Le 8 août, le Sénat argentin se prononcera sur le projet de loi relatif à la légalisation de l’IVG jusqu’à 14 semaines de grossesse.
En juin, la Chambre des Députés avait déjà voté le texte à la suite d’une mobilisation sans précédent des militant·es pro-choix. J’avais assisté au vote et à la scène de liesse au moment du résultat : c’est à ce moment-là que j’ai pris la photo illustrant cet article.
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Mais à l’approche du second scrutin, les conservateurs contre-attaquent : ce samedi 4 août à Buenos Aires, c’était leur tour de prendre la rue.
Les Églises contre le droit à l’IVG
Cette manifestation a eu lieu à l’appel des Églises évangéliques, et avec l’appui de l’Église catholique. Les premières se sont d’ailleurs félicité de ce soutien, qualifié de « fondamental » pour la réussite de la manifestation.
Comme quoi, lorsqu’il s’agit de freiner l’avancée des droits des femmes, les conservateurs et religieux savent faire front.
Ils ont recouvert de bleu le centre ville de Buenos Aires, en s’alignant sur le slogan « Salvemos las dos vidas », c’est-à-dire « Sauvons les deux vies » : une référence à la vie de la mère et à celle de « l’enfant à naître ».
L’intégralité du slogan en faveur de la légalisation de l’avortement a d’ailleurs été détourné : si les pro-choix se rallient sous le mot d’ordre « Éducation sexuelle pour décider, contraceptifs pour ne pas avorter, avortement légal pour ne pas mourir », les anti-choix l’ont transformé à leur manière.
Ils y ont remplacé non seulement la notion d’avortement, mais celle de contraception également : « Éducation sexuelle pour prévenir, responsabilisation pour ne pas avorter et adoption pour préserver la vie ».
Le droit à l’avortement en Argentine : verdict mercredi 8 août 2018
Les Églises évangéliques ont également prévenu les élu·es qu’elles ne soutiendraient « aucun candidat s’étant exprimé en faveur de l’avortement » aux prochaines élections.
Sans que l’on puisse établir de lien direct de cause à effet, une élue a récemment fait savoir qu’elle ne voterait finalement pas le texte. Pourtant, elle s’était auparavant affichée aux côtés des militant·es pro-choix.
Selon elle en effet, « les pauvres n’avortent pas » – une référence à l’argument pro-choix selon lequel les riches avortent en toute sécurité moyennant paiement, alors que les pauvres y ont recours dans des conditions dégradées mettant leur santé et leur vie en péril.
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Lorsque la religion est instrumentalisée contre les droits des femmes
Ce qui m’interpelle dans cette mobilisation anti-choix, c’est encore une fois la manière dont la religion est instrumentalisée pour faire barrage au changement, au droit des femmes à disposer de leur corps.
Il faut bien sûr noter que l’Argentine est un pays où la religion est très présente. Le catholicisme est la religion officielle bien que la liberté de culte soit garantie, et 9 personnes sur 10 croient en Dieu selon des données de 2008.
Lorsque j’étais sur place, il m’est arrivé d’échanger avec des gens qui avaient du mal à concevoir que je puisse ne pas croire en Dieu.
Mais il y avait aussi énormément de femmes qui, croyantes ou pas, aspiraient à avoir le droit d’avorter si elles en avaient besoin un jour.
Alors pourquoi est-ce que les conceptions religieuses d’une partie de la population devraient s’appliquer à l’intégralité des citoyens et en l’occurence ici, des citoyennes ?
La religion ne doit en effet pas prendre le pas sur les droits humains et sur le libre arbitre de chacun·e.
Quoi qu’il en soit, le verdict de la chambre haute tombera mercredi 8 août, après des semaines de débat, et alors que les manifestant·es pro-choix prévoient d’envahir de nouveau les rues pour réclamer le droit à l’avortement.
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