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L’avortement vu par le cinéma et les séries télé

L’avortement est un acte faisant partie de la vie d’environ une Française sur trois. Mais on ne peut pas vraiment dire que cette statistique se retrouve sur nos écrans…

Cet article a été écrit dans le cadre d’un partenariat avec Obvious Child. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.

L’avortement, sur nos écrans, reste un thème sensible, pour ne pas dire tabou. Et quand les réalisateurs tentent de traiter ce sujet, ce n’est pas toujours avec intelligence :  Obvious Childde la réalisatrice Gillian Robespierre, reste un des trop rares exemples de film réussissant à aborder cette problématique avec justesse.

On y a cru mais en fait non — Juno, de Jason Reitman

juno

Sur le papier, ça paraissait parfait. Enfin un film qui nous parlerait de l’avortement et de l’adolescence, avec intelligence, et avec en personnage principal une héroïne pas nunuche !

Le contrat n’est malheureusement qu’à moitié rempli dans Juno.

Juno est une jeune femme de 16 ans qui tombe enceinte de son meilleur ami, Paulie. Après avoir hésité à avorter, elle finit par décider de faire adopter l’enfant et part pour cela à la recherche d’une famille idéale.

Certes, Juno, interprétée avec talent par Ellen Page, est forte de caractère. Certes, le film met en valeur l’indépendance de sa réflexion sur l’avortement.

Mais le problème vient évidement du retournement de situation : Juno décide finalement de garder le bébé et de le faire adopter. Sans vraiment consulter Paulie, le père de l’enfant dont elle est pourtant proche, d’ailleurs.

Le problème ne réside évidemment pas dans la décision finale de Juno, qu’il ne nous appartient pas de juger. Le problème tient plutôt à la façon dont ce retournement de situation est mis en scène : la simple évocation des ongles de son futur enfant va la faire changer d’avis, sans que le scénario n’explique d’avantage son choix…

Attention, je ne dis pas qu’il est mauvais de changer d’avis soudainement et de renoncer à un avortement. Là encore, je ne me permettrais pas de juger.

Mais le film nous proposait jusque-là une vraie réflexion sur Juno, jeune femme de caractère qui sait ce qu’elle veut et qui réussit à l’imposer à son entourage. C’est sa psychologie travaillée qui portait le film car ce n’est pas tous les jours qu’une adolescente de 16 ans est ainsi mise à l’honneur au cinéma.

Ce changement d’avis, peu expliqué, rend la construction du personnage de Juno maladroite : ses motivations deviennent moins évidentes pour le spectateur qui se demande, sans obtenir de réponse, quelles sont ses valeurs, ses objectifs. Du coup, le film perd en originalité.

Surtout que parler d’avortement ou d’adoption est une chose, mais parler de grossesse en est une autre. Or le film survole très vaguement ce sujet : tout juste voit-on Juno faire pipi plus souvent… Il aurait été intéressant de montrer la réaction d’une jeune femme de 16 ans, venant tout juste de voir son corps se transformer à la puberté, face à de nouveaux changements aussi radicaux.

Heureusement, les acteurs sont assez doués pour insuffler à leurs personnages les nuances qu’il manquait au scénario.

Prêts à tout pour éviter le sujet — Un bon paquet de séries américaines

walking dead

La fameuse scène des pilules du lendemain dans Walking Dead  

Dans une série, l’arrivée d’un enfant occupe facilement toute une demi-saison. C’est du pain béni pour les scénaristes qui vont pouvoir (dé)construire les histoires de couples autour de cet événement qui apportera du piment à une intrigue en manque de rebondissements.

Le problème, c’est qu’un bébé, par contre, c’est tout de suite moins intéressant, du moins en a-t-on parfois l’impression. C’est compliqué à mettre en scène car les bébés ne sont pas des acteurs, et leur arrivée limite les intrigues potentielles pour les personnages-parents. Il faut donc se débarrasser de ces empêcheurs de scénariser en rond.

