clinique où officiait Gosnell n’avait pas été visité par l’État depuis 17 ans, et qu’il est absurde de créer de nouvelles lois là où la vérification de l’établissement aurait suffi.
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Il y a aussi des lois qui forcent des docteurs à diffuser des fausses informations, comme on le voit dans l’extrait proposé par John Oliver où un médecin fait un cours d’éducation sexuelle.
« Si vous subissez un avortement, vous risquez d’avoir des complications. Vous risquez d’avoir des saignements, vous risquez des infections, il y a des risques d’endommager vos organes… Mais devinez quoi, c’est exactement les mêmes risques que si vous continuez votre grossesse.
La dernière chose que je dois vous dire — mais je ne suis pas d’accord avec ça — c’est que l’avortement augmente vos risques de cancer du sein… Il n’y a aucune trace de preuve scientifique de ce que je viens de dire. »
Comme si cela ne suffisait pas, il y a aussi des lois qui forcent les médecins à montrer et décrire une photo de l’échographie aux personnes qui viennent subir une IVG, même si elles ne le souhaitent pas. En Caroline du Nord, une émission proposait aux femmes qui ne veulent ni voir ni entendre le bébé… de fermer leurs yeux et se boucher les oreilles !
Si on peut rire (jaune) de l’absurdité de cette proposition, l’ambiance retombe très vite quand une médecin raconte un appel d’une patiente qui ne pouvait pas se rendre jusqu’à la clinique, située trop loin. La femme enceinte lui a dit :
« Je vais vous dire ce que j’ai dans ma cuisine ; dites-moi comment faire. »
John Oliver dégaine alors une belle punchline.
« Quand la loi force les gens à vivre la plus déprimante des épreuves de Top Chef, je crois que c’est le moment de se dire que ça va vraiment trop loin.
L’avortement n’a pas à être théoriquement légal. Il se doit d’être accessible. »
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Il y a cependant un espoir : le mois prochain, le groupe de cliniques pratiquant l’IVG Whole Woman Health va être écouté par la Cour Suprême dans l’espoir de faire réviser ces lois. On croise les doigts pour que la situation avance et on garde un oeil sur les lois françaises, bien sûr !
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