Salut mes hirondelles ! Cette semaine, nous allons psychologiser : que pensons-nous, que savons-nous des psychologues ? Que perçoit-on de ce métier ?
Je ne suis diplômée que d’un peu plus de trois années – et pourtant, j’ai déjà eu le droit à une flopée de commentaires sur la fonction de psychologue. Il y a les commentaires rieurs (« T’es psychologue ? AH, je me tais, tu vas m’analyser »), les dubitatifs (« Attends, ils écoutent juste des gens parler en restant silencieux ? »), les agressifs (comme le « C’est une science MOLLE, OKAY ?! On lui fait dire ce qu’on veut ! », ou le toujours sympa « Les psychologues, ce sont quand même des charlatans »).
Quand j’ose rectifier et expliquer que je suis psychologue, certes, mais « social », là c’est le bordel puissance 10 : psychologue social ? WTF ?
Il faut dire que des psychologues, il y en plein : des qui vous triturent la mémoire, des qui vous causent d’inconscient, des qui vous demandent si votre identité se rapporte à votre plumage… Il y a des psychologues cliniciens, des psychologues du travail, des neuropsychologues, des psychologues spécialisés en gérontologie, des psychologues sociaux… Et comme en ce moment, c’est un peu la foire à la psychologie et aux déclarés « spécialistes du développement personnel », on a vite fait d’être un peu perdu dans tous ces trucs.
Comment vous voyez les choses, vous ? Quelles sont nos représentations des psychologues ?
Vous savez ce qu’on va faire ? D’abord, nous allons voir ensemble la manière dont nous percevons les psys – à l’aide d’une étude menée par la psychologue Elise Marchetti, en collaboration avec Claude Lafrogne et Sandrine Schoenenberger ; et ensuite, nous tenteront de poser quelques éléments à propos de la profession et de ses types de spécialités.
Des représentations sociales de psychologues
L’équipe réunie par Elise Marchetti a ainsi mené une étude de « représentations sociales » du psychologue – leurs résultats ont été publiés dans un article du Journal des Psychologues (source) en 2010 : comment perçoit-on les psychologues ? Est-ce que cette perception se transforme lorsque l’on est collègue de psychologue ?
Pour répondre à ces questions, Marchetti, Lafrogne et Schoenenberger ont interrogé le « tout-venant » (des individus ayant ou non eu recours à un-e psychologue dans leurs vies), des collègues de psychologues (professionnels de la santé et du social) et des psychologues, en utilisant une technique dite de « cartes associatives » (en substance, on vous donne un mot stimulus, par exemple le mot « psychologue, et on vous demande les mots que vous associez à ce mot-stimulus).
Pour l’ensemble des personnes interrogées, les termes qui apparaîtraient le plus souvent seraient « problèmes », « aide », « écoute » et « analyse » : autrement dit, les psychologues aideraient, écouteraient et analyseraient les problèmes – jusque-là, on est bien !
L’analyse de Marchetti et de ses collaborateurs distingue ensuite cinq classes de discours.
Dans la 1ère classe, on retrouve le discours des psychologues : ceux-ci auraient donné les termes « psycho » (-thérapie, -pathologie), « test », « entretien ». Quatre thèmes principaux transparaissent : la psyché, l’évaluation, l’accompagnement et le cadre (déontologie, équipe, consultation…). Selon Marchetti, malgré des orientations et spécialités différentes, les psychologues porteraient peu ou prou le même regard sur leur profession, et parleraient de l’objet de leur travail (la psyché), du cadre de leur activité et de son contenu (évaluation et accompagnement).
Les 2ème et 3ème classes contiennent pour leur part les discours des collègues de psychologues : cette fois, la représentation n’est pas la même pour tout le monde. Dans l’enquête, les éducateurs techniques et rééducateurs percevraient les psychologues de manière plutôt négative – les termes les plus courants de cette 2ème classe de discours seraient « malade », « fou », « drogue », « Freud », « docteur »… Pour eux, le psychologue serait confondu avec le psychanalyste, le docteur, le charlatan, et serait surtout lié à la folie. À l’inverse, les discours de la 3ème classe, constituée des représentations des personnels administratifs et éducateurs, seraient plus positifs : ceux-ci centrent leur perception sur le cadre de travail, le travail concret du psychologue, ses apports dans un fonctionnement pluridisciplinaire… Pour Elise Marchetti, cette différence de représentation pourrait être liée à la proximité des professions : les personnels administratifs et éducateurs travailleraient de façon conjointe avec les psychologues, ce qui expliquerait une vision plus « concrète » et moins stéréotypée du métier.