Mais aux États-Unis, impossible d’avorter, car le but d’une série reste de garder la plus large audience possible afin de continuer à attirer les annonceurs publicitaires. Et ceux des grandes chaînes américaines n’aiment pas trop les prises de risques…

C’est là qu’il faut saluer, avec tristesse, l’inventivité des scénaristes, notamment ceux des séries américaines :

  • Accident de voiture, pour Blair dans Gossip Girl 
  • Enfant démoniaque autodestructeur, pour Phoebe dans Charmed
  • Chute dans l’escalier pour Gabrielle dans Desperate Housewives
  • Arrivée impromptue et inattendue des règles, dans Girls
  • Fausses couches par milliers dans n’importe quelle série qui change d’avis en cours de saison.

À l’inverse, d’autres séries ne se fatiguent même pas et la question de l’avortement n’est jamais évoquée, alors que bon, quand même…

  • Quinn Fabray dans Glee garde son enfant alors que bon, quand même… c’est l’enfant du meilleur ami de son copain, et sa grossesse va lui demander d’abandonner sa passion : sa place dans l’équipe de cheerleaders, en plus de modifier son statut social en profondeur.
  • Lynette dans Desperate Housewives va au bout de sa grossesse alors que bon, quand même… celle-ci menace sa vie professionnelle, sa vie de couple, elle vient tout juste de se remettre d’un cancer et elle a déjà quatre enfants à 40 ans bien passés.

Le prix d’honneur de la série la plus gênée par l’avortement revient donc en toute logique à Desperate Housewives, notamment grâce au personnage de Susan Delfino. Dans la saison 8, elle est en effet prête à tout pour convaincre sa fille Julie de garder un enfant qu’elle ne désire pas, y compris à la harceler psychologiquement. Et elle aura gain de cause puisque Julie finira par changer d’avis.

Alors vous me direz : oui, mais du côté des chaînes câblées, ça doit sûrement être mieux du coup ! Grâce à l’argent que leur donnent leurs abonnés, elles doivent avoir plus de liberté de ton. Eh bien pas tellement, même quand une série se prétend audacieuse.

  • Dans Sex and the City, Miranda garde un enfant qu’elle n’avait pas prévu d’avoir, après avoir discuté avec Charlotte, qui est stérile. Son choix n’est pas davantage expliqué.
  • Dans Six Feet Under, le personnage de Claire va certes jusqu’au bout de son avortement, mais doit affronter la visite de fantômes d’enfants morts qui la culpabilisent.

Ne caricaturons pas, cependant : si les séries américaines, notamment pour des raisons économiques, peinent à traiter correctement la problématique de l’avortement, il existe cependant des exceptions et parfois des contradictions au sein d’une même série.

Ce malaise doit être reconnu, identifié, afin d’inciter les scénaristes à faire preuve de plus d’originalité et d’audace, car il est possible de faire une série populaire tout en parlant d’avortement ! Par exemple, dans de nombreux épisodes de Docteur House, l’emblématique docteur critique et/ou tourne en dérision le tabou autour de l’avortement.

Plutôt mourir que risquer la colère divine — Twilight 4 Révélation 

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Les joies de la maternité 

Faut-il rappeler l’aspect ô combien réactionnaire de la saga Twilight ?

Bella n’est pas seulement une femme qui fait le choix de garder son enfant. Alors qu’il n’est peut-être pas viable. Alors qu’elle sort à peine du lycée. Alors que techniquement il faudra qu’on m’explique comment un vampire sans sang peut contenir assez de sperme pour donner féconder une femme. Alors que son foetus la dévore littéralement de l’intérieur. Alors qu’elle va en mourir. Alors qu’il faut la transformer en vampire pour mener à terme la grossesse. Alors que tout son entourage préférerait la voir sauve.

Non, ce n’est pas seulement ça. Le message de Twilight, transmis par Bella, à propos de l’avortement est bien : « Allez-y, qu’importent les risques d’une grossesse, tout se rétablira par magie à la fin, grâce à la puissance de l’amour maternel ». De nombreuses femmes devant mettre un terme à leur grossesse pour des raisons médicales apprécieront.

Une femme qui choisit de mettre sa vie en danger pour accoucher, comme toutes les femmes, n’est pas critiquable. Il n’appartient à personne de la juger.

Mais un film — ou un livre — qui, sachant que son public se trouve précisément constitué de jeunes femmes, choisit de promouvoir une attitude à travers les actes de son héroïne, valorise cette attitude. Transmet un message. Un message que nous pouvons critiquer.