Enfin, les 4ème et 5ème classes évoquent quant à elles les discours des sujets « tout venant » – la 4ème classe serait caractéristique des sujets n’ayant jamais consulté de psy tandis que la 5ème
serait plutôt constituée de sujets ayant déjà consulté un-e psy. Alors ? Les représentations des deux classes seraient plutôt positives : en effet, les personnes n’ayant jamais consulté de psy tiennent un discours centré sur les motifs et bénéfices potentiels de la consultation psy (« bien-être », « trouble », « mal-être », « se confier », « soulagement ») – un discours positif mais abstrait. Les individus ayant déjà consulté orienteraient leurs discours sur les méthodes des psys (« résultat », « diagnostic », « neutralité »), sur la sphère affective (« sentiment », « confiance », « angoisse ») ainsi que sur le vécu personnel (« histoire », « difficulté », « intime »). Les sujets ayant donc déjà « consulté » aurait une vision plus exacte et plus concrète de l’activité du psychologue – même s’ils semblent parfois le confondre avec un médecin spécialiste.
L’étude proposée par Elise Marchetti donne quelques pistes sur les représentations potentielles du métier de psychologue. Ce qu’on tire de tout ça, c’est que la fonction de psychologue reste floue, mystérieuse et sujette à préjugés – aux psychologues de jouer pour moduler les représentations de leur profession et d’informer le public sur leurs spécialités ?
Et donc ?
Commençons donc par poser quelques débuts d’informations ici : un-e psychologue, ce n’est ni un-e psychiatre, ni un-e psychanalyste – même si certain-e-s psychologues peuvent se déclarer d’orientation psychanalytique.
Pour bien faire la distinction, disons que :
- Les psychologues suivent une formation universitaire de 5 ans spécialisée en psychologie. Le titre est protégé – pour l’heure, si vous souhaitez exercer comme psychologue, il faut avoir suivi le cursus licence + master + stage. Un code de déontologie existe pour réguler et moduler les pratiques.
- Les psychiatres sont des médecins spécialistes – ils peuvent donc prescrire des médicaments et leurs consultations peuvent être prises en charge par la sécurité sociale. L’exercice est protégé et les psychiatres sont membres de l’Ordre des médecins.
- Le titre et l’exercice de la psychanalyse ne sont pas contrôlés en France. Les psychiatres ou psychologues peuvent adopter une pratique « psychanalytique ».
Nous le disions plus haut, les psychologues peuvent avoir différentes spécialités – on en fait un petit tour non-exhaustif ?
La psychologie clinique et psychopathologique est souvent la spécialité la plus connue ; les psychologues cliniciens prennent en charge et étudient l’individu dans son individualité et sont des professionnels de l’évaluation, du diagnostic et du traitement des problèmes de santé psychologique.
La neuropsychologie, comme son nom l’indique, est orientée vers les psychopathologies et dysfonctionnements neurologiques. Les neuropsychologues évaluent par exemple les difficultés ou forces cognitives des patients.
La psychologie de la santé se centre quant à elle sur la prévention des comportements à risque et sur la sensibilisation aux comportements protecteurs – les psychologues de la santé pourront ainsi prendre en charge des sujets soumis à des situations potentiellement stressantes, ou adoptant des conduits dites « à risque ».
La psychogérontologie, de son côté, étudie les troubles mentaux et cognitifs (mais pas que) des personnes âgées en souffrance ou vulnérable – les psychogérontologues pourront donc accompagner des personnes âgées atteintes de troubles, mais aussi leur entourage.
La psychologie du travail prend sa place du côté des organisations, de l’insertion et de l’orientation professionnelles. Les psychologues du travail sauront intervenir auprès des individus en contexte de travail et d’emploi, accompagner les transitions professionnelles, …
La psychologie du développement s’occupe plus particulièrement des enfants, des adolescents et des jeunes adultes.
La psychologie sociale (ma préférée, hé) étudie à la fois l’individu, les groupes, l’objet et les interactions entre eux. Les psychologues sociaux (ou psychosociologues) produisent des études et diagnostics (ou en tout cas des éléments de diagnostics) pour proposer des actions et conduire le changement.
Évidemment, nous n’avons pas parlé de tout – par exemple, ma super copine Emilie dirait peut-être que je n’ai pas causé d’interculturel (qui permet d’explorer les situations interculturelles, les interactions et liens entre des individus porteurs de cultures distinctes,…) ; ni de psychologie scolaire, ni de psychologie du sport… Si vous souhaitez y voir un peu plus clair, l’ONISEP propose un panorama des diplômes ici.
Certain-e-s d’entre vous auront probablement vécu de mauvaises expériences avec des psys : comme dans toute profession, il y a des fois où ça passe, et des fois où « ça » ne passe pas, il y a des bons, des moins bons… des mauvais. Malgré tout, la relation entre le praticien et l’individu est cruciale : il arrive parfois que l’on ne se sente pas bien, pas à l’aise, pas en confiance avec le praticien que l’on a choisi – dans ce cas-là, cela ne signifie pas que vous ne vous sentirez pas en confiance avec un autre.
Pour vous, c’est quoi « un psy » ?
Pour aller plus loin :
- Une étude de représentations sociales des « psy » auprès des étudiants
- Une étude de représentations du « psy » auprès d’enseignants
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