Le pionnier — Histoire d’A de Charles Belmont et Marielle Issartel

Histoire d’A est un documentaire sorti en salles en 1973. Enfin… qui aurait sortir en salles en 1973.

Car pour l’époque, ce documentaire est novateur : les visages des praticiens qui pratiquent l’avortement, les visages des patientes qui y ont eu recours, mais aussi de leurs compagnons, sont montrés. Tout le monde témoigne.

Ce film, où l’on peut notamment voir un avortement par aspiration, est censuré dès sa sortie par les pouvoirs publics français en la personne du ministre de l’Intérieur. Des projections privées s’organisent en résistance, notamment à l’occasion du festival de Cannes :

Le film rend compte, en plus du combat pour l’avortement, de la situation sociale en France au lendemain de mai 68 : l’IVG est interprétée à travers une logique de lutte des classes.

Parallèlement, on assiste à la popularisation des idéaux féministes auprès de femmes de plus en plus nombreuses, qui rattachent la problématique de l’avortement à d’autre questionnements fondamentaux du féminisme, comme le droit au travail.

La loi Veil qui dépénalise l’avortement en France est votée en 1975.

Le plus récompensé — 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu

L’ambiance à Cannes n’est plus du tout la même en 2007 puisque le film 4 mois, 3 semaines, 2 jours, reçoit lui la Palme d’Or.

Nous sommes en Roumanie et deux jeunes colocataires vivent les dernières années de la dictature de Ceau?escu. Problème : l’une d’elles est enceinte et cherche à se faire avorter, dans ce pays pauvre où les commerces parallèles et autres marchés noirs fleurissent.

Ici, l’avortement n’est pas seulement utilisé pour traiter de la problématique des droits des femmes. C’est aussi une métaphore qui englobe plus généralement la lutte pour les libertés individuelles dans des pays plongés dans une dictature.

Du traitement de l’avortement

Il existe d’étonnants points communs entre tous ces films et séries qui ont abordé, effleuré ou carrément traité de la problématique de l’IVG.

Tout d’abord, l’avortement est rarement un sujet en lui-même. Il sert souvent de métaphore, d’illustration pour caractériser plus largement la société. Son caractère tabou en fait un excellent point d’analyse pour critiquer une oeuvre, car il est représentatif du message plus général que le réalisateur veut transmettre.

Quand l’avortement est abordé, surtout en Europe, il est souvent relié à la thématique de la lutte des classes : la femme qui avorte est souvent dans la dèche, soit parce que sinon elle garderait l’enfant, soit parce que cette situation financière délicate va permettre, grâce à l’avortement, de souligner plus généralement les inégalités de notre société.

Enfin, ce qui me frappe de façon plus générale c’est l’aspect très terre-à-terre du traitement de l’IVG dans ces oeuvres de fiction. En général, le schéma est toujours le même :

  • La découverte d’une grossesse inattendue
  • Le choix ou non de garder l’enfant
  • Les conséquences morales et sociétales de ce choix.

Il existe peu de fictions prenant le parti de traiter de l’avortement autrement que comme un phénomène de société.

Obvious Child est à ce titre intéressant parce qu’il évite les lieux communs associés à cette thématique. Il n’est pas tellement question de peser le pour et le contre de l’avortement. Au contraire, Obvious Child prend l’IVG pour une éventualité légitime dès le départ, ce qui lui donne une puissance et une portée inédite.

Et c’est notamment pour ça qu’on l’aime, qu’on est fiers d’en être partenaires et qu’on le propose aux madmoiZelles parisiennes en avant-première ce mardi 2 septembre !

À lire aussi : Obvious Child, la rencontre réussie entre comédie romantique et… avortement


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

54
Avatar de guerredesmiroirs
3 avril 2017 à 18h04
guerredesmiroirs
Pour la série Clém, je me demande toujours comment l'héroïne est passée de "j'en veut pas" à "je le sens bouger. Je veux le garder, pour aucune raison ennoncée, avec aucun indice que j'ai commencé à aimer mon bébé ".
Oh, et la grand mère paternelle, post accouchement, qui veut absolument que Clém reste à la maison pour allaiter son gosse, et fait un quasi scandale quand Clém dit qu'elle veut retourner à l'école et avoir son bac
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